vendredi 20 juin 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 25

Episode 25: Terre. Brulée. Au Vent...

Une fois dans la cour intérieure du château, ce dernier parait moins impressionnant. C’est sans doute parce que, même si l’endroit est dans un exceptionnel état de conservation, il est vide. Pas d’écuries, pas de forge, pas de four à pain. Un unique donjon dominateur, dont les pierres des Burren vont pouvoir lui assurer une extraordinaire durée de vie. Le drapeau Irlandais, qui flotte en haut de la tour, est le seul élément du tableau qui soit un peu dynamique : même la mer a l’air figée ici. Après un tour à l’extérieur des murailles (pas vraiment adapté à nos chaussures de ville, mais nous en avions envie), nous revenons doucement sur le parking. Je passe personnellement quelques minutes à observer l’état des rétroviseurs, celui de gauche ayant salement froufrouté contre un buisson à quelques kilomètres de là. Et en effet il est rayé, mais ce sont pour la plupart des traces très végétales : une bonne saucée à l’irlandaise et il n’y paraitra plus !

D’ailleurs, ça se couvre. Et nous nous dirigeons vers les nuages, qui s’amassent au-dessus de Galway. Comme la route ne progresse pas très vite, nous commençons à jouer au « Qui suis-je », un énième passe-temps consistant à deviner à quelle personnalité réelle ou fictive le maitre du jeu est en train de penser. Comme ce dernier ne peut que répondre par oui ou par non, il s’agit de trouver un personnage suffisamment atypique pour tromper les autres occupants de la voiture. Bientôt, nos arrivons à Galway, sous une pluie fine. Mais ce n’est pas ce qui m’embête le plus : passé les trois premiers rond points, nous sommes pris dans une file de voiture qui s’étire jusqu’au-delà de notre champ de vue. Oui, vous avez bien lu, nous avons eu un bouchon en Irlande. Il s’agissait en plus de rester relativement concentré, car on ne change pas facilement de voie ici, et comme je n’ai pas envie d’apprendre de nouvelles insultes en gaélique, il faut essayer de prévoir à l’avance. Pas facile avec notre GPS, mais nous finissons par y arriver.

A la sortie de la ville, c’est la frontière toute symbolique de l’entrée dans le Connemara. Oui, oui, Sardou, je sais. Mais honnêtement, ce n’est pas l’ambiance : nous profitons de nos nombreux CDs de musique traditionnelle pour évacuer l’envie de démarrer un « Terre. Brulée… ». A la place c’est l’Irish Rover à fond de gorge, et c’est quand même autre chose. Nous entrons dans cette région mythique en longeant un long lac qui se ramifie plus loin, en une dizaine de bras qui s’étendent entre les sommets. Et un regard sur la carte nous le confirmera, c’est bien le plus grand lac de la région. Peu à peu, au fur et à mesure que les dernières maisons de Galway sont derrière nous, les arbres cèdent la place à de grandes étendues de ces hautes herbes vertes et brunes qui poussent dans la tourbe et qui ont fait la renommée de la région. Nous laissons les nuages derrière nous progressivement, et entrons dans le vif du sujet avec de véritables petites chaines de montagne qui s’élèvent de droite et de gauche.

Nous débouchons ainsi dans une sorte de vallée glacière, au centre de laquelle coule une large rivière, qui semble relier quelques bosquets de sapins au milieu de ce paysage sauvage et presque désertique. Le relief est pelé, il n’y a aucune plante plus haute qu’un buisson sur ces collines aux pentes aigües. C’est si beau, que je demande régulièrement à Marie et Julie de prendre des photos, ce qu’elles font de bonne grâce, même si ce n’est pas aussi facile depuis les places arrière. Il faut dire qu’en tant que conducteur, il est facile pour moi d’avoir une vue panoramique… J’en prends plein les yeux ! Et puis ici, une grande première depuis le début du voyage, il est en fait réellement possible de rouler à 100 km/h. Difficile donc de retenir les chevaux alors que l’on passe dans des vallées aussi extraordinaires. Partout où se pose mon regard, c’est le complexe d’Obélix : « Il doit y avoir une belle vue, de là-haut ! ». Et c’est sans doute vrai.

Le Connemara, c’est assez désert dans son genre. Il n’y a pour ainsi dire pas de village ailleurs que sur le bord de mer (et encore, c’est discret). Du coup, sortis de la banlieue de Galway, nous avons une paix royale sur des dizaines de kilomètres : tout au plus quelques fermes qui sont présentes, deux ou trois chapelles situées sur le bord de la route, et une auberge ou deux qui accueillent ceux qui se sont aventurés trop tard le soir pour rentrer à l’heure. Tout parait plus grand ici… Sauf la signalisation, bien sûr. A force de rouler à bonne vitesse sur l’unique « grand axe » de la région, j’ai failli en oublier qu’il faudrait sortir pour rouler vers Roundstone, où nous avons réservé notre prochain B&B. Là par contre, on retrouve une route minuscule (merci quand même au GPS de nous avoir indiqué la sortie), et je manque deux fois en deux minutes de me payer un mouton sur le capot. Nous passons sur de petits ponts de pierre, traversons des cours d’eau que l’on devine poissonneux (rappelons qu’ici, c’est la patrie du saumon, hein).

