samedi 15 novembre 2014

Un pas en SF: Dorian

Hello, lecteur! Alors, non, je ne me suis pas encore tout à fait fixé sur la suite des événements de ce blog. Le prochain gros texte n'est pas tout à fait arrêté, aussi parce que sur un plan personnel il y a beaucoup de choses à penser ces derniers (et prochains) temps. En attendant, entre Interstellar (quelle claque) et l' "atterrissage" de Philae sur la comète 67P, voici une petite escapade SF. J'espère qu'elle vous divertira.
Bonne lecture !

Dorian.

Une suite de courtes impulsions transmises à son module de vie et reliées à sa couchette achevèrent de sortir Dorian de sa période de sommeil. Dans un mouvement brusque, il alluma ses photorécepteurs, et comprit que le message n’avait rien des habituels rapports qui revenaient épisodiquement le déranger dans sa transe. Cette fois, l’alerte était sérieuse, et d’ailleurs elle était répercutée à tous les vaisseaux alentours. Glissant silencieusement dans l’exigu couloir central, Dorian laissa une de ses membranes principales en contact avec le flux d’informations principal qui courait sur la paroi, histoire de se mettre à jour… Son sommeil n’avait que trop duré, dirait-on. La majorité des minuscules sondes robotiques qu’il avait envoyé récupérer des informations étaient de retour à bord, toutes bourrées de données à traiter, de rapports d’activité et d’images datées importantes. Il faudrait compiler tout ça, et Dorian espérait en avoir le temps avant la visite qui se profilait. Car une alarme comme celle qui l’avait réveillé ne pouvait avoir qu’une seule signification. L’amiral de la flotte allait arriver sous peu, et ses tournées d’inspection étaient connues pour être un modèle de sévérité et de précision attendues.

Une fois dans le module de pilotage, Dorian s’aperçut qu’il était (une fois de plus) bon dernier à activer ses transpondeurs. Alderaan, qui ne prenait que de courtes phases de transe l’avait devancé de loin pour accueillir l’amiral, tandis que Fidenia, disposant de technologies plus avancées que celles de Dorian, pouvait piloter depuis sa transe. Il était plus que temps de faire bouger les choses. En mettant en contact ses deux membranes secondaires avec la poste de Pilotage, Dorian ne fit soudain plus qu’un avec le Stix. Avec ses soixante mètres de long, son profilage anguleux et sa surface absorbante, il avait fait plusieurs décennies plus tôt, partie d’une escadre de reconnaissance de guerre. Dépassé rapidement à cause de ses interfaces et de ses systèmes de combat, il avait été relégué à des missions d’explorations. Pas étonnant qu’on y mette des pilotes de seconde zone, pensa Dorian en apercevant son reflet sur l’écran de commandes, à la faveur d’un rayon de soleil pendant qu’il faisait tourner l’appareil. Mais enfin, il n’avait pas à se plaindre de sa mission, même si elle était souvent ennuyeuse : Il n’avait jamais été doué pour le combat stellaire, alors plutôt paresser autour de cette étoile-ci que de mourir dans une vague offensive dans un système de conquête…

« - Mais qu’est-ce que tu fichais ? Tu ferais mieux d’être là avant que l’Amiral ne se pointe ! » Alderaan était dans son humeur habituelle : tout juste insupportable. Dorian se concentra sur les coordonnées de la rencontre des trois vaisseaux avec l’amirauté interstellaire. De sa position dans la ceinture d’astéroïdes, il n’était pas si loin de P6T3SX. S’il avait eu le droit d’utiliser ses réacteurs principaux, ces derniers n’auraient même pas eu le temps de monter en puissance pour atteindre cette petite lune. Pourtant, les ordres étaient clairs, la discrétion était primordiale… Dorian décida tout de même de pousser les auxiliaires, histoire de gagner une petite heure sur le trajet. Ces derniers émettaient une signature très faible, le risque d’être détecté était vraiment minimal. Dorian profita du temps pour s’immerger dans les rapports des sondes, qu’il classa le plus rapidement possible, en s’exclamant plusieurs fois sur le contenu. En moins d’une transe, il avait raté une quantité astronomique d’évènements majeurs ! Heureusement qu’il avait programmé les robots correctement, Alderaan et Fidenia ne manqueraient pas l’opportunité de prouver qu’ils étaient les meilleurs dans ce domaine, tandis que lui s’était retrouvé ici car il avait raté un examen de passage.

Dorian allait une fois de plus se plonger dans le souvenir douloureux de cette interminable journée de catastrophes lorsqu’un voyant d’alarme vint le distraire. Le Stix était équipé de capteurs performants, et l’appareil avait ralenti la course des moteurs à plasma froids alors même qu’il avait détecté la menace. Ici ? Dans ce petit système ? Etait-il possible que leurs trois vaisseaux ne soient pas seuls à traîner dans le coin ? Le journal de bord indiquait que les Cairhe n’avaient jamais poussé aussi loin vers la ceinture extérieure, mais on ne savait jamais, avec eux. Dorian demanda un scan passif complet, déploya trois antennes sur le sommet du cockpit et lança même une sonde photo-réceptrice. 

