mercredi 30 octobre 2013

L'actu Rlututu

Bon les Djeunz, on retombe dans nos vieux travers ? C’est vrai qu’en ce moment c’est la vie qui donne des claques et pas l’inverse. Que relire et réécrire un roman sans votre soutien toutes les deux pages pour me pousser, c’est comme malaxer de la pâte brisée : au bout d’un moment, c’est dur. Le concours de nouvelles, vous vous souvenez (archives de mai/juin) ? Je ne peux toujours pas publier le texte, mais je ne suis pas lauréat.
Je ne dis pas ça pour t’apitoyer, note bien. Je t’explique. Pour rebondir, j’ai écouté les conseils de ma prodigieuse compagne pour faire un autre concours d’écriture. Et pour éviter la concurrence, je ne vous dirais même pas lequel (na, prout.).

C’est l’automne, t’as remarqué ? Pour tout le monde, il fait beau et les températures sont bonnes, regarde les couleurs des arbres. Chez nous, changement d’heure ou non, je pars qu’il fait encore nuit, et je rentre qu’il fait déjà nuit. Le travail réserve de mauvaises surprises, et l’absence de travail est plus dure encore.

On fait le dos rond. Fondamentalement, ce serait une bonne période pour écrire. Mais c’est pas des semaines faciles pour ça. Pour ce concours, et c’est la première fois en plus d’un an de blog, j’ai eu une panne d’inspiration. Et là, pas de viagra dans la boite mail, hein, quand c’est vide ça vire intersidéral. Plus d’envie, même. Trois heures devant la page word, a se demander si on ferait pas mieux d'aller sur internet. 

On fait le dos rond, et puis une fin de semaine, on réalise que si on continue de subir sans réagir, on portera trop lourd. Que ça commence à peser de ruminer au boulot, de ruminer devant une page blanche, de ruminer devant les trains qui quittent le quai devant soi. Qu’on s’empâte tout doucement, de raclettes en choucroutes, d’albums sur l’Irlande en jeux vidéos. C’est pas moi qui le dis, c’est ma taille de jean qui parle.

T’es marié, c’est normal. Ah celle-là ! Je l’ai entendue au moins autant que « Alors ? Bientôt les enfants ? ». Eh. Ben. Non. Quand on me pousse, je me renferme d’abord un peu, et puis je me réveille. Je place mes coups. C’était ça en août 2012 quand j’ai recommencé à écrire, et coucou, ça retombe maintenant ! Je me suis demandé une fois de plus ce que je voulais vraiment. Ce que par peur, convenance, prudence de base, je n’avais jamais fait. J’ai décroché le téléphone après une heure ou deux de plus à tergiverser, c’est vous dire.

Et donc maintenant, je boxe. Je boxe en club. Je prends des coups, je rends des coups, j'y vais à fond jusqu'à plus pouvoir soulever les bras, jusqu'aux larmes qui brûlent les yeux à cause de la sueur. Je t'en parlerais un jour, je t'en écrirais un brin, tu verras ce n'est pas un jeu de brutes. Je rentre à la maison en forçant mes pas les uns après les autres, dors tôt et j’ai parfois du mal après une volée de marches, à cause des courbatures. Ca m’épuise dans une dimension que j’avais pas connue depuis… Euh. Mais je me sens bien. Je suis droit dans ma veste de costard le lendemain matin, je respire de nouveau. L’inspiration est revenue aussi vite qu’elle s’était échappée. Evidemment, j’ai jamais perdu l’envie. Mais enfin, on se connait non ? Beaucoup plus de débuts que de fins, tu crois pas ?


