dimanche 23 février 2014

Find It ! Reborn, Episode 4: Lever de Rideau

Previously, on Find It! 
Deux Maskell Dream GT ont été produites. L'une des deux a secrètement quitté l'usine dans un camion réfrigéré au nez et à la barbe des journalistes. La seconde, en tout point identique a pris la route et rejoint l'équipe du Salon de l'Automobile, à Paris. A la veille de l'ouverture officielle, Hugo Maskell, PDG de la marque, n'a jamais semblé aussi nerveux. Son prochain coup sera sans doute éclatant, mais sa stratégie de la surprise va-t-elle payer?

Le samedi 2 octobre à 20 heures, le Salon de l’Automobile de Paris ouvrait ses portes en cession restreinte, a une délégation nombreuse de journalistes et une poignée de VIP pour une soirée exclusive à profiter de toutes les nouveautés sans avoir les soixante-dix mille visiteurs journaliers que prévoyait l’évènement pour les gêner. L’occasion pour ces professionnels de se faire une idée des tendances à venir, de prendre quelques photos exclusives avec les stands déserts, de prendre le temps de trouver la bonne lumière devant les chromes rutilants… 
Quelques-uns, spécialisés, s’étaient rapidement éparpillés pour profiter des nouvelles citadines, le segment le plus porteur en termes de ventes… Les modèles que conduiraient le quidam moyen dans deux ans à peine, c’était un sujet qui serait largement couvert. Mais pour nombre d’entre eux, ce n’était pas la priorité. Parce qu’à l’ouverture des portes, plus de la moitié des représentants de presse était resté groupée contre toute attente, se dirigeant en une masse compacte vers les bannières jaunes et bleues, bercés le long de ce petit voyage par l’extravagante sonorité d’un authentique V12 modernisé, tout en puissance retenue, en rugissement félin, celui qui dénotait la présence unique d’une Maskell Dream GT.

Les responsables du stand Porsche, qui se trouvait pourtant placé stratégiquement plus proche de l’entrée que l’espace dédié aux Maskell, regardèrent, médusés, cent soixante-douze journalistes de toutes nationalités, se diriger au pas de course vers la dune de sable aménagée entre ses deux gigantesques cocotiers. Et dans un brouhaha sans nom, les journalistes et VIP stoppèrent leur course juste au pied de la plate-forme. Elle était là, devant eux, la Dream GT. Et même si elle était encore bâchée, la présence derrière un piédestal en carbone ouvragé, d’Hugo Maskell lui-même laissait présager les meilleurs augures.

En excellant communiquant, il resta immobile le temps que les derniers retardataires se soient placés autour du véhicule recouvert d’un grand drap à l’effigie de la marque de sa famille. S’engagea alors un échange des plus insolites. Aucun discours n’ayant démarré, plusieurs journalistes, dont certains connaissaient bien le magnat de l’automobile, hélèrent Hugo pour lui demander de découvrir la voiture. Ils furent bientôt rejoints par une part appréciable de l’assemblée, qui scanda en quelques secondes (et sans que personne ne leur ait demandé, miracle du marketing moderne) le nom de la voiture. « La Dream GT ! La Dream GT ! » Et Mr Maskell prenait un malin plaisir à les faire patienter, à avancer vers le drap épais pour s’en détourner au dernier moment. 

Puis vint l’heure de dévoiler la grande supercherie. A moins de quatre mètres, les journalistes attentifs commençaient à se douter de quelque chose. Hugo se décida à activer son micro-cravate lorsqu’il vit dans l’assemblée quelques chuchotements et des gestes équivoques devant la voiture. D’un geste souple, tout en élégance, il se pencha vers le drap recouvrant la voiture, et actionna un discret interrupteur caché dans la masse de sable.

Le tissu à mémoire de forme perdit toute tension et commença à s’effondrer, tandis que le PDG de Maskell Automobile le tira d’un mouvement théâtral derrière le pupitre. Plusieurs flashs se déclenchèrent, même si le bruit des photographies fut couvert dans la seconde par les exclamations de surprise : entre les quatre pneus sport de la Dream GT plantés dans le sable, il n’y avait aucun véhicule. Habilement dissimulé sous la forme d’un drap, le tissu (à 800 euros le mètre carré) à mémoire de forme avait simulé la Dream GT que personne ne connaissait, étonnant à la fois les journalistes, les monteurs des autres stands et les responsables du Salon. C’était un moment unique, de surprise, de grognements pour certains de s’être fait berner une fois de plus par le service communication de la marque, d’interrogations pour la plupart. Et alors que le brouhaha général augmentait de volume, c’est le moment que choisit Hugo Maskell pour prendre la parole.  

