Autant se l’avouer, je n’ai
pas dormi tout de suite. Parce que non, leur nouvelle ne m’a pas laissé
indifférent. C’est là tout le fossé, en fait, entre l’annonce « nous
cherchons à avoir un enfant » et celle qui a précédé notre départ pour
l’Irlande. Non seulement je ne m’y attendais pas, mais ça m’a profondément fait
réfléchir. Dans une nuit de cinq heures, ce n’était pourtant pas le moment pour
les grands débats. Pas étonnant que je sois un peu grognon au réveil, d’autant
que sur le coup je suis jaloux de nos amis, qui sautent le premier repas de la
journée pour économiser quarante minutes de sommeil. Pour ma part je ne pouvais
pas envisager tout ce qui nous attendait le ventre vide, Julie non plus, aussi
nous nous sommes motivés à trois, elle, moi, et notre ami Nutella (au revoir,
compagnon, à dans dix jours !). Eh oui, on ne sait pas trop mais à priori
chez les Irlandais, ce sera du salé, le matin. Ou de la Guinness, nous avons
quelques idées préconçues sur le sujet.
Vient l’heure de partir, mais
aussi et surtout celle d’errer dans l’appartement, car il reste (c’est une
certitude) les six ou sept minutes de marge que l’on avait fixé pour partir à
l’heure. Les valises sont regroupées dans l’entrée, mais ça ne nous empêche pas
de faire le tour des pièces à la recherche de l’objet manquant et indispensable
que l’on aurait forcément oublié. Ou bien, à l’inverse, un questionnement
récurrent : ais-je sorti l’éventuel couteau que je conservais dans mon sac
à dos ? Ma barbe, qui n’est pas rasée de près, m’enverra-t-elle au toucher
rectal avec un douanier ? Et au fait, est-ce que j’ai vérifié pour la
huitième fois où est la clef du cadenas, nos billets d’avion, mes papiers
d’identité ? Bref, c’est un vide intersidéral, nous sommes réveillés et
alertes, ça pense à toute vitesse, et le chronomètre, lui, est encore un peu
endormi.
Nous prenons la voiture de
Marie et Michel, ne serait-ce que pour s’éviter de trop longues manœuvres dans
notre garage (sortir la nôtre, ranger la vôtre, conduire la nôtre, sortir la
vôtre, ranger la nôtre). Colmar est assourdissant de calme à cette heure, en
plein mois d’aout. Excepté les principaux protagonistes, tout est bon pour le
film de zombies : des rues désertes, une bande de copains avec des filles
sexy, la nuit noire et un orage qui strie d’éclairs le ciel sombre quand nous
prenons la bretelle d’autoroute. Oui, d’ailleurs. L’orage, parlons-en. Nous
avions une météo digne du mois d’aout depuis quatre jours, et il aura fallu que
précisément la nuit du départ, au moment où nous sommes sur la route, l’orage
tombe. Ça n’aurait pas pu attendre, je ne sais pas, vingt minutes de plus. Mais
enfin Michel est bon conducteur, s’amuse gaiement de ne pas y voir grand-chose,
et profite de ses dernières minutes au volant. A côté de lui en effet, je suis
occupé à faire des mouvements fantômes avec mes pieds : d’ici la fin de
matinée, c’est moi qui serais au volant, et il sera à droite… Passé Mulhouse,
les gouttes cèdent place aux grêlons, et nous devons ralentir car le voyage
commence à ressembler à l’accélération du Faucon Millenium, le vaisseau de Han
Solo dans Star Wars.
Et puis à l’aéroport, plus
rien. Nous avons dépassé le nuage, que l’on voit très clairement flotter, sa
masse noire coupant le ciel en deux, étalé plus au nord de l’Alsace. Trouver
une place dans le parking de longue durée s’avère plus compliqué de
prévu : nous avions oublié, dans notre habitude de partir hors saison, que
là c’est le mois d’aout, et que donc il y aurait un peu moins de place. Pour
faire court, il y en a pour cinq cent mètres jusqu’à l’entrée du parking
(l’occasion de constater qu’avec un salaire Suisse, certaines voitures ne sont
pas désagréables à l’œil). Dans le bâtiment, c’est encore l’éveil malgré les
premiers vols qui commencent leur ronde. Nous pourrions prendre notre temps, mais
c’est toujours beaucoup plus agréable de flâner sans les valises dans la zone
internationale, aussi nous nous dirigeons vers un guichet (presque) désert,
pour faire enregistrer nos bagages, que l’on reverra dans la capitale
irlandaise et pas à Amsterdam, qui nous accueillera pour un petit transit. Au
passage, il faut remarquer que pour changer, les guichets électroniques qui ne
marchent jamais (Italie : zéro vols sur quatre, quand même !) nous
reconnaissent… Même si, comme nous avons des valises, il faut quand même passer
par l’enregistrement classique.
