lundi 31 mars 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 4

Episode 4: Tiens, voilà Dublin

Les premières minutes de conduite en Irlande sont assez folkloriques. Déjà parce que nous sommes à deux doigts de retourner à l’agence pour leur balancer leur GPS à la figure. On finit par comprendre (après quand même un arrêt dans une zone résidentielle au bout d’une impasse…) que l’appareil peut fonctionner sur batterie, ou bien avec son câble d’alimentation. Pas les deux, attention, tu le débranche pendant qu’il fonctionne, pouf, t’es perdu, c’est direct. Comme on le fait se rallumer et s’éteindre une bonne dizaine de fois, il finit par ne plus savoir exactement où nous sommes… à peu près comme nous.

On joue le coup de poker : ça va tenir, il va nous montrer le chemin, il suffit de ne pas (trop) y toucher. Nous arrivons ensuite sur une avenue à plusieurs voies qui va nous mener directement dans Dublin sans passer par le périphérique. Il y a pas mal de circulation, et je dois souvent changer de vitesse (quand je n’essaie pas de les passer dans la porte avec ma main droite), du coup je demande l’aide de Michel lorsqu’il s’agit de mettre la clim ou de changer le CD, voire rebrancher le GPS qui s’est ré-éteint, capricieuse électronique. Et là, il y aura quelques moments de gêne, pour lesquels je tends la main en cherchant le levier de vitesse, et rencontre celle de Michel. Un contact doux, que nous tentons tous les deux de contourner sans y parvenir. Les filles, qui filmaient, repèrent l’instant de grâce, qui sera plus tard rebaptisé « le moment gay ». On s’en doute, dire que l’on cherchait le levier de vitesse, avec les esprits mal tournés qui hantent le véhicule, n’arrange rien à la situation.

Curieusement, on a beau être en banlieue  un dimanche du mois d’aout, il y a de l’ambiance. Déjà dans notre 4*4 (nous avons repéré un camion Guinness, c’est l’euphorie totale), mais aussi dans les rues qui bordent ce long axe Nord-Sud, bordé de maisons à un ou deux étages en brique rouge, un peu austères si les rues n’étaient pas enguirlandées de fanions de toutes les couleurs. On finit par comprendre que nous sommes sans doute aux alentours d’un stade, par la présence de nombreux supporters de Donegal (les maillots sont mystérieux, et compte tenu qu’aucun de nous quatre ne suit de sport d’équipe, ils le resteront un moment). Notre compilation spéciale Irlande nous fait passer le temps entre les feux, et bientôt Michel et moi reprenons en cœur notre « Djangoooo », refrain favori depuis si peu de temps remplacé par Bushmills.

Lorsque l’on rentre dans le centre-ville, la circulation devient plus dense, et les arrêts nous montrent le Dublin de tous les jours, celui qui n’est pas réservé aux touristes et businessmen. Les épiceries et les pubs font beaucoup penser à Edimbourg, autant que certains bâtiments sombres et défraîchis de la fin de la grande révolution industrielle. Pour autant, les gens ont l’air un peu plus accueillants que leurs cousins aux kilts, et les enseignes sont un peu plus colorées. Nous finissons par arriver à notre premier hôtel, à deux pas des quartiers historiques. On le voit de loin, arrêtés à un feu rouge, et puis… Et puis rien en fait, il y a environ zéro places pour se garer, et les rues autour ont été conçues selon un intéressant concept de sens uniques minuscules (dont nous ne sortirons pas deux fois au même endroit). 

Deux fois nous faisons le tour du pâté de maison, car après s’être résolus à marcher sur quelques centaines de mètres, il faut encore que l’on soit rassurés par le voisinage. On a beau être près du centre, quelques ruelles ont une ambiance un peu coupe-gorge. En rappelant que la règle numéro un, ce n’est pas notre sécurité mais la caution du Quashqaï, il convient de faire attention. On réussit finalement un créneau à droite pas trop dégueulasse (j’ai failli me cogner dans la porte en voulant regarder l’angle mort), et nous laissons les bagages dans le coffre pour aller s’enregistrer.

Je laisse Julie se charger du discours, mais finit par me rapprocher à sa demande : le type ne mâche pas ses mots, il les chique. Pour ne pas passer pour des idiots devant nos amis, on hoche vigoureusement la tête, on prend nos clefs et on se déplace un peu plus loin pour faire le topo sur ce que nous avons compris. Déjà, on peut se garer sur le trottoir pour décharger les valises : l’anarchie temporelle est autorisée. Ensuite, il y a un parking sous-terrain « juste à côté » qui appartient aussi aux CityHotels Appartements. Parce que oui, pour notre première nuit Irlandaise, nous avons choisi de louer un petit deux pièces, rien que ça.