« -Mesdames, Messieurs, je ne peux que comprendre votre étonnement devant le stand de la marque dont je suis le président, qui se présente à vous ce soir sans l’élément que vous attendiez tous. Maskell vous jouerait-elle des tours ? Non. Afin de vous expliquer cette absence, laissez-moi vous  dire quelques mots. »

A cet instant, il parût que dans tout le hall d’exposition, on n’entendit plus aucune autre chose que les murmures pressants de tous les visiteurs, journalistes et concurrents massés devant les bannières jaunes et bleues de Maskell.

« Mon oncle a créé cette marque il y a de cela près de vingt ans. Au cours de cette période, nous avons su nous imposer comme une marque de prestige, marquer les esprits avec nos modèles, et imposer le respect dans le monde pourtant fermé de l’automobile. Tout au long de ces années, nous avons suivi un idéal de transparence, de haut standing pour nos voitures, et de qualité de fabrication. Plus que cela, mesdames et messieurs, pour vous tous amis et rivaux, autant pour ceux qui ont la chance de conduire une Maskell que pour les autres, nos modèles ont toujours reflété le rêve, l’image même que nous nous faisons de l’essence de l’automobile.

Toutes ces valeurs qui nous sont chères et qu’incarnent nos voitures depuis vingt années sont réunies dans la Dream GT. Comme son nom l’indique, cette voiture est un rêve. Un rêve de constructeur d’approcher la perfection de son art, un rêve de conducteur de pouvoir manier ce pur-sang sur circuit ou sur la route, rêve encore du public lorsqu’il la verra, l’entendra rouler, rugissante, dans les rues de nos cités. Chacune de ces voitures, et elles ne seront produites qu’au nombre de 800, sera totalement exclusive, suivant les choix du client. Un rêve devenu réalité, ne vous en déplaise ce soir devant cet espace vide.

Vous connaissez tous son prix, et je vous l’annonce, il s’agit d’un investissement qui mérite cette somme. Il est l’aboutissement d’années de travail de nos designers, de mois acharnés en recherche et développement, de semaines de montages minutieux et d’essais qui auront parus pour certains interminables. La prise de commandes ouvrira demain, et nous sommes parfaitement conscients que les 800 modèles seront vendus dans la journée. Augmenter cette production, c’est perdre notre identité en tant qu’artisans d’une certaine perfection.

Pour autant, devons-nous renier nos origines une fois de plus pour nous ouvrir uniquement à une élite ? Pour notre famille, et par ce mot j’entends tous ceux qui aiment et qui défendent nos produits, notre image, nos idéaux, la réponse est non. C’est pour cette raison que vous n’aurez pas la chance d’apercevoir la Dream GT ce soir, aussi riche ou privilégiés que vous soyez d’être ici. Demain, notre rêve incarné sera sur cette petite plage, car demain le salon ouvre ses portes au plus grand nombre. Demain, un secret vous sera dévoilé. Un secret dont nos propres employés ne connaissent pas la teneur, et qui prouvera au monde que nous sommes et resterons une marque unique, ancrée dans le luxe sans renier ses origines. Demain, nous vous parlerons de la Chasse Maskell.
Je vous souhaite une bonne soirée. »

Le PDG de la marque quitta son élégant pupitre et tourna les talons le sourire aux lèvres, comme soulagé de n’avoir pas laissé le temps à quiconque de lui poser une seule question. La grande majorité du parterre de journalistes et de VIP qui s’étalaient devant la plage de sable où trônaient crânement quatre roues hors de prix étaient abasourdis par la teneur du discours. Il faut dire que si Maskell avait effectivement des origines modestes, cela faisait plus d’une quinzaine d’années qu’elle ne produisait que des « supercars », ces voitures d’exception réservées à une petite centaines d’exemplaires par année. Huit cent, c’était déjà énorme et ne manquerait pas de susciter l’engouement . L’absence du bolide… C’était pour le show, même si le coup marketing fonctionnerait à merveille. Mais la chasse Maskell ? Il faudrait à tout prix se renseigner. 
Un retour aux sources ? Voilà ce qui allait faire couler de l’encre.