Je m’en fiche en fait. Je riposte, maintenant je rends les coups. J’écris, je joue, je bosse, je l’aime, je dors, je vis, je tape. C’est le réveil, et je me bats. 

samedi 12 octobre 2013

Tom, tu ne seras pas oublié

Honnêtement, je ne serais pas capable de me souvenir du premier livre que j'ai su lire seul. Sans doute comportait-il un grand nombre d'images accompagnant le récit. Plus tard, il y eut les collections "jeunesse" qui ont progressivement supprimé le support visuel. Je dévorais les livres quand j'étais gosse comme on mange une friandise, et il n'y en avait jamais assez. Mais vers mes dix ans, je lisais beaucoup moins. J'avais l'un des tout premiers PC, et la télévision m'apportait tout ce que j'avais besoin pour développer mon imagination. Et lorsque les dessins animés n'étaient plus mes productions préférées, j'écumais la collection de VHS de mes parents. 

J'ai du voir "A la poursuite d'Octobre Rouge" une bonne vingtaine de fois à cette période. Et puis, mon meilleur ami de l'époque m'a un jour indiqué, dans un rayon d'une librairie, que l'histoire en question existait en format poche. J'avais onze ans lorsque j'ai lu Octobre Rouge, et c'était mon premier contact avec une littérature mature, des livres qui ne sont pas destinés aux enfants ni adolescents. Et quel bonheur! Dans la toile tissée par Tom Clancy en plus d'une dizaine de livres, le héros Jack Ryan se développe, gagne ses galons dans la hiérarchie, passe d'agent secret à directeur adjoint de la CIA, puis conseiller présidentiel, et même plus... Les intrigues étaient compliquées au possible, réunissant des personnages incompatibles, aux histoires opposées qui ne faisaient parfois que se croiser au cours de la scène finale, avec une incidence sur l'action, évidemment. 

Tom Clancy s'est éteint le 1er octobre, et avec lui Jack Ryan. Il faisait partie de ceux qui m'ont accompagné depuis la fin de l'enfance et je le regretterais encore en de longues, de très longues heures de lecture. Je n'ai même pas encore lu ses derniers romans (ils ne sont pas en poche). Existera-t-il une fin à la tortueuse vie de son héros de toujours? Une publication de carnets peut-être? 

Tom Clancy ce n'est pas seulement un auteur qui m'aura marqué. Il a fait à travers ses livres beaucoup pour moi. Incontestablement, ce sont ses livres parmi d'autres qui m'ont mené vers la Marine lorsque je voulais m'orienter professionnellement. Plus tard, ce sont aussi ses aventures qui m'ont donné l'envie de lire plus, d'écrire aussi. Il y a beaucoup de références à son travail dans mes écrits. Et si vous en doutiez, la plus évidente est le personnage d'Elizabeth Ryan dans l'équipe du Dernier vol. Hommage ou inspiration, c'est aussi la femme de Jack Ryan dans toute la saga de mon auteur favori. Est-ce juste un nom que j'ai emprunté? Son apparence aussi, et même si ce n'est pas la même, elle a été un clin d'oeil très personnel pour moi. 

Je n'aurais jamais son talent, ni son succès. J'ai ses livres, il faudra bien que cela suffise. Il est temps que je le laisse partir. Il ne m'aura pas vu devenir adulte, mais m'aura accompagné plus de 16ans. Et si je l'avais croisé avant sa mort, je crois que je ne lui aurait pas parlé de moi. Que je lui aurais agrippé l'épaule et l'aurais remercié, du fond du coeur.

Merci, Tom. Chapeau bas.

mercredi 2 octobre 2013

Salut, capitaine

Prison de Fleury, 2 octobre

A l’attention du capitaine Hakim Markelian

Cher capitaine,

Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter pour votre promotion, même si elle date de quelques mois, je n’avais pas alors l’envie de prendre la plume. J’ai toujours trouvé que vous faisiez un lieutenant exemplaire, et je suis ravi que votre hiérarchie me soutienne sur ce point. A eux non plus je n’ai pas écrit pour témoigner de mon point de vue, je n’aurais pas souhaité vous nuire. Malgré tout, les journées doivent êtres chargées dans votre nouveau poste de responsable des homicides sur la région Paris-Nord. Bon, nous sommes entre gentlemen, c’est assuré.

