jeudi 30 août 2012

De train en train...

2005: Je travaille l'été durant dans une usine d'injection plastique, et je suis aux horaires du matin. L'équipe démarre le travail à 6h, sur le site de Saint-Louis. Le train que je prends depuis Mulhouse est le premier du matin, et je me lève vers 4h15. Le défi, c'est de rester éveillé dans le TER, dont les compartiments avant ne sont souvent pas éclairés... Une seule solution pour éviter de rater la gare et se réveiller penaud à Bâle: rester debout! Lorsque même dans ces trajets j'avais l'esprit ailleurs: j'avais l'aéroport pour point de repère: éclairé comme en plein jour, il était le signal d'arrivée idéal.

2006: De retour pour un mois et demi à l'usine, je me laisse régulièrement aller au retour du travail, tandis que l'été est exceptionnellement chaud. Le train qui me ramène de Saint-Louis fait tous les arrêts: autant mes efforts du matin sont concentrés, autant mon attention se relâche le soir venu. Le contrôleur m'aura réveillé une à deux fois en gare de Mulhouse.

2009: En stage à l'ISL, le jeu consiste à arriver à la gare, en vélo, dans la minute qui précède le départ du TER rapide. Comme ce dernier est régulièrement en retard, je finis par décaler également cette minute d'avance. Je finis par le rater plus que de raison, pour prendre celui qui fait tous les arrêts. Je suis suffisamment alerte pour lire... Mais cela peut-il durer?

2010: Depuis Colmar, le trajet s'est allongé, comporte une étape. 20 minutes pour relier Mulhouse, 10 de plus pour Saint-Louis, parfois plus. Je lis toujours, mais la plupart du temps, je profite de la présence de collègues, avec lesquels s'ensuivent de passionnantes discussions. Le soir, lorsque ce ne sont pas les sports de chacun qui font les sujets, ce sont les ragots de l'institut et la politique de la recherche dans les années à venir.

2011: De plus en plus de musique le matin, moins d'entrain pour les livres... Les discussions du matin se transforment en saluts, suivis par de courtes siestes angoissés. Un collègue assis à côté de moi en profite un jour pour me faire la blague, et s'évade dans mon sommeil avant l'arrivée en gare de Saint-Louis. Je me réveille alors que le train est à l'arrêt, ai tout juste le temps de me ruer dehors, furieux et sous l'oeil amusé du chef de quai.

2012: C'est la débauche du sommeil. Le corps, merveille d'adaptation, s'est conditionné au trajet qu'il connait par coeur. Aux premiers tours de roues, mes yeux se font lourds et se ferment: je rêve, mon casque vissé sur les oreilles, souvent avant la fin du quai. Le ralentissement à Mulhouse me fait lever une paupière, parfois, mais c'est le plus souvent un nouveau passager sur ma banquette qui me fait sursauter. J'émerge peu avant l'arrivée à destination, généralement au milieu de rêves profonds. Ce n'est pas le sommeil complexé que j'ai pu observer, pour lequel la tête ballotte avant de se crisper en position droite. Non, c'est une sieste d'aise, la bouche ouverte et la respiration profonde. Il m'est arrivé de me réveiller en m'entendant ronfler. Quant à la vue, elle sait reconnaître tous les points du trajet, de jour comme de nuit, et coordonner l'urgence d'un réveil (la vue de l'Hyper U de Colmar) avec une fausse alerte classique (les entrepôts de Rouffach).

Nous sommes des dizaines, que dis-je des centaines à ainsi finir nos nuits dans le train. Et si je souriais durant quelques mois devant les filets de bave de certains, je suis dans les plus prompts à m'envoler dans les bras de Morphée.
Je vous plains, conducteurs!

lundi 27 août 2012

Chasseur de chasseur - Part 3


Et voilà. Voilà à quoi pouvait mener l’indécision. Triste spectacle, et pas discret pour un sou… Mehdi Mahlaki me regardait de ses yeux écarquillés en tentant désespérément de reprendre son souffle. Evidemment, avec le trou béant que j’avais rajouté à sa gorge, il ne produisait qu’un gargouillement désagréable qui gênait considérablement mes capacités de réflexion, et risquait de me faire repérer. J’aurais pu disparaître, mon méfait accompli, mais mon esprit tordu préférait que je reste là, accroupi avec ma victime dans mes bras, comme pour me rappeler que j’avais tout fait de travers. Ce n’est que lorsque son corps eut ses derniers soubresauts poisseux que j’avais pu retourner à mes pensées.

La traque avait démarré dans l’incertitude. Je n’aime pas l’improvisation, surtout lorsqu’il s’agit d’un sujet aussi important, mais je brûlais d’excitation après cette nuit de traque et de chasse. Je m’étais presque convaincu que j’allais remonter à la source, faire éclater le trafic au grand jour en ne laissant qu’une mare de sang dissuasive… Mais j’avais eu, dans un premier temps, toutes les peines du monde à suivre les traces des deux rescapés de cette nuit de folie. Ils avaient galopé à n’en plus finir, à en juger par leur traces. Je ne les en blâmais pas, car je savais que leurs montures seraient rapidement à bout. Peut-être même que l’une d’elles s’effondrerait de fatigue, ce qui rendrait ma tâche enfantine : je voulais les suivre et les voir supplier leur commanditaire de leur laisser une seconde chance, et pourquoi pas gagner du galon, au passage.

Il m’avait fallu quasiment trois jours pour rattraper ces deux imbéciles.  Je ne les voyais pas encore que je savais tout ce qui était nécessaire : j’avais si bien décimé les chefs lors de mon embuscade que les deux survivants que je m’échinais à poursuivre ne pouvaient-être que des sous-fifres ou des porte-fusils. Oh attention, durant les premières vingt-quatre heures, je les avais pris pour des pistards avertis, qui souhaitaient couvrir leurs traces par d’habiles manœuvres. Mais ces dernières n’avaient aucune cohérence, se recoupaient et dessinaient à peine une ébauche de trajectoire. Pensant moi-même tomber dans un piège, j’avais pris toutes les précautions en me gavant de pilules de Ternex : elles permettaient de voyager sans fermer l’œil quelques jours, si on était prêt à en payer le prix fort… D’affreuses migraines et une déprime sensible me guettaient, mais j’espérais de tout cœur découvrir les commanditaires et les identifier avant cette baisse de régime.

Il ne s’agissait ni d’un piège, ni de trajectoires destinées à me faire hésiter. Les deux rescapés étaient perdus, gaspillaient leurs rations d’eau et de viande, fumaient dès la nuit tombée et n’étaient pas fichus de voyager dans une steppe à peine vallonnée. Un contrebandier averti, prudent avec sa monture et quelque peu sur ses gardes n’aurait jamais été rattrapé par un homme à pied. Moi par contre, j’avais aperçu leur maigre feu de camp, qui m’avait guidé comme un phare dans les trois derniers kilomètres. Je crevais d’envie, poussé par ces pilules qui tout de même vous rendent un peu nerveux, de faire les quelques mètres restants et de couper leurs gorges. J’aurais peut-être dû.

