lundi 21 janvier 2013

Analyse Tactique: Le Gouffre de Helm

Quelques uns d'entre vous le savent, je suis un passionné de ce que nous appellerons "La chose militaire"... Mais ce n'est pas le but de ce blog. Pourtant, entre deux textes, voici un petit tour dans mon monde, entre affrontement célèbre, fantasy et analyse tactique d'une bataille que pour le coup, tout le monde connait. 

Comme chacun le sait, la bataille du Gouffre de Helm (Le Seigneur des Anneaux, les Deux Tours) s’est soldée par une défaite des forces de l’Isengard sur une coalition Humain-Elfes menée par les troupes du Rohan. Notre analyse portera aujourd’hui sur cette bataille, sa réalité mais aussi et surtout la catastrophique tactique des Uruk’hai qui avaient, nous le prouverons, toutes les cartes en main.

1/ La stratégie de l’Isengard

La stratégie employée par l’armée de l’Isengard est assez novatrice pour son temps lorsqu’elle est décrite par Tolkien. Elle sera plus tard employée au Vietnam par l’armée américaine, par exemple. Elle vise à assurer la maitrise du terrain et des populations adverses par un mouvement en deux temps. Dans le premier, des forces insurgées issues de minorités vont saper l’autorité politique du pouvoir en place, tout en mettant en action une répression locale importante. Elle génère des mouvements de réfugiés, désorganise le pouvoir et en limite son action. Le second temps, qui reste le plus long moment adapté dans le long-métrage, réside dans l’envoi d’une armée puissante, qui n’a plus qu’à cueillir le fruit des actions précédentes, en provoquant puis gagnant une unique et décisive bataille. C’est sur cette dernière que nous allons revenir.

2/ La bataille du Gouffre de Helm, une nécessité ?

Lorsqu’on regarde le rapport des forces, qui en englobant les renforts des régiments de cavalerie du Rohan n’est pas en la défaveur de ces derniers, on peut se demander quelle était la légitimité à aller s’enfermer au Gouffre de Helm. Le livre comme le film apportent des éléments : il s’agit d’une retraite traditionnelle, un symbole de victoire pour le peuple, mais également un lieu pour lequel le nombre d’assaillants perd en influence (nous verrons plus loin que ce n’est pas tout à fait vrai). Toutefois, il eut été utile de considérer les forces adverses avant de prendre ce choix : l’armée de l’Isengard est (si ce n’est quelques éléments montés sur les Ouargs) essentiellement basée sur l’infanterie. Et une force de cavalerie, même plus faible en nombre, aurait pu faire plier une telle armée… Non seulement en l’attaquant de façon répétée et rapide, mais également en gagnant un temps précieux pour regrouper ses propres forces disséminées dans le pays. Leur choix se fixe sur une forteresse mangée par les années et les conflits précédents, aux défauts architecturaux que nous allons énumérer, et surtout sans échappatoire.

3/ Forces en présence

- Forces du Rohan : On va compter environ 300 soldats de métier dans les forces qui défendent le Gouffre, soit trois bataillons, auxquels on va ajouter deux bataillons de réservistes qui ne tiendront pas lourd dans la bataille : mal équipés, trop vieux, trop jeunes, c’est du rajout très artificiel. On pourrait aussi compter un ou deux bataillons pour la population dans les grottes, mais elle n’intervient pas. Egalement, on va compter 4 à 5 régiments de cavalerie (5000) en renforts, mais qui n’arriveront pas avant l’aube.
- Forces elfes : Estimons à environ 500 (et encore je suis sympa) soit un demi régiment d’infanterie, que l’on peut diviser de la manière suivante : 2 bataillons d’archers, 3 de fantassins à pied.
- Forces de l’Isengard : Une brigade d’infanterie complète, bien équipée (mais très mal commandée) et un bataillon monté sur les Ouargs. Soit au moins 10000 guerriers.

4/ La bataille du Gouffre de Helm

Première erreur orque : l’équipement.
La bataille à proprement parler démarre plusieurs heures après la tombée du jour. Dans une démonstration de force totalement inutile, l’armée de l’Isengard se présente à portée de tir des forces de la coalition. On peut remarquer à cette occasion sur dans le long-métrage, une partie significative des assaillants est armée de longs pics. La pertinence de cet armement à la fois long, encombrant et peu maniable, n’est justifiée à aucun moment de la bataille. A l’inverse, un combo bouclier-épée courte aurait bénéficié d’un gain très appréciable dans les combats au corps à corps sur la muraille.
Par contre, on peut à l’inverse louer les capacités des troupes du génie des Orques. Pontonniers, artificiers, sapeurs, tout l’éventail des capacités sera utilisé. Mais dans le mauvais ordre, nous le verrons plus loin.

Seconde erreur orque : l’attaque sur tous les fronts
La bataille démarre sur un chaos total dans les forces assaillantes. En effet, on voit successivement des salves d’archers, des montées d’échelles, des tentatives sur la porte de la citadelle (offrant, certes, un accès restreint). L’assaut en lui-même est brouillon, dans le sens ou des pertes importantes vont être concédées uniquement parce qu’il s’agit d’une diversion. Eh oui ! Tous ces morts (et jusque-là, on peut estimer qu’elle dépassent un bon dixième de la brigade engagée, sans compter les moyens matériels qui ont été mis en œuvre), tandis que l’atout majeur n’est pas encore dévoilé : les explosifs ne seront déployés qu’après un temps qui a du paraître une éternité aux forces d’assaut sous le feu précis des elfes.