J’ai ton attention, poulaga. Alors, on se tutoie, non ?

Pourquoi est-ce que ce taulard m’écrit, tu te demandes? C’est tout naturel. On s’est vraiment côtoyés que le temps de ma garde à vue dans tes locaux, combien… Une grosse dizaine d’heures ? Ton supérieur (quel tas de merde) a jugé bon de me placer en détention, alors que toi, tu brûlais de continuer tes recherches. Et, je peux te l’avouer maintenant, tu avais foutrement raison. Et même raison sur une échelle que tu ne pouvais même imaginer. Ha les poulets, toujours à regarder la poutre dans le cul du voisin. Tu n’avais pas remarqué comme je retenais ma respiration lorsqu’en plein interrogatoire sur l’affaire qui me concernait, un de tes collègues du Quai (Sandon, Sandier ? Un petit gros avec un manteau à la colombo) avait déboulé en annonçant la découverte d’un nouveau cadavre de chauffeur ? Peut-être. J’avais repéré dans ton regard l’intérêt du fin limier (j’ai lu que c’était une race de chiens, tu te rends compte ?), et c’est pour ça que j’ai choisi de t’écrire, à toi et pas un autre sous-fifre. Tes résultats depuis les cinq ans que je suis en captivité sont excellents. Plusieurs affaires, dont ce violeur-tueur de la Défense, un vrai héros, le Markelian ! Enfin, gars ! Enfin t’es digne de mes attentions. Parce que oui, j’ai des choses à te révéler, et je tiens à t’y associer… Histoire que dans un souci d’égalité (je déconne), nos deux intelligences puissent se montrer à la hauteur du challenge.

Le cadavre du chauffeur était l’un des miens. Ouais, ouais, des miens, au pluriel. Doués comme vous êtes, vous n’en avez trouvé que huit, mais il en reste deux, probablement bouffés par des chiens errants le long de la berge de la Seine, plus haut que vos zones de recherche.  

Toi, Markelian, t’étais le seul dans tout le central à trouver que mes déclarations paraissaient « vides de sentiments et récitées ». Evidemment, tête de con, j’étais pas vraiment un touriste ! J’avais tué une petite vieille en la poussant du haut des escaliers d’un immeuble, et « oh je m’en voulais terriblement ». Tu parles. J’ai même cru que vous l’aviez repérée, ma comédie. Parce que bon, est ce que c’était vraiment nécessaire de m’interroger six heures d’affilée si c’était pour me croire ? Pour écrire dans ton rapport que c’était bien un homicide involontaire ? Ptet que je suis démasqué, je me disais à l’époque !

Bon, je m’étais livré un peu tard, c’est vrai. Mes arguments ne tenaient pas tous la route, mais comme il n’y avait pas d’autre explication, vous étiez bien obligés d’y croire. Et attention, j’ai pas menti sur toute la ligne, hein, je l’ai dézinguée la vieille. C’était moi. Si je récitais ma leçon, c’était pour pas en dire trop, c’est tout. La plupart du temps, je bosse sous contrat, et là c’était le cas. Mais t’espérais quand même pas que je déballe ça avec les menottes dans le dos ? T’es con ou quoi Markelian ? Et oh, debout là dedans ! Si je l’ouvrais à propos de ça, il aurait fallu que je raconte tout le reste, ça aurait pris des plombes. Alors je m’en suis tenu à ce que je voulais bien vous dire : j’ai poussé la vieille, elle est morte, c’était triste. Terrible. Tu voulais aussi que je raconte que j’avais claqué sa tête 4-5 fois sur le marbre pour bien être sûr ? Eh ben ouais, mais c’est pas sept ans que je prenais, là, c’était vingt. Vingt ans, t’imagines ? Faudrait vraiment que je sois un abruti fini.