La traque qui s’était ensuivie n’avait aucun intérêt pour un professionnel de ma trempe. J’en profitais pour me reposer plus que nécessaire, m’approvisionner le long des routes et m’entraîner à me faufiler sans bruit au plus près de leurs duvets.  Nous avons passé la frontière Soudanaise sans le remarquer, même si ce n’était pas une grande surprise, et moins d’une journée plus tard, les amateurs que je suivais à la trace ne se cachaient plus, empruntant la route. C’était plus difficile pour moi, même si je partageais presque leur teint, mon visage ne ferait pas longtemps illusion. Ma coiffe de paysan Shelab faisait l’affaire, tandis que mes affaires étaient plus ou moins élégamment cachés sous d’amples vêtements. Les routes ne devaient pas être très sures, car j’ai vu bon nombres d’hommes en armes, qui n’auraient pas regardé à la dépense en munitions pour s’approprier mon fusil high-tech.

La marche s’était éternisée jusqu’à Khartoum, plaque tournante du commerce illégal. Pour tout, d’ailleurs, car j’ai vu des ballots de drogue déjà conditionnés exposés en pleine rue, des kalashnikov à l’étalage, ainsi que quelques échoppes proposant des artefacts en ivoire. Je pensais toucher au but, lorsque j’avais réalisé soudain mon erreur.

Chasseur de chasseur - Part 4


Car oui, malgré leur intellect limité et ma quasi-certitude qu’ils me mèneraient au but, j’avais négligé un détail important : ils étaient deux, et je ne pourrais en suivre qu’un à la fois. Ne voulant pas découvrir mon jeu, j’avais décidé de ne pas en exécuter avant qu’ils m’aient mené au négociant. Je les voulais détendus, décontractés, presque arrogants d’avoir survécus à une terrible embuscade menée, ils en étaient convaincus, par au moins une compagnie de l’armée…

Evidemment, lorsqu’ils se sont séparés, j’aurais voulu me flageller pour mon idiotie crasse, qui risquait de mettre en péril toute ma petite opération. Réunis devant une échoppe, ils s’étaient longuement étreints, de cette manière virile qui distingue les anciens compagnons d’armes, avant de se séparer. A une dizaine de mètres de là, je faisais mine de réprimander un commerçant pour ses fruits pourris qui m’auraient rendu malade, et j’avais dû couper court à toute conversation. J’avais les lèvres serrées, tout un flot ininterrompu de jurons se regroupant derrière. J’avais couru en pestant presque à haute voix. Comme les quelques secondes de réflexions qui m’étaient dévolu avaient quasiment disparues avec les deux sous-fifres, je m’étais focalisé sur le moins bête des deux. Celui qui soignait sa monture et décidait de suivre le soleil quand l’autre baissait les bras. Mal m’en a pris.

A force d’aligner sans cesse les ennemis dans mon viseur infrarouge, j’en oublie parfois l’évidente capacité de persuasion que représente le charnier que j’ai laissé derrière moi. Et le plus malin des deux, dans cette optique, n’est pas celui qui retourne ramper devant son commanditaire, mais bien celui qui décide de raccrocher sans aller quémander encore quelques dollars souillés de sang. Mehdi, puisque c’est ainsi qu’il s’appelait, avait décidé de retourner vivre chez son frère, et peut-être utiliser l’argent qui lui restait pour passer le permis poids lourds.

Et moi, dans tout ça. J’étais devant son volet, à l’écouter débiter son héroïque retour à son seul copain qui le regardait avec une admiration non feinte. Lui n’entendait pas la peur chez son interlocuteur, ne faisait pas attention aux passages laissés sous silence. Pour moi qui l’écoutais, c’était le stupéfiant récit d’un jeune homme qui va bientôt retourner à la société après quelques expéditions aussi inutiles que dangereuses. Il a vu la mort, de près, a choisi la vie peu après. Sauf que ce faisant, il bousille toutes mes pistes, le jeune. Retourner dans la société… Tu étais condamné, Mehdi, ta vie était finie avec celle de des copains qui ont du nourrir une bonne proportion des animaux du parc depuis. Fini les utopies, là, moi je n’ai pas marché durant des semaines pour écouter rejouer l’enfant prodigue.

Le pire, c’est qu’il n’a même pas semblé être surpris. Quand je l’ai embarqué dans une ruelle bordée de maisons en agglomérés aux murs épais, il ne s’est débattu que pour la forme. Une vraie mauviette, j’aurais dit sur l’instant. Maintenant, je ne suis plus si certain, peut-être qu’il avait accepté, qu’il savait que la fin de l’histoire était déjà écrite, qu’il avait eu droit à un joyeux sursis pour bourlinguer avec son ami demeuré et saluer sa famille une dernière fois. Un vrai soap, j’en aurais versé une larme si ce n’était pas le même type qui avait fichu ma poursuite à la baille.

Initialement, je voulais lui poser des questions, tout savoir sur leur organisation, l’entrepôt, les horaires, les armes… Mais je ne suis pas doué pour les interrogatoires, j’étais stressé, je n’avais pas deux heures pour lui braquer une lampe de bureau dans la figure. Il m’a lâché un nom, que j’ai déjà oublié, et une place, Siladhr, pas loin du marché. C’était presque trop facile, et j’ai réagi un peu vite. La déprime, la fatigue, ces foutues pilules, est-ce que je sais. Peut-être même que maintenant, je peux plus tenir un couteau devant un pauvre type sans le planter. 
Que je suis allé un peu loin, que je devrais lever un peu le pied.

Il m’a balancé un nom au hasard, et son adresse, c’était du pareil au même. Je l’ai encore dans mes bras que je le sais déjà. Il avait le sourire de celui qui meurt avec la conscience tranquille. Et merde. Merde. Je ne sais même pas si je dois bouger ou attendre qu’on me trouve, au fin fond de ce quartier de bouseux. Je n’avais pas prévu de le tuer. Ou peut-être que si. Je suis à demi couvert de sang, et je sais même pas ou crèche mon autre victime. D’un coup, je l’ai lâché, je suis étalé comme un tas de chiffon à deux pas du cadavre. J’ai craqué, voilà, ça arrive. Je l’ai planté, je n’aurais pas du, je ne vais pas aller sonner chez son frère et lui dire que je regrette, lui offrir des fleurs et lui dire quel super camionneur il aurait fait. Le cadavre, là, c’était un braconnier. Il aurait tué la matriarche qu’il n’aurait pas eu les yeux humides, lui. Hein. Après tout.

Temps de partir, ça renifle la mort à trois maisons à la ronde. Je vais me changer, prendre une douche et aller chercher le suivant. Et tant pis si la moitié de Khartoum y passe. 


samedi 25 août 2012

Obéris - L'Aube Rouge

Note: Saya Elastre est l'un des personnages principaux du premier tome de la Trilogie d'Obéris, qui s'appelle également "L'Aube Rouge". Habitante du Sud de Bréar, gigantesque royaume établi au Nord d'un désert aride, elle est accoucheuse et se retrouve, en ce début de récit (nous sommes dans les premiers chapitres), en mauvaise posture: 


Il n’était pas prudent de rester à l’extérieur, mais il était trop tard pour reculer. Sans l’abri des arbres, elle profitait de sa taille menue pour s’abriter derrière Gonjot, son âne, qui lui aussi renâclait de plus en plus à mesure que l’heure s’avançait. Autant pour ma coiffure, songea-t-elle après une rafale. Ses cheveux d’un noir de jais étaient piquetés de sable et de poussière. Elle devint méconnaissable lorsqu’elle décida de se servir de son châle pour protéger son nez et sa bouche. Elle n’avait pas croisé âme qui vive sur le trajet, et allait devoir continuer sans pouvoir se plaindre avec quiconque de l’arrivée de l’Aube Rouge.
Car une telle chaleur n’était pas normale. Une telle chaleur n’avait rien de naturel, elle était presque… Hors de propos. Oh bien entendu, ce n’était pas aussi soudain que de se placer devant une cheminée lors d’une soirée d’hiver, l’aube rouge s’annonçait incidemment tout au long de l’été, avec des signes qui ne trompaient personne.