Je ne sais pas comment, mais dans mon esprit j’avais je ne sais comment, imaginé un penthouse de luxe dans un loft, peut-être aménagé dans un ancien dock. Bon, on voit vite que ce n’est pas moi qui ait fait la réservation, parce que si c’était peu cher, il y avait forcément une raison. Nous sommes au premier étage, après un corridor tapissé d’une profonde moquette bleue. Et ma première impression, c’est que notre penthouse tenait tout entier dans le salon de notre appartement à Colmar (lui non plus n’étant pas démesuré). Ce n’est pas non plus de première fraicheur, mais en y regardant de près, c’est propre et nous avons largement de la place pour quatre, puisqu’on n’y passe qu’une nuit. A gauche de l’entrée, c’est la salle de bain, un peu à la mode anglaise (comprenez : uniformément rose) avec son inévitable système de douche électronique, sa baignoire carrelée et ses toilettes, presque perpétuellement en train de se remplir car le réservoir tient un peu du goutte à goutte. A angle droit, c’est la chambre que je partage avec Julie, puis celle de Marie et Michel, qui fait face à une kitchenette assez bien équipée. Le couloir se termine sur le salon, qui dispose d’une baie vitrée avec vue sur les édifices historiques. 

Ce qui nous intéresse le plus par contre, c’est toujours cette ambiance bien britannique, avec un très profond canapé et un fauteuil en cuir dont on ne se relève tout simplement jamais. C’est bien situé, c’est silencieux aussi (bon un dimanche à midi, j’aurais été surpris mais voilà), pas de mauvaise surprise et les lits sont de bonne facture.

A l’envie de piquer une sieste, nous devons répliquer en cherchant les bagages : je pars avec Michel tandis que les filles vont demander draps et couettes qui font défaut pour l’instant. Nous retrouvons la voiture intacte, et partons nous garer comme des sacs devant l’hôtel (on commence à connaître le quartier). Puis nous voulons trouver le garage. Hahaha, ça a l’air facile, dit comme ça. Trouver la rue nous prend… Même pas deux minutes. Par contre une fois sur place, aucun d’entre nous n’a de numéro de maison, donc impossible de savoir quelle entrée de garage (il y en a huit ou neuf) est la bonne. Et puis, en Irlande les autocollants doivent coûter cher ou être interdits : il n’y a rien pour signaler la bonne porte. En se basant du coup sur l’instinct (l’agence est au bout de la rue, ce doit être le plus proche), nous nous approchons, je bredouille un truc inintelligible dans l’interphone, et ça s’ouvre. Mais ce qu’il faut réaliser, c’est qu’on n’est même pas surs d’être au bon endroit, et ça nous fait bien rigoler. Dans ce sous-sol, je vais me garer trois fois, aussi. Une première comme un Kévin au milieu de deux marques, une seconde dans une place ou tout le monde risque d’accrocher la carrosserie en reculant, et une troisième à une place qui me semblait un peu plus en sécurité.

Revenus à notre petit appartement en se bidonnant, nous ne prenons pas le temps de vider les valises. Déjà parce que c’est inutile : on repart demain. Ensuite parce qu’il est 14h30 bien tassées, et que nous n’avons toujours rien mangé. Toujours. Rien. Mangé. C’est intolérable.

Pour autant, on prend toutes les affaires pour visiter le centre-ville dès le repas terminé pour ne pas perdre de temps. Quitte à faire les réglages en cinq minutes, c’est donc la fête aux appareils photos, au sacs à dos remplis de coupe-vent (oui, mine de rien, ça s’est couvert comme prévu), et à tout ce qu’il n’est pas nécessaire de laisser à l’autel (et qui est-ce qui porte le sac, hein, je vous laisse deviner). Nous y voilà, Dublin s’offre à nous.


Dans un premier temps, on traverse simplement l’avenue pour se rapprocher de la cathédrale. L’ouvrage en pierre claire est splendide, avec force sculptures, un passage au-dessus de la route et un clocher qui doit dominer toute la vieille ville. C’est peut-être visitable ? Et pan ! Il suffit de poser la question pour apercevoir la file de dizaine de touristes qui attendent leur tour depuis l’extérieur. N’étant ni fervents catholiques (Irlande = catholiques, Angleterre = protestants, souvenez-vous) ni adeptes de payer pour visiter un lieu de culte, nous passons notre chemin, non sans avoir utilisé l’endroit pour calibrer nos appareils. Et au final nous n’allons pas bien loin : nos estomacs se rappellent tant à nous que nous cédons à la tentation du premier restaurant venu, en l’occurrence un « bistrot » qui sert du local dans un cadre un peu moderne. On s’assoit, on prend les menus, on pose nos affaires… Et enfin, on souffle un peu. Clairement, tout est en train de se passer à cent à l’heure. Il est bon de ralentir, de se regarder dans les yeux et de se dire : 

ça y est, nous y sommes enfin !

jeudi 27 mars 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 3

3 : « Global » Positionning Satellite

Aucun d’entre nous ne savait qu’Aer Lingus était une compagnie Low Cost, mais la façon de procéder à l’embarquement est typique… Michel et moi sommes dans une file, Julie et Marie dans l’autre (allez savoir, l’instinct de compétition, ça ne se renie pas comme ça). Malheureusement il a fallu qu’une dame perde du temps à faire défiler ses cinq marmots devant celui qui vérifiait les passeports pour que les filles nous dépassent de loin. Elles sont restées là, de l’autre côté du comptoir, à nous faire des grimaces comme des gamines, avant de s’en aller vers l’embarquement. Nous, passé la minute dans laquelle nous avons bouillonné de rage et souhaité des touchers rectaux à tous les autres touristes, nous acceptions plutôt bien la situation.