Je m’énerve doucement derrière un imbécile qui doit être en train de somnoler au volant, et qui m’empêche de profiter de cet instant parfait ou la conduite s’allie au paysage pour en faire une immersion extraordinaire. Comment peut-il être possible d’ignorer l’appel de ces virages goudronnés, de ces petites bosses jouissives, de ces petites côtes subites qui obligent à rétrograder ? Bref, la journée à conduire finit par me fatiguer au point que je râle contre ce pauvre type qui n’avait sans doute d’autre but que d’arriver chez lui sans se stresser. Et puis d’un coup, nous arrivons sur le front de mer. On croit tout d’abord à un énième lac gigantesque, avant de comprendre que les vaguelettes qui se perdent sur l’horizon n’ont d’autre origine que l’Océan lui-même. Alors que nous arrivons vers notre petit village, nous longeons l’eau, et c’est une vision absolument sublime. Comme d’habitude. Et comme d’habitude, il ne manque qu’une chose pour la petite touche finale : des baleines. Nous scrutons, juste au cas où.

Après quelques virages le long de l’eau, nous arrivons en vue de Roundstone. Ah, Roundstone… Le coup de cœur, immédiat et intégral. Un petit patelin niché au bord de l’eau, abritant une crique et son minuscule port de pêche le long d’un grand fjord. Il n’y a rien ici sinon une poignée d’habitants qui se répartissent entre les pêcheurs, les trois-quatre commerçants et les quelques fermiers qui ont de grosses granges à flanc de colline. Et pourtant, la beauté du lieu attire : c’est tout sauf calme à l’heure où nous arrivons. Tout d’abord, nous croirons à une fête importante, trompés par les fanions étendus d’une façade blanche à l’autre au-dessus de la départementale. Mais il semble que ce soit juste le concert du soir qui rende le village très animé.

Comme vous l’avez sans doute imaginé, un tel village de charme n’est guère conçu pour abriter des centaines de places de parking. Il faudra donc se faufiler sans arrêt pour ranger le Quashqaï le long de la rue principale (je ferai quatre aller-retour pour voir si ce n’est pas payant, car je suis méfiant jusqu’au bout). Comme nous avons vite repéré notre B&B (c’est la seule et unique maison rose de la rue), nous prenons d’ores et déjà tous nos bagages avant de se tasser tous ensemble dans la salle du petit déjeuner qui jouxte l’entrée. Une petite dame sympathique nous sert un accueil digne du Messie (pas Lionel, l’autre). Elle nous attendait, se montre très prévenante, nous donne immédiatement les clefs, et se tient prête à répondre à toutes nos questions. 
D’ailleurs elle nous demande ce que l’on prendra au petit déjeuner, mais lorsqu’elle voit nos mines étonnées, repousse la question à plus tard. Tout juste si on a le temps de dire « café » pour les uns « thé » pour les autres qu’elle a déjà disparu dans le tout petit escalier au bout du couloir. A l’étage (ouch, pas facile de monter les valoches ici) nous héritons de deux magnifiques chambres jumelles, avec tout le confort nécessaire. Et la vue sur la mer (ainsi que sur la voiture, stratégiquement garée là dix minutes plus tard). C’est splendide de calme, de style kitch retenu (on sent bien qu’ils avaient envie de plus de fleurs sur les murs, mais se sont retenus au dernier moment : merci).

Je prendrai encore quelques minutes pour fermer les yeux et les reposer. Avec la conduite j’ai l’impression d’avoir passé trois jours sur la route et mon cerveau se remet tout juste de ne pas voir défiler des buissons sur les côtés. Nous sommes vraiment bien installés, c’est vraiment notre coup de cœur. Il fait beau, nous sommes au milieu du Connemara, et l’aventure continue ! Enfin, je ne suis pas tout à fait mécontent de profiter encore un peu de mon bouquin et d’une douche (oh le bonheur, ça valait presque l’après-randonnée). Une fois requinqués, nous décidons d’aller faire un tour de la ville et de nous dégourdir les jambes, qui sont encore un peu fatiguées avec le voyage. Mais vous connaissez le meilleur remède contre les courbatures ? Oui, madame au fond ?


La bière, c’est tout à fait ça. 

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