Cet été-ci est le sixième, songea-t-elle. Le sixième et sans doute le plus virulent d’entre tous. Elle se souvenait parfaitement de la première fois ou elle avait aperçu une fumerolle. Karl ne la quittait alors jamais de plus de 10 pieds, tandis que Cadric fanfaronnait depuis plusieurs jours, sa lettre d’engagement dans la cavalerie Royale quelque part sur lui. Elle attendait dans la Salle Commune du village, accompagnée de ses fils et de deux autres femmes solides.  Leur patiente, une jeune femme enceinte, pour laquelle chacun savait que les chances de l’enfant n’étaient pas élevées, était en retard. Isia, se rappela-t-elle, la jeune fille s’appelait Isia. Le ciel était clair, et rien ne semblait présager les événements à venir. Et puis la terre s’était mise à trembler. Pas par secousses, comme elle en avait vécu quelques-uns dans son enfance. Non, la terre tremblait… Lentement, sur un rythme qui n’appartenait qu’à cet instant précis. Alors que chacun reprenait son souffle, des cris s’étaient élevés à l’entrée du village, et comme tous les badauds, elle avait couru pour apercevoir l’objet de toutes les attentions.

Il s’agissait d’une fumerolle. Trois pieds de haut, un sommet en cratère duquel s’échappait une fumée rouge, et partout autour, de la boue en ébullition, chaude à en faire cloquer la peau en un instant. Abasourdi, le village tout entier regardait le monticule comme si une explication rationnelle allait faire jour d’un moment à l’autre. Malheureusement personne n’en avait, et la situation n’avait fait qu’empirer : des dizaines de fumerolles avaient fait leur apparition autour du village. Le vent s’était levé et amenait plus de chaleur encore, chargée de sable et de poussières rouges comme le sang. La terre tremblait parfois des heures, et il était presque impensable de sortir des habitations dont l’isolation déplorable laissait entrer le sable rouge par toutes les fentes.

Cela avait duré trois jours. Trois jours horribles, au cours desquels ses enfants étaient devenus de petits adultes au contact de la dure réalité que prend la vie lorsque certaines personnes désespérées vous entourent. Le bourgmestre s’était pendu devant la salle commune, après avoir empoisonné le reste de sa famille. Certains sortaient dans la brume rouge pour en revenir quelques heures plus tard, chargés de bijoux qui n’étaient pas les leurs. La panique avait pris le pas sur toutes les formes de raisons, et beaucoup murmuraient des prophéties apocalyptiques de leur cru. Mais qui les en aurait blâmés? Tout portait à croire à  la fin, particulièrement cruelle, de la civilisation et du peuple de Bréar.
Il avait fallu trois jours pour qu’un prêtre de la Lumière apparaisse, juché droit sur un cheval frais, arborant des couleurs à peine ternies par le sable rouge. Il avait ordonné que chacun se réunisse dans la Salle Commune. Alors que l’appréhension tissait plus que jamais sa toile parmi les habitants, il leur avait annoncé dans un souffle qu’au monastère de Syd, la cité de l’Ouest, la situation s’était apaisée aussi rapidement que la catastrophe s’était établie sur le pays : un fort vent du Sud, commandé par le Dieu Theron lui-même, ramenait la vie.

Quelques heures plus tard, la situation avait donné raison au prêtre, qui fut célébré dans toutes les maisons. Le brouillard avait fini par se dissiper et le vent poussait les terribles chaleurs et poussières vers le Nord.  Les fumerolles avaient cessé de bouillir leur recette de l’enfer dans les jours qui suivirent, la température redevint supportable en une dizaine de jours pour finalement laisser place à l’automne. Les vies que l’on avait crues brisées se voyaient offrir une nouvelle chance… Saya avait eu affaire à un nombre incalculable de naissances dans l’année qui suivit la première aube rouge. Ce n’était d’ailleurs qu’une juste balance que tant de nouvelles vies apparaissent après la catastrophe, quand un si grand nombre avait péri dans la folie de ces jours de cauchemars. Les coupables furent jugés, la plupart de façon plus que clémente, personne n’étant jamais lui-même lorsque de tels événements surgissent : seuls les meurtriers avaient été sévèrement condamnés.

jeudi 23 août 2012

L'arrosoir - Reprise

J'aurais aimé être là, te porter dans mes bras sans fin,
Mais j'étais dans la rue, j'avais toi et puis rien.
Au travers de tes lourds volets, quand je venais te voir,
Je l'avais encore dans mes mains, mon grand arrosoir,
Mon contre-temps, mon métier, presque une image de moi,
Qui chantait dans mes mains mon amour pour toi.

Quand tu l'as déballé, enfant, tu vibrais d'émotions,
Pour mon métal tant aimé tu débordais d'attentions.
Mais comme l'eau stagnante qui abîme le métal,
Tu m'as trop longtemps attendue et l'objet t'a fait mal.
Il trône chez toi encore, j'ai l'impression qu'il m'attend,
Alors que tu pleures seule avec tes vingt-cinq ans.

Oh Lucie, je t'ai vu grandir et derrière ton masque opaque
Se cache une femme joyeuse aux désirs bondissants,
Oh Lucie, ne cherche plus mon visage dans les flaques,
Ce n'est pas mon reflet triste qui relancera le temps.

A l'évidence, l'histoire est plus complexe qu'on ne l'attend en 3 strophes, aussi pour une prose détaillée vais-je vous envoyer sur le blog de Bénédicte, qui en plus d'être amie, témouine, professeure et plume, tient elle aussi un blog à textes : http://coindesmots.blogspot.fr/ dont le post "L'arrosoir" a évidemment été source d'inspiration. 
 

mardi 21 août 2012

Public Performers - Part 2

10 Août. Le public est debout dans la Mini Arena. Deux jours plus tôt, journalistes, auditeurs et téléspectateurs sont sous le choc. S'il y a bien une chose que les organisateurs n'avaient ni espéré ni anticipé, c'est que le nom de Wang Zu soit tiré au sort. Eliminé des sélections nationales chinoises en raison de ses "déviances" (Wang boit, se drogue, réside à Ibiza et a publié des vidéos de ses organes génitaux en interaction avec le drapeau communiste) alors même qu'il est triple champion du monde de ping-pong, l'homme est venu supporter son cousin Zeng Zu aux sélections. C'est le tollé immédiat: l'homme ne dispose pas de l'esprit Olympique, ne devrait pas figurer parmi les athlètes. Pourtant, et malgré les huées la FIPP (Fédération Internationale de Ping-Pong) accepte le candidat... Qui va crânement se jouer de tous ses adversaires, jusqu'à rencontrer en demi-finales son compatriote Tzu Wun, et perdre. Si le public est debout, en cette fin de soirée, c'est parce que Wang Zu remporte la médaille de bronze de l'épreuve. Le fiasco est total, on est proche de l'incident diplomatique avec la Chine, qui refuse de laisser Mr Zu monter sur le podium, le public qui hurle son mécontentement, et la Corée du Sud qui fait part d'une protestation officielle pour reprendre la médaille de Bronze.