Les hôtesses aussi, étaient malheureusement un peu low cost, diront les hormones mâles. Mais une fois encore, pas vraiment de sujet pour se plaindre dans ce saut Amsterdam – Dublin. Nous sommes sur une seule rangée, Moi, Julie et Marie, tandis que Michel est de l’autre côté du couloir… Cela aurait pu être gênant pour lui s’il n’avait pas décidé de roupiller tout du long (je crois qu’il dormait déjà au roulage). Je profite du voyage pour feuilleter nos différents guides sur notre destination. En effet, même si je connais bien nos étapes (pas autant que Julie, mais quand même), le reste du pays m’est assez inconnu. Au passage, sur les quelques jours pour lesquels le programme est ouvert, je repère quelques petites perles qui semblent intéressantes. A côté de moi, Marie s’instruit elle aussi. Elle découvrira, quelques minutes avant l’atterrissage que oui, Dublin aussi est à côté de la mer (une véritable épidémie). Avec nos occupations et quelques biscuits (les nôtres, il ne faut pas espérer grand-chose de la part des Lingus), le Boeing est bientôt en approche finale.

Nous avons nos premières vues sur l’Irlande… Ma foi pas plus verte que ça, pour ce qu’on peut en voir par les hublots. Ici par contre, nous avons une bonne vue sur la capitale au cours de notre approche. Notre première étape, une fois que nous aurons franchi tous les obstacles inhérents au voyage… Mais nous prenons les bonnes nouvelles comme elles viennent : nous avons atterri vivants, l’aéroport international de Dublin nous accueille et jusque-là, tout va bien. A la réception des bagages, nous remarquons que les Irlandais tentent de mettre les touristes dans l’ambiance, avec d’ores et déjà les priorités à gauche, les « Look Left » un peu partout pour nous éviter un accident corporel avec un taxi en sortant de l’aéroport… Nos bagages ne sont même pas parmi les derniers (un exploit !) et nous arrivons sur le territoire irlandais comme un peu partout dans le monde : après une vérification ensommeillée d’un fonctionnaire des douanes.

Jusque-là, les étapes s’enchainent si vite… Il est clairement temps de ralentir lorsque nous arrivons aux portes extérieures sans avoir trouvé notre loueur de voiture. Hum. Nous aurons besoin de faire deux fois le tour de la petite zone commerciale pour trouver la bonne agence (heureusement, ce n’est pas Francfort et ses kilomètres de galeries). Il y a un peu d’attente, mais c’est le temps qu’il me faut pour passer en configuration « anglais » et ne pas bredouiller lorsque j’arriverais au guichet. C’est le désavantage de partir avec d’autres français bavards : jusqu’à parler à l’autochtone, on n’est pas vraiment dans le bain. Et puis c’est qu’elle est jolie, cette employée. Elle arbore un joli sourire aguicheur, et m’explique toutes les modalités du contrat de location tandis que je remplis les papiers, parce que je suis le conducteur désigné. Tu parles, avec son ton suave et ses jolies pommettes, j’ai failli rater une information importante, un petit détail qu’elle glisse comme ça dans la conversation : le montant de la franchise. Pour résumer, ça donnait quelque chose du genre « oui je suis jolie blablabla blabla accidents blablabla véhicule de classe supérieure blablabla jolie blablabla 1500 euros sur votre compte ».

Euh. Quoi ?

Oui, pour me tirer mille cinq cent euros, tu as toute mon attention, même s’il n’en fallait pas tant. Je pense d’abord qu’elle me parle d’une nouvelle option d’assurance possible, mais non, pas du tout en fait. C’est bien le montant de la caution pour les grosses voitures. Et nous, on n’a pris que l’assurance rayures et pneu à plat, un classique… Eh bien, ça veut juste dire qu’on fera attention, qu’on la traitera comme un bijou, cette caisse. Parce qu’à la première bosse, c’est mille cinq cent boules qui partent, argent que bon par précaution, ils ont déjà provisionné à partir de mon compte. La vache. Quand je suis parti, elle souriait toujours, mais moi beaucoup moins.

Qu’à cela ne tienne finalement, nous n’avons jamais eu de problèmes auparavant. Nous voici de retour dehors, au grand air Irlandais, à chercher… Eh non, pas notre voiture, mais une navette. Oui parce qu’à Dublin, la sortie de l’aéroport est un peu au format réduit : les agences de location ne fournissent que des bons, et des petites navettes pour amener les clients jusqu’à leur dépôt, à plusieurs kilomètres de là. Notre chauffeur, capable de tenir nos bagages un à chaque bras (c’est un métier…) fait honneur à la sympathie naturelle des Irlandais. Sans avoir un accent trop chiadé, il explique aux six personnes qu’il transporte plusieurs détails importants. Comme par exemple, comment retrouver le dépôt lorsque nous voudrons rendre la voiture, situation compliquée par différents travaux qui ont lieu sur les carrefours du coin. En effet le dépôt n’est pas la porte à côté, mais aucun de nous quatre ne fait très attention à ce que dit le chauffeur, nous avons le GPS du père de Michel, équipé d’une carte Europe… Il nous suffira une fois sur place de mettre un marqueur sur la position de notre départ, ce ne sera pas compliqué.