J’aurais pu te raconter les chauffeurs de taxi. Un contrat de vicieux, ça. Un albanais qui m’avait embauché, un vrai rapiat. Ce trou du cul avait rien trouvé de mieux que virer dix chauffeurs de la circulation pour que les siens puissent s’installer. Je sais pas vraiment si ça a marché, tu imagines que depuis que je suis en cabane, je le vois pas m’apporter des petits pains tous les mardis. Il sait sans doute pas que c’est moi, d’ailleurs, ils me connaissent pas sous le même nom que vous. Tiens je te vois réfléchir, capitaine. Tu me crois pas. Tu t’en balances de ces chauffeurs, tu penses que je me met la main dans le slip à te raconter des conneries. Tiens, voilà un détail qui te fera relire les rapports d’autopsie (prévois un bon café, mon salaud). L’albanais était un croyant, un vrai fana. Il m’avait commandé que je fasse un petit croissant de lune sur la poitrine des chauffeurs. Et l’enculé, comme le détail a pas fuité dans la presse, il a voulu une ristourne ! Si c’est pas gonflé.

Alors, tu me crois, Markelian ? On est pas encore copains, toi et moi ? Enfin, je sens que j’ai ton attention, c’est déjà ça. Ici c’est la jungle. Pas un qui sait qu’avec un crayon on peut faire autre chose que planter des néonazis sous la douche. Attention, c’est un vrai plaisir, faut pas déconner. Mais on se lasse de tout. Personne ne lit ici. Si t’as pas deux-trois nichons sur chaque page, t’as gaspillé ton argent. Franchement ? Je m’ennuie. Tu sais que je suis riche ? Enfin, pas riche riche, mais je pourrais prendre une petite retraite pour me ranger. Personne n’a trouvé mon fric, crois-moi, sinon j’aurais reçu plus de visites. Eh ouais. Note que, je fais pas ça que pour l’argent mais je serais un vrai débile de pas en profiter.

Et toi dans tout ça ? Tu sais toujours pas pourquoi je me suis rendu pour avoir buté la petite vieille. Ca viendra, Markelian, ça viendra. Si je te raconte tout maintenant, t’en auras assez pour te torcher toute la semaine. C’est pas le but. Je suis un tueur. Ca donne… Un pouvoir. Tu peux l’imaginer ou pas ? Hein, capitaine, t’as déjà vidé quelqu’un ? Je suis pas sur que non. T’aurais peut-être les couilles, même si tu t’en voudrais à mort. Rah, j’aimerais que tu me dises, ça me travaille depuis des heures. Tu me tuerais ? Oui. Ca aurait même de la gueule, ça. Tu vois, capitaine, j’ai besoin de me tourner vers quelqu’un qui pourrait me comprendre. Pas d’un idiot de psy qui va m’écouter débiter mes faux remords comme dans les dernières années. Je suis pas Hitler hein, je suis bien désolé pour la vieille Delage, mais comme dit c’était pas personnel. Mauvais endroit, mauvais moment, et on m’avait payé.

Oui toi, Markelian, tu m’écouteras. Bon tu répondras jamais parce que toi et moi, on est pas fait pour se payer des bières, plutôt se les envoyer à la gueule quand on aura fini nos munitions. Mais quand même. Et puis je sais que tu voudras les lire, mes lettres. C’est pas parce que t’aimes mon style, chou, mais tu veux de l’avance sur les autres, et tu l’auras. Parce que c’est à toi que je parle.

Avec la vitesse habituelle pour le courrier depuis Fleury, je me serais échappé depuis deux-trois jours quand tu liras tout ça. Enfin, je serais peut-être cané, et là ça te feras juste rire. Sale con. Mais je pense que je serais dehors, plutôt. J’y ai mis les moyens, j’ai léché trop de culs pour que ça rate. Bientôt l’heure, dis-donc !


Allez, on se revoit bientôt mon petit Markelian. Tu vas voir, on va bien rigoler.


Cedric.