11 Août. Les esprits échauffés se calment devant l'absence de scandale des public performers, et une bonne humeur affichée qui balaie les critiques. L'épreuve de deux de couple en aviron est perturbée car Maggie Smith dérape de son siège à coulisse pour s'affaler lourdement et passer à travers la frêle embarcation. Le public retiendra le cri de surprise de la slovaque Nadia Bernadova, le regard chargé d'horreur lors de la première épreuve du Keirin (cyclisme sur piste): aucun vélo de la course ne dispose de freins. Edouard Amidot, belge, s'écrase deux doigts de pieds en tentant d'imiter le lancer de poids du norvégien qui va emporter le titre. Michael Phelps, qui fait partie du staff de la délégation américaine de natation, donnera un cours de nage papillon à Nicholas Eddings, anglais de 54 ans, devant les médias du monde entier. Le brésilien Navas prendra, c'est l'exploit sportif du jour, la 9ième place au tir au fusil à 50m.

12 Août. Apprenant sa sélection à la loterie pour l'épreuve du 20km marche, le panaméen Luis Amadoza ne trouve rien de mieux que d'avaler deux comprimés d'extasy. Incontrôlable, le public performer sera disqualifié au premier kilomètre pour avoir non seulement couru, mais également ôté ses vêtements et "imité la démarche en canard" de ses concurrents. Une juge de l'épreuve de saut en hauteur ne s'écarte pas assez rapidement, et reçoit dans la jambe le disque lancé par Katarina Isakonic, jeune russe de 18 ans qui vient de rater son lancé. Les juges décident juste à temps de renforcer les équipements de sécurité autour des épreuves générales d'athlétisme: dans l’heptathlon féminin, Elga Mansau aurait sans la présence d'un filet de sécurité, gâché toutes chances de médailles à sa compatriote Martina Hedger lorsqu'elle a pivoté avec sa perche à l'épaule. L'image du jour, c'est les trois élues des public performers qui unissent jusqu'au bout leur effort (deux brésiliennes et une ivoirienne) en poursuite par équipe féminine de cyclisme. Avec plus d'un tour de retard à l'arrivée, elles vont jusqu'au bout de leur effort, le visage crispé par la douleur de ce sport explosif.

13 Aout. Le mexicain Xavio Montes plie la roue de son vélo de vitesse lorsqu'il l'enfourche. L'équipe féminine des public performers se qualifie pour les demi-finales en éliminant la Finlande. Formidables de cohésion et d'esprit d'équipe, les filles dont la plus âgée des remplaçantes a 61 ans, se sont déjà choisies un hymne pour le titre: Eye of the Tiger...

14 Aout. Le chinois Pen Tung sera repêché a deux doigts de la noyade dans l'épreuve du triathlon masculin, après avoir nagé 900m. C'est une journée qui sera malheureusement marquée par des blessures diverses: Le guinéen Marc Delié se fait piétiner par son cheval au parcours technique de Saut (il s'était accroché aux rennes avec l'énergie du désespoir),  le tandem russo-phillipin de beach-volley masculin échoue en 8è de finales sur une fracture du poignet et le duo franco-suédois de natation synchronisée finit 18è et dernier suite à un nez cassé, fait exceptionnel, avant même leur entrée dans l'eau. Il faut signaler que la suédoise, 79kg, avait fait sensation dans l'épreuve de nage imposée en se présentant en bikini-string, provoquant le tollé chez les juges.

15 Aout. Plutôt que de tenter une performance à la barre fixe, l'Egyptien Darian Hasak apparaît à l'écran avec un maillot demandant la libération d'une vingtaine de prisonniers politiques. Il sera disqualifié aussitôt pour esprit non Olympique.

16 Aout. Usain Bolt, qui finit 3ième de sa série et ne sera pas repêché à l'épreuve du 100m, accuse le brésilien Capo de lui avoir accroché le maillot. A tord, puisque dès le départ, le coureur père de famille de six enfants aura au moins 5m de retard sur ses concurrents. Le catamaran, pour la première fois discipline Olympique, a failli réussir au duo Indo-Australien, qui passe la bouée à mi-parcours en première position avant de virer de bord et de chavirer.

17 Aout. Un autre accident est évité de justesse: grâce à ses réflexes, le bolivien Denis Pereira s'accroche à l'une des dizaines de tentures en tissu qui ornent la salle de gymnastique. Peu inspiré, il avait raté son saut lors de l'épreuve de trampolline, à tel point qu'il est retombé hors de la zone de sécurité. Tétanisé, il sera évacué grâce à une plate-forme de maintenance qui viendra le chercher à 4m du sol.

18 Aout. Usain Bolt, encore lui, demande à faire courir à nouveau la série qualificative aux demi-finales du 200m. Sa plainte sera retenue: le grec Saccaras a raté sa sortie de virage et donc involontairement bloqué la "légende vivante". La série sera courue à nouveau, mais sans Bolt, disqualifié pour geste déplacé: il avait giflé le grec après la course. Les femmes de l'équipe de handball terminent la plus belle aventure des Public Performers des jeux, en terminant seconde derrière la France en finale.

19 Aout. L'équipe de gymnastique rythmique formée par les public performers réalise une démonstration très décriée. Déguisées derrière les foulards islamiques autorisés pour les épreuves, ces dernières ont toutefois réalisé un numéro aux portes de la pornographie. Elles récolteront un blâme unanime de la part des juges pour "utilisation inappropriée des rubans" et finiront dernières, derrière les bélarusses qui ont littéralement participé avec une équipe de bras cassés (elles étaient deux, et se sont percutées à l'entrainement).

20 Aout. Le quatari Solimran finit quatrième à l'épreuve de lutte en +120kg. Mike Ledger, qui aurait du monter sur le podium en boxe, est disqualifié pour dopage et corruption. Deux juges sont limogés par la suite: ils avaient accepté l'offre de Mr Ledger père, Vice-Président d'un célèbre chantier de construction de yachts...

21 Aout. Les jeux se finissent avec l'épreuve du Marathon, qui va consacrer sur le podium le retour des kényans, mais également Garry Lesset, 24 ans, canadien et dernier public performer, qui va boucler le marathon en 4h et 30minutes.
Si le bilan humain est assez mitigé avec plus de 19 blessés, l'aventure des public performers a suscité l'engouement et leur légitimité n'est plus à justifier lorsque la flamme s'éteint. Une nouvelle phrase d'accroche est d'ores et déjà présente sur les affiches des jeux d'Istanbul 2020: And if it was you?

samedi 18 août 2012

Public performers - Part 1

Août 2016, Rio de Janeiro. Après ces trois semaines fortes en émotions et en exploits sportifs, nous vous proposons avec notre envoyé spécial Eric B de revenir sur ceux qui ont sans aucun doute été les stars planétaires de l'évènement Olympique: les public performers. 