Une fois à l’agence, c’est un petit peu l’anarchie : les véhicules sont rangés un peu partout, sans vraiment d’ordre apparent entre ceux qui sont rendus et ceux prêts à la location. Un contraste criant avec l’Ecosse, où Julie et moi étions passé dans des rangées de berlines par ordre de taille et de prix, alignées dans un ordre impeccable… Dans le préfabriqué, on nous fournit les clefs, et on nous annonce aussi que nous serons équipés d’un Nissan Quashqai. Euh. Sur le coup, je fais une moue évocatrice, nous avons loué un véhicule de classe Opel Insigna. On en est donc à troquer une berline élancée (Deutsche Qwalität) contre un faux 4x4 japonais. Mais si ça se trouve la voiture est très bien, je crois que c’est toujours l’émotion de m’être fait tirer 1500 euros de caution qui me reste sur l’estomac (et le fait qu’il soit vide, et qu’il est midi, il se fait faim).

Sur le parking, on retrouve vite notre Quashqai, gris métal. Là, tout de suite ça va un peu mieux : j’ai quelque chose de concret sur lequel me concentrer. Mine de rien, on fait un road trip alors la voiture c’est important. Nous allons y passer plusieurs heures chaque jour, autant qu’elle soit confortable et agréable à conduire. Et pour ça, rien à redire… Enfin, presque. Après un tour extérieur de la voiture avec le mec de l’agence, une petite signature et la remise des clefs, je vais pour m’asseoir à ma place de conducteur… à gauche. Sauf que le volant, il est à droite, n’est-ce-pas. A partir de là, nous nous organisons rapidement : les bagages tiennent tous (sac à dos et chaussures de marche compris) dans le coffre bourré jusqu’à la gueule. On s’installe, et je finis de faire les réglages tandis qu’à côté de moi, Michel règle son GPS.

On ne va pas se mentir, lorsqu’il reste muet et concentré tout en rallumant pour la troisième fois l’appareil, je sens que c’est pas gagné. Il faudra presque attendre que moi et les filles soyons tout à fait prêts pour que la nouvelle tombe : le GPS fonctionne, oui. Tout à fait. Il a les cartes Europe, carrément. Avec un détail, quand même. Pour ce matériel à la con, Europe c’est naturellement l’Europe continentale, pas les îles. Du coup pour se repérer, ça va pas être évident. D’habitude, Julie et moi partons sans GPS, mais on prévoit du coup, en s’imprimant quelques cartes et en mémorisant une partie du trajet (j’aime bien, ça fait partie des vacances)… Là, comme on avait prévu l’appareil, je n’ai pas regardé grand-chose. Et puis soyons francs, on a si bien écouté le chauffeur de la navette qu’aucun d’entre nous ne sait vraiment où on peut être. Nous sommes littéralement perdus avant même d’avoir fait un mètre de trajet !

J’avoue serrer un peu les dents : on aurait pu vérifier ça avant de partir (et par on, je pense à eux) ! Bon, aléa du trajet, c’est pour le moment l’unique truc qui ne tourne pas rond aujourd’hui. Nous avons réussi à faire 2300 kilomètres en une matinée, c’est déjà pas mal. Julie et Marie retournent dans le préfabriqué pour leur louer un GPS. Le même que, dix minutes auparavant, j’ai refusé avec un petit sourire condescendant. Hahaha, marrez-vous. Si encore on avait connu la zone d’activité dans laquelle on se trouve, nous serions allé acheter un GPS, ça nous aurait couté moins cher (pareil avec le prix du roaming sur nos téléphones, ce n’était pas rentable).

Bien, cette fois ça y est. On sait où nous sommes, quel chemin il faut prendre pour envoyer Dublin (expression en cours de brevet). On se permet même de mettre une nouvelle compilation gravée sur CD la veille à peine, premier disque de la bonne vingtaine emmenée sur place pour l’occasion. Je sors du loueur, et m’engage sur le grand axe qui passe juste à côté. C’est assez drôle de voir les autres occupants se cacher les yeux : rouler à l’envers, avec le volant «à la mauvaise place » est une expérience assez unique. Pour le conducteur, on s’y fait assez vite (excepté quelques ratés dans les vitesses) parce que comme tout est inversé, on se retrouve du bon côté de la route et que tout est assez logique. Pour les passagers par contre, c’est assez unique. Marie gémit un peu, Julie rit nerveusement et Michel… Michel manipule le GPS.


Qui s’est éteint. 

lundi 24 mars 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 2

Episode 2: Big Lens

Autant se l’avouer, je n’ai pas dormi tout de suite. Parce que non, leur nouvelle ne m’a pas laissé indifférent. C’est là tout le fossé, en fait, entre l’annonce « nous cherchons à avoir un enfant » et celle qui a précédé notre départ pour l’Irlande. Non seulement je ne m’y attendais pas, mais ça m’a profondément fait réfléchir. Dans une nuit de cinq heures, ce n’était pourtant pas le moment pour les grands débats. Pas étonnant que je sois un peu grognon au réveil, d’autant que sur le coup je suis jaloux de nos amis, qui sautent le premier repas de la journée pour économiser quarante minutes de sommeil. Pour ma part je ne pouvais pas envisager tout ce qui nous attendait le ventre vide, Julie non plus, aussi nous nous sommes motivés à trois, elle, moi, et notre ami Nutella (au revoir, compagnon, à dans dix jours !). Eh oui, on ne sait pas trop mais à priori chez les Irlandais, ce sera du salé, le matin. Ou de la Guinness, nous avons quelques idées préconçues sur le sujet.
 
