lundi 23 juin 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 26

Episode 26: Stone, le monde est Roundstone

Ce soir, on ne pourra pas dire que nous tournons dans la ville durant vingt minutes pour trouver un bar qui nous convienne. Non, cette fois c’est assez clair, il n’est que dix-huit heures alors nous voulons boire un coup avant d’avoir à se chercher quelque chose à manger. Surprise d’ailleurs en descendant la rue principale (astuce, c’est la seule qui traverse tout le village), il n’y a qu’un pub à l’horizon. Mais tout de même quelques restaurants qui se profilent le long de la rue, il y aura quand même un débat après l’apéritif. Donc nous voici au Shamrock (hohoho quelle originalité les gars), à l’intérieur pour ne pas souffrir du petit vent, car les filles n’ont pas pris leur pulls (en bons machos les mecs n’en ont pas besoin).

Lorsque l’on pousse la porte de ce pub un peu poussiéreux et à l’ancienne, on est surpris d’y retrouver toute l’âme du Connemara. Les bois apparents sont peints de noir et laqués, il y a beaucoup de tabourets pour peu de tables, et au fond trône une grande table de billard, une télévision et un jeu de fléchettes officiel. La vraie signature est au plafond, véritable mosaïque de drapeaux des comtés d’Irlande (et d’ailleurs, puisque l’Ecosse est là aussi, ils ne sont pas racistes). Il y fait un peu sombre aussi, dans ce pub, mais on est éclairé par les sourires des clients qui sont nombreux et parfois dans des conversations animées. Et nous, ou pouvons-nous nous greffer dans ce tableau ? Eh bien figurez-vous qu’il reste une place au coin, sur une table pas bien large mais qui nous offre la vue sur le petit port par la fenêtre aux verres épais projetant une image distordue. Et la décoration locale : une petite lampe marine, une maquette de voilier, une vieille lampe à huile, et de la corde (du bout’ comme ils disent).

Guinness, pour commencer. Voilà, la messe est dite. La religion d’abord, le cidre ensuite. Nous buvons avec avidité, non sans remarquer que le pub dispose aussi d’une petite carte de restauration pour le diner. La tenancière, lorsqu’elle ne se fait pas draguer sur son transat au soleil juste devant la porte du pub, passe régulièrement nous voir, et c’est fort sympathique. Nous jouons quelques parties de Skull and Roses, et parvenons à ébrécher un peu la domination sans partage de Marie (qui joue mieux quand les autres ont bu, c’est clair à présent). On se retient de prendre une seconde tournée une fois les fonds de verre en vue : nous voulons nous préserver un peu pour le repas à venir. Même si Michel nous expose sa théorie (qu’il n’a quand même pas pu inventer tout seul) des sept marques de mousse censées se retrouver lors d’une dégustation parfaite de la Guinness. Car oui cette dernière adhère au verre, et fait des traits plus au moins horizontaux. Mais soit nous l’avons raté au Musée, soit c’est un folklore que j’ignore : dans les deux cas, sur nos verres le compte n’y est pas, il faudra faire d’autres essais.

Le temps passe doucement, alors que nous revivons notre journée (les buissons s’estompent sur mon champ de vision pour laisser la place à un flou Guinness caractéristique). Mais finalement nous quittons nos places en or pour jouer notre va-tout et trouver rapidement un restaurant. On en a déjà repéré un, d’ailleurs. Problème lorsque nous sommes devant, la démotivation nous gagne. C’est un peu le genre à écrire « concassé de graines dans leur écrin naturel » pour décrire de la moutarde. Et puis le décor n’est pas très typique, il y a déjà l’équivalent d’un car de vieux qui occupe la place… Peut-être que tout simplement que le premier choix n’est jamais le bon, dans ce voyage, concernant la restauration. Mais alors que faire ? Continuer notre visite de Roundstone ? Nous descendons un peu vers le port, pour constater qu’il n’y a ni plus de restauration, ni plus d’envies. A peine esquissons-nous quelques photos, repérons une supérette pour nos paniers repas du lendemain…

Avant de revenir au Shamrock. Oui, oui, je sais, originalité quand tu nous tiens. Mais pourquoi chercher à faire compliqué lorsque nous avons la table parfaite ? La patronne nous voit revenir avec un petit sourire, et prend immédiatement nos commandes. De la Guinness, donc, et du cidre cette fois. Ah et puis oui, pour manger ! Eh bien nous explorons la petite carte et nous répartissons les plats. Michel dérogera à sa règle du tout hamburger pour prendre du poulet rôti, Julie et Marie feront le choix des calamars et moi, je prendrai le saumon (pour ne rien faire comme tout le monde). La serveuse nous vante ses scampis, mais ce sera pour le lendemain… Car oui c’est décidé, on reviendra s’asseoir précisément là demain. Toute la vie, si l’on pouvait. Roundstone, c’est le coup de cœur, le Shamrock étant l’âme du village…

A table, ça écluse sec. Après un aussi long voyage en voiture, et un soleil généreux tout au long de la journée, la bière et le cidre nous montent doucement à la tête. Comme l’on peut se sentir bien alors, à partager ces moments avec nos amis ! A jouer, et voir le regard des autochtones se perdre dans nos cartes qui ne se ressemblent pas, et qui leur paraissent mystérieuses. Lorsqu’on nous ramène des assiettes (nous hésitons sur la prochaine tournée), c’est l’heure de constater que dans la plus pure tradition des pubs irlandais, la cuisine est au gras intégral. On a les pommes de terre qui baignent, imprégnées d’huile au point de rester brulantes une bonne demi-heure. Je ne savais pas personnellement qu’on pouvait imaginer de rajouter du gras pour cuire le saumon (mais sans doute les ais-je encore sous-estimés…). Bref ici c’est relativement proche de la motte de beurre chaude. Mais ça n’enlève rien au goût, n’allez pas croire. Une fois le ventre plein, nous discutons un peu du programme de demain, qui reste une journée assez spéciale.