5 Août: Lors de la cérémonie d'ouverture, le comité international olympique (CIO) et les autorités brésiliennes vont créer la surprise. Au terme d'un défilé absolument fantastique sur le thème du Carnaval et après plusieurs tableaux plus surprenants les uns que les autres (on se souviendra tous des parachutistes-perroquets), la ministre des sports du Brésil, accompagnée par le président du CIO tiennent le monde en haleine: quelques fuites ont fait trépigner la presse et les réseaux sociaux sur une "révolution" dans les évènements Olympiques. Le mystère est finalement révélé: la star des jeux Olympiques 2016... C'est le public! Pour chaque épreuve en effet, le CIO a permis l'inconcevable: une loterie organisée au cours des épreuves éliminatoires permettra à une personne du public de concourir dans les séries. Prévus initialement pour mieux admirer les performances des athlètes, les public performers vont immédiatement enflammer l'intérêt des télévisions du monde entier. Ainsi pour un budget misérable, une mise en scène gratuite et une place dans les séries de chaque épreuve, Rio 2016 va rentrer dans l'histoire. Les dernières places s'arrachent  en quelques minutes, l’Audimat va bondir et les surprises seront légion. 

6 Août: Il s'appelle Emilio Perez, il est brésilien, et il n'en mène pas large. Quelques minutes plus tôt, les caméras du monde entier se sont braquées sur lui, le premier Public Performer de ces jeux. Son numéro à la main, il exulte tandis que des juges l'accompagnent au vestiaire pour lui expliquer la marche à suivre. Emilio va concourir aux épreuves de tir au pistolet à 10m. Malheureusement, dans un souci de présentation, les autorités ont fait concourir Emilio exactement comme les autres concurrents. Et par une chance inoubliable, Emilio inscrit un 9.3 (sur 10) à son premier tir sur cible, et prend la seconde place. Tout à son bonheur, il ne fait pas attention à son matériel, sensible et, faut il le préciser... dangereux. Lorsqu'il se tourne vers sa famille, le pistolet heurte le présentoir, le coup part et un arbitre doit être évacué, la balle de 22mm fichée dans son genou. L'image va faire le tour de la planète en quelques minutes, et près d'un milliard de téléspectateurs vont observer la disqualification d'Emilio. Si les autorités du CIO et des sports brésiliens sont embarrassées, le buzz est au rendez-vous. Silvio Tigliani, l'italien qui remporte le titre Olympique, sera moins cité que le public performer de l'épreuve. Les épreuves de tir à l'arc (l'allemand ne touchera la cible que deux fois), de judo et d’haltérophilie pour leur part, remplissent leur rôle: ce sont bien les athlètes qui sont mis en valeur par la présence des public performers. 

7 Août: La jeune Marie Forlait, gagnante de la loterie au Judo, est la première Française sélectionnée. La chance ne sera pas au rendez-vous dans la catégorie des -52kg: la représentante de l'Ouzbékistan n'aura pas baissé sa garde en face de la frêle française inexpérimentée descendue des gradins. La caméra ne s'attardera pas sur elle, mais Marie souffre en sortant du tatami d'une triple fracture omoplate-radius-cubitus. L'argentin Carlos Del Are va pour sa part faire basculer les compétitions dans une autre dimension. Venu avec sa femme aux épreuves d'haltérophilie en catégorie 56kg avant d'assister au match Argentine-Ukraine de basketball, il s'est inscrit au tirage au dernier moment. Acclamé par le public lorsqu'il se présente au concours  , il est briefé très sérieusement sur les risques de ce sport. Les juges lui conseillent une barre à 70kg pour l'épreuve de l'arraché, et 75 pour l'épaulé jeté. Pourtant, porté par l'ambiance, Carlos Del Are demande 115kg pour son premier essai. Carlos a 38 ans, n'est ni grand ni lourd, mais il est transporteur-livreur. Il va stupéfier les juges, le public de la Terra Arena et le monde entier en soulevant la barre, et proposer un arraché qui sera validé par les juges. Virtuellement médaille de Bronze durant deux heures, il ne pourra lutter contre les cadors de la discipline lors de l'épaulé-jeté, mais l'ovation qui gronde dans le stade, unanimement debout pour saluer l'argentin, restera dans l'Histoire. Une cinquième place détonante.

8 Août: Les deux frères australiens Michael et Frank Osbourne provoquent le fou-rire ininterrompu de deux des sept juges de l'épreuve de Plongeon de Haut-Vol à 10m. Loin de proposer les figures traditionnelles, les public performers vont tenter à leur premier essai un "double high-five carpé", et rater leur rencontre dans les airs. Frank se blessant au dos lors de son entrée dans l'eau, leur second saut "triple rotation du coude en avant" sera la dernière. Un nouveau juge sera blessé lors de l'épreuve du cheval d'arçon suite à une chute mémorable de la norvégienne Ula Sorgensen. Michel Perron, français, va réaliser son rêve et participer aux épreuves du 200m nage libre juste à côté de Yannick Agnel, dont il est le plus grand fan. Ce dernier le fera d'ailleurs participer à toutes les interviews pour lesquelles il sera convié. Le britannique Mike Ledger fait la sensation. Public performer, il remporte aux points le huitième de finale de Boxe (75kg) contre le cubain Montero, vice champion du monde. 

9 Août: Les tirages ne sont pas toujours techniquement réalisables. Ainsi, la russe Yelena Sabrov, 97kg, ne parviendra pas à s'asseoir dans son embarcation lors de la compétition de Kayak K1. De même, lors de l'épreuve d'aviron, le huit masculin de public performer ne fera pas plus d'un mètre. Déséquilibré au départ, le canadien Ernest Woodraw va faire chavirer son équipage international. L'équipe de handball féminine, elle, va prendre sa place pour les quarts de finale en battant les USA... Alors même que quatre participantes sont de la même nationalité! Cascadeur à la télévision hollandaise, Johannes Van Heist se hisse en finale du 200m dos. Emu aux larmes après la course, il sera consolé par le champion Olympique Ryan Lochte et porté en triomphe par les autres athlètes malheureux de la finale. Globalement, les public performers ont un effet que les organisateurs n'avaient pas osé rêver: en rendant un côté humain à des épreuves sportives poussées à leur extrême, ils ont aussi changé les mentalités des athlètes eux-mêmes. Au delà des résultats purs, une amitié et un fair-play hors du commun semble être de mise dans la plupart des épreuves. 

10 Août: Le silence s'est fait dans la Mini Arena...

lundi 13 août 2012

Chasseur de chasseur, part 1

Note: Il n'y a que le personnage principal qui est inventé. Tout ce qui arrive aux animaux est malheureusement réel. 


Il faut faire vite. Isolé comme je le suis, je ne manquerais pas d’attirer l’attention d’un autre prédateur caché dans ces hautes herbes. Je n’étais pas le seul à l’affut ce soir et j’ai croisé d’autres traces que celles de ma traque. Si la situation est dangereuse et grave, elle n’empêchera pas les animaux du Parc de se nourrir, se chercher une femelle ou protéger ses petits.
Depuis qu’il fait nuit, j’ai l’impression d’entendre le frottement de mes sangles émettre un son décuplé. Après cinq heures de course, mon sac à dos commence à peser plus lourd sur mes épaules, même si je sais que je n’ai embarqué que l’indispensable. Accroupi, je profite de la distraction pour avaler quelques gorgées de thé. Devant moi, les traces sont fraîches, je les aurai bientôt rejoints. L’oreille tendue, je perçois toujours quelque oiseau de nuit qui pousse son cri. Le hurlement glaçant d’un bushbaby, ces petits singes dont on ne peut apercevoir que les grands yeux, déchire l'océan de calme qui s'est emparé de la jungle.