Vient l’heure de partir, mais aussi et surtout celle d’errer dans l’appartement, car il reste (c’est une certitude) les six ou sept minutes de marge que l’on avait fixé pour partir à l’heure. Les valises sont regroupées dans l’entrée, mais ça ne nous empêche pas de faire le tour des pièces à la recherche de l’objet manquant et indispensable que l’on aurait forcément oublié. Ou bien, à l’inverse, un questionnement récurrent : ais-je sorti l’éventuel couteau que je conservais dans mon sac à dos ? Ma barbe, qui n’est pas rasée de près, m’enverra-t-elle au toucher rectal avec un douanier ? Et au fait, est-ce que j’ai vérifié pour la huitième fois où est la clef du cadenas, nos billets d’avion, mes papiers d’identité ? Bref, c’est un vide intersidéral, nous sommes réveillés et alertes, ça pense à toute vitesse, et le chronomètre, lui, est encore un peu endormi.

Nous prenons la voiture de Marie et Michel, ne serait-ce que pour s’éviter de trop longues manœuvres dans notre garage (sortir la nôtre, ranger la vôtre, conduire la nôtre, sortir la vôtre, ranger la nôtre). Colmar est assourdissant de calme à cette heure, en plein mois d’aout. Excepté les principaux protagonistes, tout est bon pour le film de zombies : des rues désertes, une bande de copains avec des filles sexy, la nuit noire et un orage qui strie d’éclairs le ciel sombre quand nous prenons la bretelle d’autoroute. Oui, d’ailleurs. L’orage, parlons-en. Nous avions une météo digne du mois d’aout depuis quatre jours, et il aura fallu que précisément la nuit du départ, au moment où nous sommes sur la route, l’orage tombe. Ça n’aurait pas pu attendre, je ne sais pas, vingt minutes de plus. Mais enfin Michel est bon conducteur, s’amuse gaiement de ne pas y voir grand-chose, et profite de ses dernières minutes au volant. A côté de lui en effet, je suis occupé à faire des mouvements fantômes avec mes pieds : d’ici la fin de matinée, c’est moi qui serais au volant, et il sera à droite… Passé Mulhouse, les gouttes cèdent place aux grêlons, et nous devons ralentir car le voyage commence à ressembler à l’accélération du Faucon Millenium, le vaisseau de Han Solo dans Star Wars.

Et puis à l’aéroport, plus rien. Nous avons dépassé le nuage, que l’on voit très clairement flotter, sa masse noire coupant le ciel en deux, étalé plus au nord de l’Alsace. Trouver une place dans le parking de longue durée s’avère plus compliqué de prévu : nous avions oublié, dans notre habitude de partir hors saison, que là c’est le mois d’aout, et que donc il y aurait un peu moins de place. Pour faire court, il y en a pour cinq cent mètres jusqu’à l’entrée du parking (l’occasion de constater qu’avec un salaire Suisse, certaines voitures ne sont pas désagréables à l’œil). Dans le bâtiment, c’est encore l’éveil malgré les premiers vols qui commencent leur ronde. Nous pourrions prendre notre temps, mais c’est toujours beaucoup plus agréable de flâner sans les valises dans la zone internationale, aussi nous nous dirigeons vers un guichet (presque) désert, pour faire enregistrer nos bagages, que l’on reverra dans la capitale irlandaise et pas à Amsterdam, qui nous accueillera pour un petit transit. Au passage, il faut remarquer que pour changer, les guichets électroniques qui ne marchent jamais (Italie : zéro vols sur quatre, quand même !) nous reconnaissent… Même si, comme nous avons des valises, il faut quand même passer par l’enregistrement classique.

En habitués, nous ne passons pas longtemps à la fouille réglementaire à la douane, car tout est empaqueté selon les normes en vigueur… Le temps de remettre nos ceintures, de regarder à quoi ressemble notre sac passé aux rayons X, et c’est le Duty Free. Nous commençons par rêver (c’est une tradition) devant des montres à 5000 euros, avant d’avancer… Nous sommes déjà dans les rayons de l’épicerie, à lorgner les Toblerone d’1kg (aéroport Suisse, ne l’oublions pas), et les bouteilles de whisky. Nous trouvons même du Bushmills, la marque Irlandaise dont nous allons visiter l’usine au cours du voyage (c’est l’une des étapes les plus attendues, avec son propre cri de guerre, comme en témoignent les nombreux « Bushmills ! » qui ponctuent nos emails depuis quelques jours).

Nous attendons l’embarquement dans la même léthargie que tout le monde, avant d’embarquer sans se presser, en se moquant ostensiblement de ceux qui, debout depuis vingt minutes, sont en rang d’oignon pour attendre l’ouverture des portes. Nous, tant qu’on peut avoir une vue sur l’activité fébrile de l’aéroport et son ballet de véhicules… Dehors, il pleut à torrents, et on voit les gouttes s’écraser sur la piste sur les toutes premières lueurs du jour. Notre KLM « Cityhopper » bleu et blanc nous attend, pour plus d’une heure de vol. On y verra, doucement au-dessus de l’Allemagne, le soleil se lever… Du moins lorsqu’on ouvre les yeux, parce que nous sommes plusieurs à penser que maintenant, c’est un moment comme un autre pour rattraper le sommeil perdu. Julie et moi parcourons le magazine de voyage de la compagnie, qui fait différents focus sur plusieurs destinations que nous avons déjà exploité : les souvenirs de nos voyages, nous y sommes intarissables.