Quelques secondes plus tard, il avait l’image en direct par son interface sensorielle. Heureusement ce n’était ni un vaisseau de guerre, ni un explorateur ennemi. C’était une sonde, robuste mais efficace. Un petit réacteur à fission, pas aussi bien isolé qu’il aurait du l’être, et surtout des instruments de mesure, dont un spectromètre infrarouge… C’était bien ce dernier qui avait activé l’alarme du Stix. La conception de cette sonde était assez intelligente, malgré des limites qui paraissaient assez évidentes à Dorian, surtout de l’encombrement par rapport à la taille énorme de cette pièce de mécanique un peu vulgaire. Il lui fallut une ou deux secondes supplémentaires pour se rendre compte que si ce n’était pas les Cairhe, ni l’un des trois vaisseaux de l’Amirauté, c’était une sonde des habitants locaux. Etaient-ils capables à présent de se projeter aussi loin de leur propre planète ? Il lui restait plusieurs dizaines de rapports à observer, et alors qu’il les survolait, Dorian se rendait compte que depuis le début de sa transe, les locaux avaient plus avancé dans certains domaines que ce que sa simulation avait prévu. Il avait intérêt à intégrer toutes ces données avant de voir l’amiral.

Le vaisseau d’Alderaan n’était pas non plus prévu pour l’espionnage interstellaire. Avec sa taille imposante de quatre cent mètres, il ressemblait, comparé à ceux de Dorian (le Stix) et de Fidenia (le Torr), à un pataud ravitailleur. Sa conception ancienne ne pouvait cependant faire oublier les six pièces d’artillerie à énergie concentrée placées sur son pont supérieur. C’était un vaisseau d’attaque, dans la plus pure tradition de l’Amirauté, et son commandant ne dépareillait pas avec le navire stellaire : « Frapper d’abord, observer les dégâts » aurait pu être gravé sur la passerelle. Dorian s’imaginait facilement la frustration de ce pilote artilleur, qui ne pouvait pas exercer ses talents tant que le système qu’ils observaient n’avait pas été officiellement classé comme dangereux. Le Stix s’amarra à la seconde baie d’accrochage, juste à côté du vaisseau de Fidenia. Pourtant, cette dernière était encore à l’intérieur, en phase de réveil elle aussi. 

Le Torr était le plus élégant des trois vaisseaux, tout en courbes vides et pleines. Il avait été conçu pour l’observation, et disposait des meilleurs senseurs, de la plus grande autonomie, et des sondes robotisées les plus performantes. Un véritable petit miracle de technologie, qui avait pourtant quelques défauts de jeunesse : une vitesse très limitée et une fragilité extrême. Si elle pouvait passer littéralement devant les capteurs des locaux, elle avait intérêt à bien calculer sa trajectoire : un contact même minime avec les métaux épais des constructions locales déchirerait sa fragile enveloppe.

Dorian eut à peine le temps d’échanger les salutations d’usage avec Alderaan, de s’apercevoir que Fidenia était dans la pièce, lorsque le cockpit fut assombri par la présence massive d’un croiseur de l’amirauté. Un croiseur ! Ils ne manquaient pas d’humour, sur la Planète Mère ! Six Périodes d’observations furtives, d’incursions autour de la planète vivante locale, des dizaines de sondes envoyées récolter des informations… Et voilà que l’Amiral Deogen arrivait en croiseur. La masse de ces titanesques vaisseaux de guerre modifierait sans doute l’orbite même de la petite lune à côté de laquelle ils tenaient leur petit rendez-vous. P6T3SX devrait supporter le choc le temps de la rencontre. Dès que Dorian, Fidenia et Alderaan se furent alignés, un capitaine apparut sur la passerelle, par l’ascenseur de communication annulaire. D’un air sévère, il leur ordonna le Salut traditionnel avant que, dans le rai de lumière suivant, l’Amiral Deogen lui-même fasse son apparition. Flottant jusqu’au siège usé qu’occupait d’habitude Alderaan aux commandes de son vaisseau, il leur rendit leur salut crispé, fit une moue pas tout à fait dégoutée en jetant un coup d’œil à la passerelle, et leur ordonna brièvement : 

« - Faites-moi votre rapport, rapidement. Il n’y a qu’une planète habitée ici ? »
« - Oui amiral. » Répondit Alderaan. « Leurs moyens sont limités mais ils sont en pleine expansion. Toutes nos données sont transmises à votre vaisseau à l’instant. » 
-          En pleine expansion, hein ? Avez-vous été détectés ?
-         -  Non, Amiral. » Répondit Fidenia. « Nos systèmes sont encore largement plus performants que les leurs. Cependant, ils ont beaucoup progressé dans leur exploration spatiale locale, nous avons du être prudents ».
-              - Mmh, je vois. Pouvez-vous me dire comment ce nouveau joueur sur notre grande scène s’appelle ?
       - Eh bien..." S'élança Dorian. "Ils ont appelé leur planète "La Terre" ...". 



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