Il est temps de repartir. Mes proies, car ils ne sont pas différents pour moi d’un gibier bien particulier, devraient atteindre le lac Locongue par le Nord… A moi de prendre les devants et de les surprendre sur place. Je cours avec une foulée mesurée, la tête dépassant des hautes herbes, en économisant mon souffle et mon énergie, prêt à me lancer dans un sprint si la situation l’exige.
Il y a deux mois de cela, un léopard a profité de l’obscurité pour sauter sur mon dos, préférant croire ses yeux de prédateur plutôt que son odorat (je suis couvert d’odeur féline). Ses dents profondément enfoncées dans mon sac à dos, il m’a plaqué au sol avec une rapidité que je n’aurais jamais cru possible, tandis que ses griffes ravageaient mon flanc gauche. Il ne pouvait y avoir deux gagnants ce soir-là, et j’avais du sauver ma vie en tuant la bête, les larmes aux yeux et les jambes tremblantes.
Il n’y avait que six léopards dans le parc de Macambé, et j’avais mis plusieurs semaines à me remettre de mes blessures, plus morales que physiques, en m’interrogeant sur mon rôle. Malgré tout, mon absence s’était fait sentir : un rhinocéros décapité, deux groupes de femelles éléphants décimés. Et dans ces groupes de femelles, certaines encore enceintes.

J’entends leurs chevaux, alors qu’ils sont encore hors de vue. Ils ont atteint le lac avant moi, petite erreur de jugement, et font boire leurs montures avant de repartir faire le tour du lac. S’ils ont de la chance, ils n’auront que quelques centaines de mètres à parcourir avant de trouver les pachydermes, souvent réunis pour un bain de boue de minuit. Ou bien un ou deux mâles esseulés, venus boire en l’absence des lions. Les lions ont toujours été les premiers à réagir à la situation : le stress engendré par les braconniers et les coups de feu ont modifié habitudes et territoires de chasse.
Les éléphants aussi sont devenus nerveux. Les touristes, le jour, ont pu observer la différence. On a remisé les jeeps sans toit pour installer de nouveaux arceaux en acier : une femelle énervée n’aurait aucun mal à renverser une jeep, par sécurité. Les animaux sont devenus méfiants, passent leur temps à renifler les pistes alentour, et fuient parfois en groupe, masse concentrée de centaines de tonnes lancée à 20km/h, souvent au moindre signe de présence humaine.

Eux, là-bas, près du lac, ça ne les a pas inquiétés. Les éléphants stressés se regroupent pour faire face, et c’est précisément ce qu’ils attendent. Debout sur leurs étriers, rangés comme à la parade, ils ont pris l’habitude d’embusquer les éléphants et de les abattre à la kalachnikov, méthodiquement. Ils visent la tête, et à raison de trois à quatre coups tirés par animal, abattent le troupeau en quelques minutes. Malgré le bruit qui résonne à plusieurs kilomètres, ils savent qu’ils ont une heure ou deux pour découper les bêtes, certaines étant juste couchées sur leurs flancs, paralysées par la douleur. Ils emportent la trompe, qui sera fumée, séchée et vendue en tranches. La peau du cou, qui leur servira de repas pour le voyage de retour. Et les défenses, bien entendu. L’ivoire les attire, même quand il ne s’agit que de quelques grammes, sur les éléphanteaux. Les usages sont variés. Certaines cornes sont réduites en poudres et vendues comme aphrodisiaques, d’autres sont débitées en bijoux de valeur, tandis que les plus belles seront vendues « intactes » pour orner en trophée une salle de réception, un appartement de standing ou une résidence secondaire. Chinoise, la plupart du temps.

Un jour viendra où, lorsque la jungle sera calme, je remonterais jusqu’à la source. Une longue traque, de braconniers en revendeurs, de grossistes en capitaine de port, jusqu’au client final. C’est de lui que vient l’argent, lui qui génère ce commerce, lui qui, d’une façon bien détournée mais fondamentale, m’a transformé en tueur. 

Chasseur de chasseur, part 2


Il n’est pourtant pas l’heure de se poser les mauvaises questions,  en sautant de buisson en buisson sans un bruit. Ils vont venir vers moi, j’en suis certain, parce qu’ils ne vont pas tarder à suivre les traces que j’ai repéré. Les pattes des éléphants dans un sol meuble : pour eux, une route vers l’argent facile et une soirée bien remplie.

Je m’installe dans une fougère épaisse, en tentant de faire cesser le léger tremblement qui agite mes mains. Ce n’est pas la première fois, ça cessera lorsque j’aurais l’œil collé sur l’opercule du viseur. Je sors mon fusil, le déballe de son tissu sans faire un bruit. Je l’ai acheté à un ex-delta force, en Irak : 6000km pour un fusil, mais ni moi ni le parc n’avons regretté l’investissement. 6000km pour que s’arrête le massacre, c’était peu, et ce fusil est tout confort. J’allume mes lunettes à vision de nuit, même si avant l’assaut, je les enlèverais. Débute la phase d’attente. C’est mon quart d’heure de vulnérabilité, celui où le chasseur offre à sa proie la dernière chance de s’échapper. Leurs chevaux se rapprochent, quelques chuchotements me parviennent au-dessus des bruits de sabots. J’entends une bouteille teinter. Peut-être certains d’entre eux sont-ils saouls, c’est déjà arrivé. Ils se « donnent du courage » en s’imbibant tant que le moment venu, ils feront à peine la différence entre un éléphant ou leur propre cheval.

Ils sont dix-huit, c’est un sacré groupe. Un à un, ils passent devant mon buisson adossé à un haut palmier. Je respire doucement, n’esquisse aucun mouvement. Aux lunettes je leur trouve des faciès de soudanais : leurs pommettes les trahissent, même si ça n’a aucune importance, parce que dans une minute, ils seront morts. Les chevaux ne me remarquent pas non plus, certains sont fatigués et de toute évidence assez mal traités.
Lorsqu’ils m’ont tous tourné le dos, j’attends encore une cinquantaine de mètres. Je me relève, accroupi dans mon treillis gris, et monte le fusil au clair de lune. Plus de lunette, plus de tremblements, juste ma respiration, calée sur les trois secondes. Je n’ai pas de sourire, pas d’érection, pas de musique dans les oreilles. Je bosse, je suis concentré, j’ai dix-huit cibles pour vingt-deux balles dans le chargeur. Et deux chargeurs de secours. Et mon automatique dont le métal me refroidit le dos, si tout va mal. Le silencieux ne sera efficace que les six premiers tirs, et me rendra imprécis au-delà de 300m… Mais on verra bien si la chasse s’arrête avant, ou non.
Les chefs sont souvent à l’avant, et c’est là que je vise. Je bloque mon souffle, laisse l’entraînement prendre le dessus, et compte.