En habitués, nous ne passons
pas longtemps à la fouille réglementaire à la douane, car tout est empaqueté
selon les normes en vigueur… Le temps de remettre nos ceintures, de regarder à
quoi ressemble notre sac passé aux rayons X, et c’est le Duty Free. Nous
commençons par rêver (c’est une tradition) devant des montres à 5000 euros,
avant d’avancer… Nous sommes déjà dans les rayons de l’épicerie, à lorgner
les Toblerone d’1kg (aéroport Suisse, ne l’oublions pas), et les bouteilles de
whisky. Nous trouvons même du Bushmills, la marque Irlandaise dont nous allons
visiter l’usine au cours du voyage (c’est l’une des étapes les plus attendues,
avec son propre cri de guerre, comme en témoignent les nombreux
« Bushmills ! » qui ponctuent nos emails depuis quelques jours).
Nous attendons l’embarquement
dans la même léthargie que tout le monde, avant d’embarquer sans se presser, en
se moquant ostensiblement de ceux qui, debout depuis vingt minutes, sont en
rang d’oignon pour attendre l’ouverture des portes. Nous, tant qu’on peut avoir
une vue sur l’activité fébrile de l’aéroport et son ballet de véhicules…
Dehors, il pleut à torrents, et on voit les gouttes s’écraser sur la piste sur
les toutes premières lueurs du jour. Notre KLM « Cityhopper » bleu et
blanc nous attend, pour plus d’une heure de vol. On y verra, doucement
au-dessus de l’Allemagne, le soleil se lever… Du moins lorsqu’on ouvre les
yeux, parce que nous sommes plusieurs à penser que maintenant, c’est un moment
comme un autre pour rattraper le sommeil perdu. Julie et moi parcourons le
magazine de voyage de la compagnie, qui fait différents focus sur plusieurs
destinations que nous avons déjà exploité : les souvenirs de nos voyages,
nous y sommes intarissables.
Habitués des vols low-cost,
nous n’attendions pas de petit déjeuner, et pourtant c’est avec la nourriture
sous les yeux que la faim revient… Des sandwichs (ouh-là, une entrée en matière
sur la quasi-intégralité de nos déjeuners…) fabriqués en Hollande, avec de la
farine de Hollande, un emballage de Hollande, et plein d’explications dans une
langue qui fleure bon la Hollande écrite dessus. Ce sera un vol calme, pour
lequel nous aurons largement le loisir de regarder l’approche sur Amsterdam (c’est
la fête du virage), laquelle, c’est une surprise pour certains, est à côté de
la Mer. Moi qui n’y suis jamais allé, je me tords le cou pour voir le centre,
mais c’est peine perdue, ou bien je ne suis pas du bon côté de l’avion. Je ne
m’attendais pas à autant de canaux, par contre, même si le fait est
connu : il y en a jusqu’au cœur de l’aéroport. Nous atterrissons en effet
sur une piste connexe, et passons au-dessus de l’eau pour nous rendre aux
terminaux. Deux avions sur trois sont peints comme le nôtre, en blanc et bleu
ciel, les couleurs de KLM, qui a son siège ici.
Nous ne nous précipitons pas
non plus pour sortir : on sent clairement un parfum de vacances ! Au
contraire, nous prenons le temps de nous repérer parce que sur place, on a vite
fait de marcher vingt minutes dans la mauvaise direction : l’aéroport
d’Amsterdam est gigantesque. Au moins on ne s’ennuie pas durant notre
marche ! Il y a différentes enseignes en Duty Free, puis des portes aux
destinations exotiques (souvent plus de 9-10 heures de vol, quand même). Et
puis au bout du chemin, un autre contrôle de douanes. Je passe (c’est une
habitude) comme une fleur, en ne me rendant pas compte que pour les autres,
c’est un peu plus compliqué.
Julie a dû enlever ses
chaussures de marche (je plains les douaniers alentour), mais c’est surtout
Michel qui est en pleine séance de déballage de son appareil photo. Visiblement,
le fonctionnaire est bien curieux d’examiner l’objectif de 400mm que notre ami
a dans son sac à dos, et il fait jouer la coulisse pour vérifier que ce n’est
pas une arme (même si ça fait une belle matraque, hein)… Mais c’est surtout l’une
des phrases vite cultes de ce début de voyage qui fait son apparition : « Wow
you have a big lens »… Le surnom est là, le matériel est posé. Michel est
Big Lens (il en est tout enchanté) et le sera une bonne partie du voyage. C’est
tellement connoté, un peu idiot, phallique, que ça nous inspire des jeux de
mots jusqu’à la porte d’embarquement.
De là, nous voyons notre Boeing aux
couleurs irlandaises d’Aer Lingus, et c’est le nom de la compagnie qui va prendre
place dans nos jeux de mots (pour ces derniers, je vous laisse deviner ce qui
finit par lingus dans nos esprits malades).
Michel Big Lens, ça sonne tout de suite moins bien!
RépondreSupprimerSinon, ça veut dire quoi cette phrase : "Au passage, il faut remarquer que pour changer, les guichets électroniques qui ne marchent jamais (Italie : zéro vols sur quatre, quand même !) nous reconnaissent…" ??
Je fais référence aux guichets de check in automatiques sur lesquels on rentre nos numéros de vol de passeport etc... Et qui trois fois sur quatre te répondent : informations non trouvées. En Italie on nous les proposait systématiquement mais ça n'a jamais marché... Alors que la Michel avait entré ses infos et.le logiciel avait trouvé nos quatre places.
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