Ce soir, on ne pourra pas dire
que nous tournons dans la ville durant vingt minutes pour trouver un bar qui
nous convienne. Non, cette fois c’est assez clair, il n’est que dix-huit heures
alors nous voulons boire un coup avant d’avoir à se chercher quelque chose à
manger. Surprise d’ailleurs en descendant la rue principale (astuce, c’est la
seule qui traverse tout le village), il n’y a qu’un pub à l’horizon. Mais tout
de même quelques restaurants qui se profilent le long de la rue, il y aura
quand même un débat après l’apéritif. Donc nous voici au Shamrock (hohoho
quelle originalité les gars), à l’intérieur pour ne pas souffrir du petit vent,
car les filles n’ont pas pris leur pulls (en bons machos les mecs n’en ont pas
besoin).
Lorsque l’on pousse la porte
de ce pub un peu poussiéreux et à l’ancienne, on est surpris d’y retrouver
toute l’âme du Connemara. Les bois apparents sont peints de noir et laqués, il
y a beaucoup de tabourets pour peu de tables, et au fond trône une grande table
de billard, une télévision et un jeu de fléchettes officiel. La vraie signature
est au plafond, véritable mosaïque de drapeaux des comtés d’Irlande (et
d’ailleurs, puisque l’Ecosse est là aussi, ils ne sont pas racistes). Il y fait
un peu sombre aussi, dans ce pub, mais on est éclairé par les sourires des
clients qui sont nombreux et parfois dans des conversations animées. Et nous,
ou pouvons-nous nous greffer dans ce tableau ? Eh bien figurez-vous qu’il
reste une place au coin, sur une table pas bien large mais qui nous offre la
vue sur le petit port par la fenêtre aux verres épais projetant une image
distordue. Et la décoration locale : une petite lampe marine, une maquette
de voilier, une vieille lampe à huile, et de la corde (du bout’ comme ils
disent).
Guinness, pour commencer.
Voilà, la messe est dite. La religion d’abord, le cidre ensuite. Nous buvons
avec avidité, non sans remarquer que le pub dispose aussi d’une petite carte de
restauration pour le diner. La tenancière, lorsqu’elle ne se fait pas draguer
sur son transat au soleil juste devant la porte du pub, passe régulièrement
nous voir, et c’est fort sympathique. Nous jouons quelques parties de Skull and
Roses, et parvenons à ébrécher un peu la domination sans partage de Marie (qui
joue mieux quand les autres ont bu, c’est clair à présent). On se retient de
prendre une seconde tournée une fois les fonds de verre en vue : nous
voulons nous préserver un peu pour le repas à venir. Même si Michel nous expose
sa théorie (qu’il n’a quand même pas pu inventer tout seul) des sept marques de
mousse censées se retrouver lors d’une dégustation parfaite de la Guinness. Car
oui cette dernière adhère au verre, et fait des traits plus au moins
horizontaux. Mais soit nous l’avons raté au Musée, soit c’est un folklore que
j’ignore : dans les deux cas, sur nos verres le compte n’y est pas, il
faudra faire d’autres essais.
Le temps passe doucement,
alors que nous revivons notre journée (les buissons s’estompent sur mon champ
de vision pour laisser la place à un flou Guinness caractéristique). Mais
finalement nous quittons nos places en or pour jouer notre va-tout et trouver
rapidement un restaurant. On en a déjà repéré un, d’ailleurs. Problème lorsque
nous sommes devant, la démotivation nous gagne. C’est un peu le genre à écrire
« concassé de graines dans leur écrin naturel » pour décrire de la
moutarde. Et puis le décor n’est pas très typique, il y a déjà l’équivalent
d’un car de vieux qui occupe la place… Peut-être que tout simplement que le
premier choix n’est jamais le bon, dans ce voyage, concernant la restauration.
Mais alors que faire ? Continuer notre visite de Roundstone ? Nous
descendons un peu vers le port, pour constater qu’il n’y a ni plus de
restauration, ni plus d’envies. A peine esquissons-nous quelques photos,
repérons une supérette pour nos paniers repas du lendemain…
Avant de revenir au Shamrock.
Oui, oui, je sais, originalité quand tu nous tiens. Mais pourquoi chercher à
faire compliqué lorsque nous avons la table parfaite ? La patronne nous
voit revenir avec un petit sourire, et prend immédiatement nos commandes. De la
Guinness, donc, et du cidre cette fois. Ah et puis oui, pour manger ! Eh
bien nous explorons la petite carte et nous répartissons les plats. Michel
dérogera à sa règle du tout hamburger pour prendre du poulet rôti, Julie et
Marie feront le choix des calamars et moi, je prendrai le saumon (pour ne rien
faire comme tout le monde). La serveuse nous vante ses scampis, mais ce sera
pour le lendemain… Car oui c’est décidé, on reviendra s’asseoir précisément là
demain. Toute la vie, si l’on pouvait. Roundstone, c’est le coup de cœur, le
Shamrock étant l’âme du village…
A table, ça écluse sec. Après
un aussi long voyage en voiture, et un soleil généreux tout au long de la
journée, la bière et le cidre nous montent doucement à la tête. Comme l’on peut
se sentir bien alors, à partager ces moments avec nos amis ! A jouer, et
voir le regard des autochtones se perdre dans nos cartes qui ne se ressemblent
pas, et qui leur paraissent mystérieuses. Lorsqu’on nous ramène des assiettes
(nous hésitons sur la prochaine tournée), c’est l’heure de constater que dans
la plus pure tradition des pubs irlandais, la cuisine est au gras intégral. On
a les pommes de terre qui baignent, imprégnées d’huile au point de rester
brulantes une bonne demi-heure. Je ne savais pas personnellement qu’on pouvait
imaginer de rajouter du gras pour cuire le saumon (mais sans doute les ais-je
encore sous-estimés…). Bref ici c’est relativement proche de la motte de beurre
chaude. Mais ça n’enlève rien au goût, n’allez pas croire. Une fois le ventre
plein, nous discutons un peu du programme de demain, qui reste une journée
assez spéciale.