Troisième et terrible erreur orque : L’explosion du rempart
Présentée dans le livre comme dans le film comme l’évènement majeur qui fera tourner la bataille en faveur des armées de l’Isengard, c’est en fait un exemple parfait de la fausse bonne idée. Certes la brèche va permettre de rentrer dans le gouffre et d’en annihiler les troupes elfes ainsi qu’une bonne partie des défenseurs humains. Cela dit l’intérêt tactique de cette manœuvre est… nul. Puisque l’accès aux grottes est conditionné par la citadelle, accessible de derrière les remparts par un chemin tortueux, bien défendu et une porte très peu large : un casse-tête pour tout assaillant. Pour comprendre, il faut revenir plus tôt dans le récit. On nous promet que « le seul défaut du gouffre de Helm réside dans un boyau, inconnu de tous mais point faible de la muraille ». Dans un sens c’est vrai, rien ne sert d’avoir une dizaine de mètres d’épaisseur de mur si c’est pour pouvoir passer par un tunnel juste en dessous. Mais il faut voir le Gouffre dans sa globalité : prendre le mur n’apporte rien dans cette bataille ! C’est la citadelle qui compte comme objectif principal, et de supprimer la menace des remparts en second. Il aurait été beaucoup plus intelligent de taper sur l’endroit le plus vulnérable avec une arme aussi sensationnelle.

Quatrième erreur orque : l’avancée en tortue
Clairement, le mouvement n’a pas été bien répété à l’entrainement : Lors de leur montée vers la porte de la citadelle (tardive, très tardive) les troupes de l’Isengard forment une tortue… Mais oublient de protéger leurs flancs ! Heureusement, c’est là que l’attaque frontale contre la muraille prend un tout petit peu de valeur : les archers elfes sont suffisamment débordés pour ne pas infliger des pertes massives.

Cinquième erreur orque : les échelles de la citadelle
Oui c’est vrai, pourquoi passer par la porte lorsqu’on peut escalader 80m de corde sous une pluie de flèches ? Cette attaque, bien que destabilisante sur les défenseurs et leur moral déjà vacillant, va se solder par plusieurs échecs facilement prévisibles, dus à la difficulté de tenir sur des échelles aussi massives, mal construites et mal arrimées (et aussi un peu à l’action des réservistes sur le dessus). Pourquoi ne pas en effet, avoir gardé ces troupes précieuses pour protéger les flancs, ou pour former des unités de réserves ? Puisqu’ils savent faire la tortue, ils avaient juste à patienter le temps que la porte tombe…

Sixième erreur orque : Combattre sur un terrain défavorable
Le temps que la porte, gravement endommagée soit réparée à coups de madriers (?!), les orques se laissent déborder par deux uniques guerriers sur cette avancée de pierre de cinq à six mètres de large. C’est bel et bien une erreur des orques de n’avoir pas été assez organisés : une poussée d’une vingtaine de soldats bouclier en avant aurait bloqué les défenseurs contre la porte, position pour laquelle leur combat n’aurait pas duré.

Septième erreur orque : ne pas s’approprier la citadelle
Là on passe de l’improbable à l’incompréhensible. Les Uruk’Hai ont pris la muraille, ainsi que la citadelle. Ils disposent encore de troupes nombreuses (mettons, au pire 5 régiments soit la moitié de leurs forces originelles), à pied et équipés en majorité de piques et d’épées. Arrive le « tournant de la bataille » c’est-à-dire à l’aube. Le roi et les quelques défenseurs restants font une sortie, une dernière charge. Cela implique trois choses :

- 1 : Les orques ont gagné ! Ils ont accès à leur objectif, c’est-à-dire les cavernes, au sein desquelles ils peuvent exterminer la population du Rohan qui y est réfugiée (l’échappatoire parmi les montagnes est évoqué trop tard, les orques sont plus puissants et rapides que des civils affamés).

- 2 :  La charge du Roi est certes belle pour le geste, mais on l’a constaté plus haut, les troupes orques sont équipées de piques… Justement prévues pour contrer les cavaliers ! Même en admettant qu’ils n’aient pas le temps de les mettre en œuvre avant que le Roi ne rejoigne la rampe de la citadelle, il y constitue avec son groupe une proie de choix pour les milliers de combattants restants dont plusieurs centaines sont équipées d’arcs.

- 3 : L’arrivée salvatrice des réservistes déboule comme une avalanche au milieu des troupes restantes, qui prennent leurs jambes à leur cou pour fuir le champ de bataille après une courte résistance. Déjà, on l’a dit plus haut, ils sont équipés de piques : c’est particulièrement performant contre les chevaux (Braveheart le démontre si besoin est). Ensuite, étant donné le potentiel des forces à disposition, ainsi qu’une donnée très simple : les orques disposent de la citadelle, rien ne justifie une retraite. Au contraire, le mouvement gagnant aurait été de prendre refuge dans cette citadelle : rappelons que même la porte ouverte, les assaillants ne peuvent venir à plus de 2 ou 3 chevaux de front. Et qu’en tout, ils ne sont pas plus nombreux que les orques, qui peuvent profiter des heures de combat à venir pour mener leur objectif à bien : génocider les Rohannais comme prévu.

(à suivre, si ça vous intéresse)

1 commentaire:

  1. J'aime, et s'il y a plus, je suivrai avec une joie et un intérêt non dissimulés :)

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