Un, tir, mon épaule gauche qui absorbe le recul, quand la droite est remontée sur la culasse dans un mouvement aussi rapide que précis.
Deux, vider mes poumons, baisser le canon. Ma main droite reprend sa place une fraction de seconde après le cliquetis de la chambre : la mécanique est prête.
Trois, inspirer calmement, aligner la cible suivante. Le premier cavalier n’est pas encore tombé de son cheval quand à nouveau mon doigt fait pression sur la gâchette, jusqu’à ce qu’elle cède. Un, tir. 
Il n’y aura pas de challenge, ce soir. Tout comme l’éléphant touché ne peut retourner les coups, les cavaliers désorientés, sans ordres, ne font que se bousculer dans cette nuit claire. Ils n’ont pas plus de chance que les animaux qu’ils abattent. Que j’abats. Je ne tiens pas toujours les comptes, mais ce soir, je savais qu’il ne serait pas possible de les avoir tous. A la lunette, j’en compte deux qui ont pu détaler. Il n’y en aura pas d’autres. Je prends mes gants, range le silencieux brulant et inutile dans mon sac, avance courbé sous les palmiers, l’oreille aux aguets.
Je prends les armes et laisse les corps, sans regarder leurs visages si je peux l’éviter. Ils sont trop nombreux les grands yeux blancs que je vois s’ouvrir sans fin dans mon sommeil. Pas question d’en rajouter ce soir. Ma peine va aux chevaux, qui comme toujours finissent leur vie avec celle de leur propriétaires.

C’est alors que je la vois. Aussi silencieuse que moi malgré ses quatre tonnes et ses trois mètres de haut, elle me regarde. L’ombre des feuilles d’un acacia lui donnent un maquillage surnaturel, cernant sa trompe à demi repliée et ses oreilles largement déployées. Elle me transperce d’un regard d’une haine si pure qu’il me fait vaciller. Pourtant, elle n’attaque pas et dans un éclair, je pense qu’elle a compris ce que j’avais fait ce soir. Elle sent le félin sur moi, renifle la mort et lutte de toute sa volonté pour ne pas barrir, frapper le sol de ses pattes, et charger. Je ne m’attarde pas, ne lâchant pas des yeux la matriarche qui finit par s’ébrouer et disparaître dans les taillis, comme je le fais moi-même. Quelle beauté. Vulnérable mais puissante, digne héritière de la race que je protège. Et dans cette lutte, il ne doit pas y avoir de compromis. La jungle est calme, ce soir, il est peut-être temps.
Dès que j’ai quitté la zone, je fouille mon sac, en ressors un talkie, que j’active plusieurs fois sans mot dire. Lorsque j’entends l’appareil cliqueter en retour, j’utilise ma voix, enrouée après la nuit de prédation passée. 
"Heath? C'est John. J'en ai deux qui ont pris la fuite au Nord. Je crois que je vais les suivre. Over. "

vendredi 10 août 2012

Obéris - La cité de Mylah

Note: l'extrait suivant est affilié à la Trilogie "Histoires d'Obéris", laquelle est divisée en trois tomes (L'Aube Rouge, Les Nouveaux Royaumes, Destin et Vérité). Il s'agit d'un récit de Fantasy basé sur un continent imaginaire, nommé Obéris, dont vous apprendrez plus au fur et à mesure des textes sur le sujet. 
La cité de Mylah est décrite dans le Tome 2: Les Nouveaux Royaumes. 

Mylah. Pour ainsi dire la seule cité d'importance à des centaines de lieues à la ronde, l'extravagante perle des Terres Sèches ne supporte aucune comparaison. Fondée par des exilés sur quelques acres de terrain constructible, entourée des contrées les plus inhospitalières d'Obéris, Mylah a pourtant pris une importance majeure en moins d'une décade. De refuge des bannis, la place est devenue le principal lieu d'échange de la région. Le balisage d'une route à travers les Marais a décuplé les arrivées, les exils et les espoirs, et a participé à la légende de la ville autant que le vertigineux canal reliant le cours calme de la Veron... et l'Océan. 
La cité des Exilés. Le nid des Pirates, la capitale du crime, la nation rebelle: nombreux ont été ceux qui ont voulu classer Mylah simplement, en oubliant le ciment commun qui réunit factions, ennemis et habitants dans les mêmes murs: le commerce. A Mylah tout est à vendre et tout s'achète, qu'il s'agisse d'or, sang, dettes, titres, passé ou avenir. Des couronnes auraient même changé de main... Si la cité est théoriquement en territoire de Taltaïs, nul envahisseur ne s'est jamais lancé à l'assaut de la forteresse putride. Quel avantage offrirait la difficile conquête de cet îlot, aux terres non fertiles, ponctué de buissons épineux, de tourbes malodorantes et de marais, des marais à perte de vue. La cité elle-même n'a rien d'un joyau.
Car derrière ses murs de vingts pieds et ses douze portes se dresse un extraordinaire et abrupt patchwork de constructions aussi hautes et instables qu'asymétriques. Les constructions de terre, de bois et de pierre ont depuis plusieurs siècles atteint les limites que la géographie a fixé à l'expansion de Mylah la tentaculaire. Pourtant la frénésie s'est contentée de prendre de la hauteur... Sans pour autant respecter aucune règle, dans une liberté créatrice bien souvent destructive. Les flèches des palais de marbre s'appuient sur le bois des entrepôts, côtoient des enchevêtrements innommables de tourbe à peine sèche. Une ambiance éphémère vient ponctuer les odeurs des eaux usées dont les canalisations, souvent détournées, servent de dortoirs aux nouvelles générations de chairs à épées, bouches inutiles ou esclaves en devenir. 
L'air s'emplit régulièrement des craquements sonores et des vibrations titanesques accompagnant dans leur dernière chute les madriers, poulies, ouvriers et habitants des derniers étages effondrés. Le bruit dissipé cependant, les affaires reprennent, les alcools reprennent leur cours, et une armée de bâtisseurs tout sauf disciplinés vient vampiriser un nouveau chantier. La ville change de visage, de hauteur et de résidents à une fréquence excédant au centuple les royaumes les plus intrépides. 

Il en est de même pour sa gouvernance, si tant est qu'un ordre puisse être appliqué au sein de ces murs. Il est dit qu'à Mylah, le pouvoir change comme le soleil se lève. Car bien entendu, il y a des enjeux qui dépassent les rangées de tentes à perte de vue du Grand Marché, des commissions qui s'établissent de la Criée du Marais, changent de main sur quelques-unes des innombrables passerelles de cordes qui sillonnent la ville, et terminent leur course dans les mains d'un capitaine Pirate, d'un chef de guilde, d'un paria du gang des Ecuries ou d'un aristocrate négociant. Il n'est faction qui ne désire plus que sa part du gâteau, il n'est résident qui ne rêve de la position ultime, aussi brève et risquée soit-elle: Régisseur de Mylah. 
Tradition maintes fois abolie, la passation du pouvoir de Régisseur a survécu à toutes les lois, édits et autres textes qui ont voulu organiser le dynamique Royaume du Chaos et de la Débauche que représente la ville. S'il obtient audience, tout résident peut en effet défier le Régisseur en duel à mort, demander sa destitution par le conseil des guildes, ou bien négocier sa destitution. Bien que la première solution soit la plus plébiscitée, elle a durant plusieurs siècles entraîné des légions de tyrans vers un pouvoir éphémère mais absolu. Le régisseur Aristan 4 avait par exemple interdit la cité à tout individu excédant son age, tandis que Viviras fut empoisonné par la première des cent douze vierges qu'il avait fait requérir dans ses appartements. Devant le fort taux de mortalité lié à la fonction, le poste de Régisseur est à présent attribué au chef de file d'une faction représentante d'une part de la population. Les querelles intestines n'en sont que décuplées au fur et à mesure des affrontements financiers, géographiques et politiques entre les gangs, castes, métiers, guildes et espions, mais l'objectif ultime a été atteint: les Régisseurs peuvent parfois exercer plusieurs mois d'affilée. 

