lundi 24 mars 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 2

Episode 2: Big Lens

Autant se l’avouer, je n’ai pas dormi tout de suite. Parce que non, leur nouvelle ne m’a pas laissé indifférent. C’est là tout le fossé, en fait, entre l’annonce « nous cherchons à avoir un enfant » et celle qui a précédé notre départ pour l’Irlande. Non seulement je ne m’y attendais pas, mais ça m’a profondément fait réfléchir. Dans une nuit de cinq heures, ce n’était pourtant pas le moment pour les grands débats. Pas étonnant que je sois un peu grognon au réveil, d’autant que sur le coup je suis jaloux de nos amis, qui sautent le premier repas de la journée pour économiser quarante minutes de sommeil. Pour ma part je ne pouvais pas envisager tout ce qui nous attendait le ventre vide, Julie non plus, aussi nous nous sommes motivés à trois, elle, moi, et notre ami Nutella (au revoir, compagnon, à dans dix jours !). Eh oui, on ne sait pas trop mais à priori chez les Irlandais, ce sera du salé, le matin. Ou de la Guinness, nous avons quelques idées préconçues sur le sujet.
 
Vient l’heure de partir, mais aussi et surtout celle d’errer dans l’appartement, car il reste (c’est une certitude) les six ou sept minutes de marge que l’on avait fixé pour partir à l’heure. Les valises sont regroupées dans l’entrée, mais ça ne nous empêche pas de faire le tour des pièces à la recherche de l’objet manquant et indispensable que l’on aurait forcément oublié. Ou bien, à l’inverse, un questionnement récurrent : ais-je sorti l’éventuel couteau que je conservais dans mon sac à dos ? Ma barbe, qui n’est pas rasée de près, m’enverra-t-elle au toucher rectal avec un douanier ? Et au fait, est-ce que j’ai vérifié pour la huitième fois où est la clef du cadenas, nos billets d’avion, mes papiers d’identité ? Bref, c’est un vide intersidéral, nous sommes réveillés et alertes, ça pense à toute vitesse, et le chronomètre, lui, est encore un peu endormi.

Nous prenons la voiture de Marie et Michel, ne serait-ce que pour s’éviter de trop longues manœuvres dans notre garage (sortir la nôtre, ranger la vôtre, conduire la nôtre, sortir la vôtre, ranger la nôtre). Colmar est assourdissant de calme à cette heure, en plein mois d’aout. Excepté les principaux protagonistes, tout est bon pour le film de zombies : des rues désertes, une bande de copains avec des filles sexy, la nuit noire et un orage qui strie d’éclairs le ciel sombre quand nous prenons la bretelle d’autoroute. Oui, d’ailleurs. L’orage, parlons-en. Nous avions une météo digne du mois d’aout depuis quatre jours, et il aura fallu que précisément la nuit du départ, au moment où nous sommes sur la route, l’orage tombe. Ça n’aurait pas pu attendre, je ne sais pas, vingt minutes de plus. Mais enfin Michel est bon conducteur, s’amuse gaiement de ne pas y voir grand-chose, et profite de ses dernières minutes au volant. A côté de lui en effet, je suis occupé à faire des mouvements fantômes avec mes pieds : d’ici la fin de matinée, c’est moi qui serais au volant, et il sera à droite… Passé Mulhouse, les gouttes cèdent place aux grêlons, et nous devons ralentir car le voyage commence à ressembler à l’accélération du Faucon Millenium, le vaisseau de Han Solo dans Star Wars.

Et puis à l’aéroport, plus rien. Nous avons dépassé le nuage, que l’on voit très clairement flotter, sa masse noire coupant le ciel en deux, étalé plus au nord de l’Alsace. Trouver une place dans le parking de longue durée s’avère plus compliqué de prévu : nous avions oublié, dans notre habitude de partir hors saison, que là c’est le mois d’aout, et que donc il y aurait un peu moins de place. Pour faire court, il y en a pour cinq cent mètres jusqu’à l’entrée du parking (l’occasion de constater qu’avec un salaire Suisse, certaines voitures ne sont pas désagréables à l’œil). Dans le bâtiment, c’est encore l’éveil malgré les premiers vols qui commencent leur ronde. Nous pourrions prendre notre temps, mais c’est toujours beaucoup plus agréable de flâner sans les valises dans la zone internationale, aussi nous nous dirigeons vers un guichet (presque) désert, pour faire enregistrer nos bagages, que l’on reverra dans la capitale irlandaise et pas à Amsterdam, qui nous accueillera pour un petit transit. Au passage, il faut remarquer que pour changer, les guichets électroniques qui ne marchent jamais (Italie : zéro vols sur quatre, quand même !) nous reconnaissent… Même si, comme nous avons des valises, il faut quand même passer par l’enregistrement classique.