Habitués des vols low-cost, nous n’attendions pas de petit déjeuner, et pourtant c’est avec la nourriture sous les yeux que la faim revient… Des sandwichs (ouh-là, une entrée en matière sur la quasi-intégralité de nos déjeuners…) fabriqués en Hollande, avec de la farine de Hollande, un emballage de Hollande, et plein d’explications dans une langue qui fleure bon la Hollande écrite dessus. Ce sera un vol calme, pour lequel nous aurons largement le loisir de regarder l’approche sur Amsterdam (c’est la fête du virage), laquelle, c’est une surprise pour certains, est à côté de la Mer. Moi qui n’y suis jamais allé, je me tords le cou pour voir le centre, mais c’est peine perdue, ou bien je ne suis pas du bon côté de l’avion. Je ne m’attendais pas à autant de canaux, par contre, même si le fait est connu : il y en a jusqu’au cœur de l’aéroport. Nous atterrissons en effet sur une piste connexe, et passons au-dessus de l’eau pour nous rendre aux terminaux. Deux avions sur trois sont peints comme le nôtre, en blanc et bleu ciel, les couleurs de KLM, qui a son siège ici.

Nous ne nous précipitons pas non plus pour sortir : on sent clairement un parfum de vacances ! Au contraire, nous prenons le temps de nous repérer parce que sur place, on a vite fait de marcher vingt minutes dans la mauvaise direction : l’aéroport d’Amsterdam est gigantesque. Au moins on ne s’ennuie pas durant notre marche ! Il y a différentes enseignes en Duty Free, puis des portes aux destinations exotiques (souvent plus de 9-10 heures de vol, quand même). Et puis au bout du chemin, un autre contrôle de douanes. Je passe (c’est une habitude) comme une fleur, en ne me rendant pas compte que pour les autres, c’est un peu plus compliqué.


Julie a dû enlever ses chaussures de marche (je plains les douaniers alentour), mais c’est surtout Michel qui est en pleine séance de déballage de son appareil photo. Visiblement, le fonctionnaire est bien curieux d’examiner l’objectif de 400mm que notre ami a dans son sac à dos, et il fait jouer la coulisse pour vérifier que ce n’est pas une arme (même si ça fait une belle matraque, hein)… Mais c’est surtout l’une des phrases vite cultes de ce début de voyage qui fait son apparition : « Wow you have a big lens »… Le surnom est là, le matériel est posé. Michel est Big Lens (il en est tout enchanté) et le sera une bonne partie du voyage. C’est tellement connoté, un peu idiot, phallique, que ça nous inspire des jeux de mots jusqu’à la porte d’embarquement. 

De là, nous voyons notre Boeing aux couleurs irlandaises d’Aer Lingus, et c’est le nom de la compagnie qui va prendre place dans nos jeux de mots (pour ces derniers, je vous laisse deviner ce qui finit par lingus dans nos esprits malades). 

vendredi 21 mars 2014

I.R.L.A.N.D.E. voyage 1 épisode 1

Ce texte étant une fiction tout à fait fictive, toute ressemblance avec des personnages réels serait purement fortuite. Soyons clairs, au vu du texte, on est presque dans la fantasy…

 Samedi : L’objet mystère

Lorsqu’ils sont arrivés chez nous à la veille du départ, on savait que l’aventure commençait en fait là, et non au lendemain dans l’avion. Ils étaient venus plus tôt que prévu, après un échange de messages excités de part et d’autre : chacun chez soi avec les valises prêtes, nous tournions en rond sans avoir rien à ajouter. Ensemble au moins, nous pouvions discuter du mois passé. On n’avait alors plus vu Michel et Marie depuis plusieurs semaines, à l’occasion de leur anniversaire de mariage. Le mois de juillet avait passé entre temps, et tout en prenant un verre (bien trop tôt pour un apéritif, mais qui s’en souciait) nous avons évoqué un juillet mitigé, entre grosses chaleurs et pluies intermittentes.

Dès le premier verre de rosé pamplemousse, la tension qui était montée dans l’après-midi retombe : nos vacances sont effectivement commencées, et cela s’annonce rarement mieux qu’avec un verre bien frais à la main. Michel et moi échangeons rapidement les dernières nouvelles de nos métiers respectifs, car la veille encore il était à son poste… Moi, j’ai déjà une semaine de repos sous le bras, mais je reprendrais plus tôt que lui.

Michel est grand, passant allègrement la barre du mètre quatre-vingt. De nous quatre il est le plus jeune, même si passé le milieu de la vingtaine, tout le monde s’accorde à dire que ce n’est plus une réelle différence. Les cheveux bouclés, il aligne un départ de barbe qui vient mourir aux tempes, le long de ses lunettes aux montures en carbone. Il se plaint depuis quelques temps de prendre du poids (haha, naturellement, passé les 25 ans et le mariage…) mais il était si maigre trois ans plus tôt qu’il lui reste une marge considérable avant qu’un défaut soit clairement visible. DJ émérite, c’est aussi mon principal partenaire dans les jeux en équipes. Michel est lorrain, mais on lui pardonne, car depuis huit ans avec Marie, il a eu le temps de s’améliorer...