En effet, lors de la préparation du voyage, un consensus s’était fait pour réserver quelques journées sans programme. Demain est l’une d’elles, mais en l’absence d’office du tourisme (il y a déjà une supérette, c’est cool) on ne sait pas trop quoi faire ni où aller. Nous demanderons donc demain au B&B, ils auront sans doute de quoi nous conseiller. Lorsque nous estimons qu’il est l’heure (huit heures vingt, si je me souviens bien), nous nous levons pour aller écouter le grand concert de Live Music celtique prévu ce soir à la salle des fêtes de Roundstone. Il n’y a pas loin à marcher, et au son qui nous parvient, c’est déjà démarré (et ça les gars, c’est pas glop). Seconde surprise lorsque nous arrivons en face de la salle des fêtes/de sport/de mariage/gymnase/Zénith du village, l’entrée est payante. Et pas une broutille hein, c’est quelque chose comme huit euros par tête. Pour de la musique irlandaise. Ouais. Bon, nous faisons le tour de la salle (je ne sais pas, l’espoir de trouver une entrée dérobée peut-être) et entendons deux ou trois morceaux entrainants et de bonne facture, mais cela dépasse-t-il de si loin ceux que l’on entend dans les pubs ?

Nous décidons que non, et partons du coup pour une petite balade digestive, alors que le soleil vient de se coucher sur la mer. Quelques nuages moutonnent au-dessus du bras de mer qui se prolonge devant le village. Nous poussons jusqu’à la pointe de Roundstone, un quartier un peu isolé avec une tour clocher et plusieurs maisons autour… A priori ce doit être un camp de vacances. Sauf que nous sommes en aout, et que sauf invasion de zombies dont je n’aurais pas entendu parler, l’endroit est désert. Comme Michel et moi avons un sérieux coup dans le nez, nous faisons un peu le tour en balançant les jeux de mots les plus « dignes-d’une-vanne-carambar » mais personne ne semble nous donner de l’écho. Alors, comme avec la luminosité qui baisse, l’endroit devient relativement effrayant, nous revenons en centre ville (à 100 mètres de là, si vous avez bien suivi). Nous poussons cette fois de l’autre côté de la route principale, pour tomber sur la chapelle de Roundstone. Bel édifice en pierre grise avec un clocher carré et de jolies flèches, il est posé dans un superbe parc gravillonné, au sein duquel on trouve quelques tombes de personnages illustres pour le petit village. C’est très vert, très calme, il y a une vraie ambiance spirituelle… Pas le lieu pour un concours de rots, n’est-ce pas les amis… Bref, un chat assez sauvage vient nous faire une petite visite, et captive l’attention des filles. Suffisamment pour que moi et Michel nous éclipsions « discrètement » pour tenter de les prendre en traître dans le dos et faire peur à nos femmes.

La tentative va rater, la faute à ces fichus gravillons et au chat, bien plus alerte que les deux alsaciennes qui sinon (nous n’en démordons pas) auraient sursauté comme jamais. Comme nous ne trouvons finalement pas d’activité spécifique alors que la nuit tombe dans ce jardin, nous décidons de passer de l’épiscopal à l’épique scopa. 
Et pour cela, rien de mieux que… Oui, vous aurez deviné. La troisième tournée, destination notre table favorite dans notre bar favori. Cette fois lorsqu’elle nous voit, la patronne rigole carrément, mais nous accueille toujours avec un grand sourire. Nous remarquons que demain, c’est live music… comme quoi s’il nous manquait d’un prétexte pour venir nous asseoir toute la soirée, il est bien trouvé. Pour cette nuit par contre, nous ne ferons pas durer au-delà du raisonnable : les filles nous écrasent une nouvelle fois au jeu de cartes italien. Force est donc de constater que ce n’était pas Killarney. Nous ne parvenons pas à briser leur dynamique et je deviens bougon, râlant contre les tirages (il est vrai ridiculement peu avantageux pour nous). Lorsque je commence à m’en prendre à Michel à mots couverts (ou pas), nous savons tous les quatre qu’il est temps de passer une bonne nuit de sommeil pour remettre les compteurs à zéro.


Finalement par contre, une fois au B&B, nous ne sommes pas tous dans l’ambiance pour aller se coucher. Je m’engage dans une partie de lecture, tandis que nos amis de la chambre d’à côté vont tenter d’aller photographier les étoiles avec le trépied et le réflex configuré en longue exposition. Dommage pour eux, il y aura suffisamment de nuages et de lumière portée pour annuler les effets de la mer et de cette nature à portée de main. Nouvelle chance demain ? 

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