Bien que jouissant de la pire réputation que l'on puisse imaginer, Mylah n'a cessé avec les années d'attirer des foules toujours plus importantes, générant autant de nouveaux accès vers la métropole du commerce légal et illégal. Toutes les monnaies y ont leur cours, toutes les marchandises trouvent acquéreur, qu'il s'agisse de héler le bon passant, de faire jouer ses relations dans un couloir tapissé à faire pâlir d'envie un empereur, ou de mettre le couteau sous la gorge afin de faciliter les enchères. 
Tout marchant avisé a déjà déambulé dans ces allées, tout mercenaire entraîné s'est équipé de Lames de Mylah, toute rareté a été observée, palpée et négociée sur un étal, une vitrine, un piédestal de palais. Les prêtres n'ont pas droit de parole public, et les prostituées passent pour les plus riches des Nouveaux Royaumes. 
Longtemps épine dans le pied du continent, Mylah s'est imposée comme l'incontournable citée du vice et du rare, de l'inaccessible et du rêve.

mercredi 8 août 2012

Les Jeux Olympiques de la déprime

Une petite préface vous aidera sans doute à comprendre pourquoi pour moi, et sans doute aussi pour vous, ces JO sont sans doute les plus tristes:

Il y a quelques semaines, quand j'étais en boite (non, arrêtez, ce n'était pas un hasard), nous avons été plusieurs à remarquer non seulement les courbes et les différents talents de la DJ qui officiait, mais aussi son haut, sur lequel s'étalait, en gros, "1994". On aurait alors pu imaginer plusieurs scénarios ("c'est le nombre de mecs qu'elle pourrait avoir en se mettant célibataire sur Facebook", par exemple), mais le premier qui nous est venus en tête, ça a été de plaisanter avec un inapproprié "Ha ça pourrait être sa date de naissance" avant d'éclater de rire devant l'impossible. On s'est qualifiés de pervers, avant de passer à autre chose, notamment aux deux nanas qui dansaient sur le bar, ou bien les amis qui roulent des pelles aux premières venues (mais, les enfants, ceci est une autre histoire). Oui. Sauf qu'en fait, nous n'étions pas pervers du tout, parce que née en 1994 elle pouvait avoir 18 ans, là, aujourd'hui. Et pas 10-12, comme on l'a tous pensé en voyant la date. 

Pour en revenir au Jeux Olympiques de Londres... Avez-vous vu leurs dates de naissance? Missy Franklin, 4 médailles d'Or, une de Bronze en natation: 10 mai 1995! Merde c'est l'année ou Pocahontas est sorti au cinéma! J'avais neuf ans, là (et moi je voulais voir Forrest Gump)! 
Bon, vous l'aurez compris, il y a pire (il y a une médaillée d'or de 14 ans en natation, c'est quand même 1998, et ça c'est quand même la Coupe du Monde de foot, si jamais), et un peu plus vieux, aussi. Je n'ai que quatre ans de plus que Teddy Riner, qui en est à ses second jeux... 

Eh oui le message est clair, c'est fini de rêver, à moins de se mettre au Tir (pas à l'Arc) ou à la Voile (choisissez bien vos épreuves, certaines ne seront plus représentées bien longtemps) dès demain, et d'y montrer des talents innés extraordinaires, les Jeux Olympiques pour nous, c'est fini. Rideau. On y sera pas. Bon je vais pas vous mentir, sauf à mettre des épreuves de VHDL, endurance en train ou absorption d'alcool en mariages, j'avais assez peu de chances de médailles. Je ne serais pas arrivé en Finales du 4000h Guild Wars, aurais échoué avec quelques uns d'entre vous au pied du podium du Tower Défense par Equipes. Éventuellement, on aurait pu viser le bronze ou l'argent en combiné du plus gros repas mangé chez ses beaux parents. 
Pas des épreuves reines. Pas d'entrainement, trop vieux, on a fait autre chose. On a pas forcément raté hein, n'allez pas voir dans mes mots les regrets éternels du type qui n'a pas pu faire les demi-finales du Saut d'Obstacle (rien que moi, sur un cheval, c'est plus Londres 2012, c'est Vidéogag). Simplement, en grand enfant qui rentre pour allumer sa télé sur les épreuves des jeux tant que c'est possible, tu veux pouvoir t'y croire. La performance sportive a ceci de magnifique: elle représente, quand elle est honnête (genre pas les jugements de la Boxe hier soir), un ensemble de valeurs, d'émotions et de dépassements de soi. Je crois que si je voyais l'or du 4*100m nage libre français une cinquième fois, j'aurais les mêmes larmes. Et si j'ai un an de plus que Rafael Nadal, je n'étais pas prêt mentalement pour des écarts de 6 à 8 ans...

Bref, on prend un sacré coup dans la face en sachant qu'on serait soit dans la moitié des athlètes les plus vieux, soit dans la moitié des entraîneurs/coachs/mécaniciens les plus jeunes. 
Mais que ça ne nous empêche pas de rêver, de voir dans nos maigres exploits sportifs la même volonté, le même amour du sport, de la performance et du dépassement de soi. C'est peut-être ceci la leçon du jour: appliquer le "Plus haut, plus loin, plus fort" dans nos exploits de tous les jours. Même si ce n'est que le dîner chez Belle-maman. D'ailleurs, le challenge est toujours au rendez-vous, au moins chez elle. 

Et puis en guise de lot de consolation, on peut toujours regarder en direct ou en replay les épreuves de Beach Volley. Eh oui les mecs, après une première semaine hésitante, les filles ont ressorti les bikinis! Et ça... Ca c'est du sport!

mardi 7 août 2012

I'll be back, qu'il disait

C'était comme une promesse sur laquelle on s'était séparés, il y a près de cinq ans et demi. Comme une tache qui refuse de partir, comme le stylo qui n'écrit plus qu'on déplace sans cesse sur son bureau sans oser le jeter. Oui, j'avais tout stoppé pour écrire, croyais-je, mon premier roman.

J'avais changé de site, promis "un post tout bientôt" tous les jours, toutes les semaines, pour Noël et finalement, pour moi-même en résolution de nouvelle année. J'ai fait une moitié de roman, une belle dont je suis fier (même si, à le relire, j'en changerais la moitié, c'est classique).
Je suis passé à la Fantasy, j'ai fait des arbres généalogiques, un continent, des personnages... Et tu sais quoi au final, il n'y a plus qu'à l'écrire, ce bouquin. En général, c'est à ce moment là que je finis sur le net, trop tard avant une journée de boulot.

J'ai réalisé quelque chose d'important, c'est que si je voulais écrire, c'était grâce au blog que je faisais vivre, grâce aux commentaires affûtés ou non, à ma motivation de ne pas vous décevoir, même si c'est arrivé. J'étais bon à ça, je me faisais plaisir...

Alors qu'est-ce qu'on fait ici, on s'excuse, on papote, on se touche la nouille? Ma foi, vous faites ce que vous voulez mais moi j'écris. On va repartir sur l'ancienne formule, la bonne: des textes courts, des prologues, des récits sans queue ni tête, quelques reprises sorties des tiroirs, des Histoires dont nous Sommes les Héros...

Les blogs, les sites à textes ne sont plus à la mode. Le papier non plus, et peut-être que ça n'intéresse plus un planqué de me lire... Je crois que si une partie de moi-même est restée le grand enfant de l'époque, la maturité c'est de faire ce qui me plait et d'envoyer chier le reste.

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Moi j'écris.