L’heure est aux comparaisons des poids de valises. Julie et moi, qui étions partis l’année dernière en Ecosse huit jours avec chacun notre sac à dos, n’aurions jamais dû avoir de difficulté à empiler nos deux affaires dans une seule (grosse) valise. Pourtant, et comme la moitié de nos armoires étaient finalement empilées pour le départ, nous avions passé une heure à faire des compromis. On était particulièrement fiers du résultat, tant en poids qu’en volume : il nous restait, cette fois, une marge significative pour ramener des souvenirs. Et par souvenirs, soyons clairs, on parlait principalement de whisky. Ce n’est que lorsque l’on a observé la valise de nos amis que j’ai pris conscience que Julie avait une fois de plus fait des miracles avec ses propres affaires.

A ce moment-là, nous étions mariés depuis deux ans déjà, qui avaient passé si vite. Julie est petite et vive, sa voix haute prenant souvent un ton plus cassant qu’elle ne l’avait prévu. Ses cheveux bruns cascadent d’habitude dans son dos, mais elle les a coupés court au début de l’été, et peut à peine les attacher au moment du voyage. Le visage ovale, elle cache son intelligence derrière ses sourires qui me laissent désarmé. Organisatrice hors pair, elle finit son Doctorat en Biologie, et comme elle soutiendra en septembre moins d’un mois après notre retour, elle a déjà rendu son gigantesque mémoire. Julie parait frêle, et ne manquera pas de s’en plaindre, mais ma femme est endurante bien au-delà du commun. Elle peut marcher loin, porter son sac sans souci. Nous partageons toutes nos passions, depuis la bonne chère jusqu’aux jeux vidéo.

Et donc c’est le moment de s’inquiéter pour le poids du barda de nos amis : certaines compagnies sont assez strictes sur les 20kilos autorisés dans les soutes, et les balances de l’aéroport peuvent réserver des surprises. Hors, sur notre propre mesure, leur bagage frôle déjà la limite… Par au-dessus. C’est sans doute lié à leur objet mystère, qui doit être plus encombrant et plus lourd que le nôtre. Quelques jours avant le départ, nous en avons fait un jeu agréable : chaque couple devait ramener un objet inattendu, dont les autres devraient deviner la teneur. Et Julie et moi, en ayant proposé l’épreuve, avions évidemment un bel atout : une caméra GoPro tout terrain, avec un boitier de protection et une fixation de tête. Je l’avais emprunté à mon travail, juste avant de partir en vacances, et compte tenu de son prix et du fun qu’elle promettait, nous allions « gagner » ce petit jeu haut la main.

C’était sans compter sur Marie. Plus grande que Julie, la professeur des écoles (si je dis la maîtresse du groupe, c’est connoté) aux cheveux noirs en bataille vous fixe de ses grands yeux, et obtient sa réponse. Marie est tantôt joviale puis mélancolique, et passe de l’un à l’autre plus vite que le commun des mortels. Fine et robuste, c’est aussi une bonne sportive, qui décrochera par volonté plus vite que par épuisement. Et c’est une stratège à ne pas sous-estimer, généralement ma Némésis dans les jeux de table auxquels nous raffolons tous les quatre. Nous sommes régulièrement les plus purs opposés dans nos gouts, au cinéma et en littérature. On devrait peut-être même se jalouser pour l’attention de Julie, entre meilleure amie et parfait marri… Mais non, ça n’a jamais été le cas. On s’entend à merveille, tous les quatre (sauf, soyons francs, autour d’une carte, et lorsqu’on s’égare trop loin dans un débat politique). Sauf que nos deux amis sont comme nous, ils adorent gagner.

C’est eux qui prennent le premier tour, et devinent en quelque minutes notre objet mystère, que je m’empresse de sortir du sac. La caméra sportive passe de mains en mains, et franchement, c’est plein de promesses. Aucun des deux n’ayant deviné immédiatement, Julie et moi étions à présent bien curieux de découvrir ce qui se cachait dans leur valise. Sauf que voilà, au bout de dix, puis une vingtaine de questions, peau de balle. Impossible de trouver un quelconque indice utile. C’est petit, ça ne sert ni à la plage ni à la montagne. C’est plié, aussi. Puis, après une autre série, on découvre que ça ne prend pas vraiment de place, et que ça ne leur a pas couté grand-chose pour le moment. Je suis sur le point de baisser les bras (en toute honnêteté, je n’ai aucune idée) quand Julie affiche un sourire profond, demande un moment de délibération avant de proposer son idée. Et nous voilà seuls, elle rayonnante et moi, classique, avec un train de retard.

- Je pense que c’est un bébé » Elle me dit. Ah oui mais non, j’ai envie de répondre, parce que là ce n’est pas dans la valise, hein. C’est pas du jeu, finalement !
- Ben souris, quoi » Elle rajoute. Moi, j’étais dans le jeu. Comme d’habitude, je choisis mes priorités, et comme souvent, je rate des révélations. Evidemment, ils attendent un enfant. Quand je les vois revenir avec ce petit sourire en coin, je sais que Julie a raison. C’est que ça met longtemps à me monter au cerveau, cette histoire. D’un coup, nous sommes à les féliciter, et je passe presque en mode spectateur, dans une vue à la troisième personne, à me voir manger des sticks pour éviter de parler, parce que je ne sais tout simplement pas quoi dire.