En habitués, nous ne passons pas longtemps à la fouille réglementaire à la douane, car tout est empaqueté selon les normes en vigueur… Le temps de remettre nos ceintures, de regarder à quoi ressemble notre sac passé aux rayons X, et c’est le Duty Free. Nous commençons par rêver (c’est une tradition) devant des montres à 5000 euros, avant d’avancer… Nous sommes déjà dans les rayons de l’épicerie, à lorgner les Toblerone d’1kg (aéroport Suisse, ne l’oublions pas), et les bouteilles de whisky. Nous trouvons même du Bushmills, la marque Irlandaise dont nous allons visiter l’usine au cours du voyage (c’est l’une des étapes les plus attendues, avec son propre cri de guerre, comme en témoignent les nombreux « Bushmills ! » qui ponctuent nos emails depuis quelques jours).

Nous attendons l’embarquement dans la même léthargie que tout le monde, avant d’embarquer sans se presser, en se moquant ostensiblement de ceux qui, debout depuis vingt minutes, sont en rang d’oignon pour attendre l’ouverture des portes. Nous, tant qu’on peut avoir une vue sur l’activité fébrile de l’aéroport et son ballet de véhicules… Dehors, il pleut à torrents, et on voit les gouttes s’écraser sur la piste sur les toutes premières lueurs du jour. Notre KLM « Cityhopper » bleu et blanc nous attend, pour plus d’une heure de vol. On y verra, doucement au-dessus de l’Allemagne, le soleil se lever… Du moins lorsqu’on ouvre les yeux, parce que nous sommes plusieurs à penser que maintenant, c’est un moment comme un autre pour rattraper le sommeil perdu. Julie et moi parcourons le magazine de voyage de la compagnie, qui fait différents focus sur plusieurs destinations que nous avons déjà exploité : les souvenirs de nos voyages, nous y sommes intarissables.

Habitués des vols low-cost, nous n’attendions pas de petit déjeuner, et pourtant c’est avec la nourriture sous les yeux que la faim revient… Des sandwichs (ouh-là, une entrée en matière sur la quasi-intégralité de nos déjeuners…) fabriqués en Hollande, avec de la farine de Hollande, un emballage de Hollande, et plein d’explications dans une langue qui fleure bon la Hollande écrite dessus. Ce sera un vol calme, pour lequel nous aurons largement le loisir de regarder l’approche sur Amsterdam (c’est la fête du virage), laquelle, c’est une surprise pour certains, est à côté de la Mer. Moi qui n’y suis jamais allé, je me tords le cou pour voir le centre, mais c’est peine perdue, ou bien je ne suis pas du bon côté de l’avion. Je ne m’attendais pas à autant de canaux, par contre, même si le fait est connu : il y en a jusqu’au cœur de l’aéroport. Nous atterrissons en effet sur une piste connexe, et passons au-dessus de l’eau pour nous rendre aux terminaux. Deux avions sur trois sont peints comme le nôtre, en blanc et bleu ciel, les couleurs de KLM, qui a son siège ici.

Nous ne nous précipitons pas non plus pour sortir : on sent clairement un parfum de vacances ! Au contraire, nous prenons le temps de nous repérer parce que sur place, on a vite fait de marcher vingt minutes dans la mauvaise direction : l’aéroport d’Amsterdam est gigantesque. Au moins on ne s’ennuie pas durant notre marche ! Il y a différentes enseignes en Duty Free, puis des portes aux destinations exotiques (souvent plus de 9-10 heures de vol, quand même). Et puis au bout du chemin, un autre contrôle de douanes. Je passe (c’est une habitude) comme une fleur, en ne me rendant pas compte que pour les autres, c’est un peu plus compliqué.


Julie a dû enlever ses chaussures de marche (je plains les douaniers alentour), mais c’est surtout Michel qui est en pleine séance de déballage de son appareil photo. Visiblement, le fonctionnaire est bien curieux d’examiner l’objectif de 400mm que notre ami a dans son sac à dos, et il fait jouer la coulisse pour vérifier que ce n’est pas une arme (même si ça fait une belle matraque, hein)… Mais c’est surtout l’une des phrases vite cultes de ce début de voyage qui fait son apparition : « Wow you have a big lens »… Le surnom est là, le matériel est posé. Michel est Big Lens (il en est tout enchanté) et le sera une bonne partie du voyage. C’est tellement connoté, un peu idiot, phallique, que ça nous inspire des jeux de mots jusqu’à la porte d’embarquement. 

De là, nous voyons notre Boeing aux couleurs irlandaises d’Aer Lingus, et c’est le nom de la compagnie qui va prendre place dans nos jeux de mots (pour ces derniers, je vous laisse deviner ce qui finit par lingus dans nos esprits malades). 

2 commentaires:

  1. Michel Big Lens, ça sonne tout de suite moins bien!

    Sinon, ça veut dire quoi cette phrase : "Au passage, il faut remarquer que pour changer, les guichets électroniques qui ne marchent jamais (Italie : zéro vols sur quatre, quand même !) nous reconnaissent…" ??

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  2. Je fais référence aux guichets de check in automatiques sur lesquels on rentre nos numéros de vol de passeport etc... Et qui trois fois sur quatre te répondent : informations non trouvées. En Italie on nous les proposait systématiquement mais ça n'a jamais marché... Alors que la Michel avait entré ses infos et.le logiciel avait trouvé nos quatre places.

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