C’est moi, John, le plus vieux de la bande, qui reste un peu figé, de l’air que l’on prend pour recevoir un cadeau que l’on a pas souhaité. Je souris à pleine dents, passe la main dans ma barbe drue, aussi noire que mes cheveux. Je devrais manger un peu moins, mais j’ai passé le mois de juillet à faire du sport pour pouvoir me lâcher en Irlande, aussi je ne fais pas trop attention. Si je n’ai pas la taille de Michel, j’ai la carrure bien plus robuste et musclée. Je passe deux fois plus de temps dans mes pensées que les autres, me semble-t-il, alors je compense avec un humour que je pense toujours percutant. Quant à l’esprit, je joue toujours à l’érudit et tente d’en apprendre le plus sur tout, avec le résultat notable de me faire oublier l’essentiel et retenir des détails idiots.

Evidemment, le temps que je sorte de ma léthargie, ils ont annoncé fièrement qu’ils gagnaient, avec leur bébé (il fait la taille d’un petit poids), contre notre GoPro.
J’ai accepté, soyons honnêtes, c’était pour être poli… Au moins j’avais l’espoir que notre objet mystère nous soit utile pendant le voyage. Parce que le leur, bon, à part empêcher Marie de boire, la rendre malade (c’est la grande appréhension) et la fatiguer, je ne vois pas trop ce que ça va nous apporter. De quoi ? Oui, après, évidemment. Décidément, il n’y a que moi dans ce groupe pour penser uniquement au moment présent !

Nous partons en ballade en ville, parce qu’il fait chaud chez nous, que le temps est d’un bleu rayonnant (ça s’annonce mitigé à Dublin) et que non, ce n’est toujours pas l’heure d’aller au restaurant. Evidemment, le sujet de conversation, ce n’est pas la caméra, on peut s’en douter. Mais bon peu à peu je rentre dans le jeu, parce que nous ne passons pas notre temps sur le sujet. On parle de la Thèse de Julie, de la ville, de meubles aux prix inaccessibles que l’on suit dans les vitrines. Et puis, posés dans le nouveau parc de la médiathèque, nous lançons le sujet du prénom. Ils ont leurs idées, évidemment, et ne veulent pas les partager, ce qui est compréhensible. Ca ne nous empêche pas avec ma femme de les tester sur quelques grands classiques, puis sur nos propres envies. Pas d’enfant, non, de prénoms éventuels. Comme souvent avec eux, les sujets les plus simples peuvent être développés en discussions infinies, que l’on étendra encore durant le repas.

Doucement, nous arrivons au Restaurant. Nous sommes sur une terrasse ombragée, à côté de l’eau calme du canal touristique, et les maisons à colombages du Colmar classique nous entourent. Un véritable trésor pour ceux qui voudraient découvrir la région… A priori pas pour nous quatre, qui avons passé nos vies entières entre la Cathédrale de Strasbourg et les Cités mulhousiennes. La carte est moins variée que dans mon souvenir du site internet, et l’on se rend compte un peu tard que les plats, très portés sur la viande, peuvent ne pas convenir à une femme enceinte. C’est qu’il va falloir faire attention ! Très vite pourtant, les heureux élus nous rassurent. Michel a scrupuleusement  épluché toutes les restrictions d’usages, et il y a assez peu débat sur ce que Marie peut ou ne peut pas manger. Au pays de la charcuterie, la voilà réduite à un assez drôle de régime.

Comme d’habitude au restaurant, je passe une partie appréciable de mon temps à regarder les tables alentours. Il y a la famille, parents et leur fille qui a amené son copain, qui a dû commander son repas à six heures et demie pour en être à ce stade de leur dégustation… A notre droite, un couple d’étrangers (peut-être des russes), qui picorent avant de vite quitter le restaurant. D’autres duos sont à côté, il y a largement de quoi observer en attendant nos plats. J’ai laissé Michel choisir le vin, et nos escalopes (Dieu quelle taille, elles emplissent les assiettes à elles seules) seront arrosées au pinot… Si aucun d’entre nous n’a fait mine d’avoir assez faim pour prendre une entrée, c’était pour mieux se ménager la carte des desserts ! Les filles font honneur avec leurs dames blanches hautes comme l’avant-bras, je craque pour une tranche de tarte aux prunes, et Michel prend de l’avance sur le voyage avec un Irish Coffee…

C’est aussi dans ce restaurant que nous démarrons les échanges d’honneur, c’est-à-dire les paiements de repas pour quatre. Afin de s’éviter d’avoir toujours à diviser les additions par deux, chaque couple va régler les repas à son tour, en essayant de répartir équitablement : ça aide, de partir avec ses meilleurs amis, parce qu’on se sent en confiance : nous sommes tous quatre en vacances, avons décidé que ce n’était pas le moment de rester proches du porte-monnaie.

Arrivés chez nous, nous n’allons pas passer de longue soirée comme à notre habitude (moi, je suis assez partant, mais je ne sais tout simplement pas être raisonnable), mais au contraire nous coucher tôt, après un dernier petit verre et sans même jouer (les jeux « courts » sont déjà dans les valises). Il faut dire que demain, l’heure recommandée c’est quatre heures. Et ça, ça va faire des dommages. Nous aurons bien le temps de profiter sur place tous ensemble.


C’est parti pour une courte nuit !