En effet, lors de la
préparation du voyage, un consensus s’était fait pour réserver quelques
journées sans programme. Demain est l’une d’elles, mais en l’absence d’office
du tourisme (il y a déjà une supérette, c’est cool) on ne sait pas trop quoi
faire ni où aller. Nous demanderons donc demain au B&B, ils auront sans
doute de quoi nous conseiller. Lorsque nous estimons qu’il est l’heure (huit
heures vingt, si je me souviens bien), nous nous levons pour aller écouter le
grand concert de Live Music celtique prévu ce soir à la salle des fêtes de
Roundstone. Il n’y a pas loin à marcher, et au son qui nous parvient, c’est
déjà démarré (et ça les gars, c’est pas glop). Seconde surprise lorsque nous
arrivons en face de la salle des fêtes/de sport/de mariage/gymnase/Zénith du
village, l’entrée est payante. Et pas une broutille hein, c’est quelque chose
comme huit euros par tête. Pour de la musique irlandaise. Ouais. Bon, nous
faisons le tour de la salle (je ne sais pas, l’espoir de trouver une entrée
dérobée peut-être) et entendons deux ou trois morceaux entrainants et de bonne
facture, mais cela dépasse-t-il de si loin ceux que l’on entend dans les pubs ?
Nous décidons que non, et
partons du coup pour une petite balade digestive, alors que le soleil vient de
se coucher sur la mer. Quelques nuages moutonnent au-dessus du bras de mer qui
se prolonge devant le village. Nous poussons jusqu’à la pointe de Roundstone,
un quartier un peu isolé avec une tour clocher et plusieurs maisons autour… A
priori ce doit être un camp de vacances. Sauf que nous sommes en aout, et que
sauf invasion de zombies dont je n’aurais pas entendu parler, l’endroit est
désert. Comme Michel et moi avons un sérieux coup dans le nez, nous faisons un
peu le tour en balançant les jeux de mots les plus « dignes-d’une-vanne-carambar »
mais personne ne semble nous donner de l’écho. Alors, comme avec la luminosité
qui baisse, l’endroit devient relativement effrayant, nous revenons en centre
ville (à 100 mètres de là, si vous avez bien suivi). Nous poussons cette fois
de l’autre côté de la route principale, pour tomber sur la chapelle de
Roundstone. Bel édifice en pierre grise avec un clocher carré et de jolies
flèches, il est posé dans un superbe parc gravillonné, au sein duquel on trouve
quelques tombes de personnages illustres pour le petit village. C’est très vert,
très calme, il y a une vraie ambiance spirituelle… Pas le lieu pour un concours
de rots, n’est-ce pas les amis… Bref, un chat assez sauvage vient nous faire
une petite visite, et captive l’attention des filles. Suffisamment pour que moi
et Michel nous éclipsions « discrètement » pour tenter de les prendre
en traître dans le dos et faire peur à nos femmes.
La tentative va rater, la
faute à ces fichus gravillons et au chat, bien plus alerte que les deux
alsaciennes qui sinon (nous n’en démordons pas) auraient sursauté comme jamais.
Comme nous ne trouvons finalement pas d’activité spécifique alors que la nuit
tombe dans ce jardin, nous décidons de passer de l’épiscopal à l’épique scopa.
Et pour cela, rien de mieux que… Oui, vous aurez deviné. La troisième tournée,
destination notre table favorite dans notre bar favori. Cette fois lorsqu’elle
nous voit, la patronne rigole carrément, mais nous accueille toujours avec un
grand sourire. Nous remarquons que demain, c’est live music… comme quoi s’il
nous manquait d’un prétexte pour venir nous asseoir toute la soirée, il est
bien trouvé. Pour cette nuit par contre, nous ne ferons pas durer au-delà du
raisonnable : les filles nous écrasent une nouvelle fois au jeu de cartes
italien. Force est donc de constater que ce n’était pas Killarney. Nous ne
parvenons pas à briser leur dynamique et je deviens bougon, râlant contre les
tirages (il est vrai ridiculement peu avantageux pour nous). Lorsque je
commence à m’en prendre à Michel à mots couverts (ou pas), nous savons tous les
quatre qu’il est temps de passer une bonne nuit de sommeil pour remettre les
compteurs à zéro.
Finalement par contre, une
fois au B&B, nous ne sommes pas tous dans l’ambiance pour aller se coucher.
Je m’engage dans une partie de lecture, tandis que nos amis de la chambre d’à
côté vont tenter d’aller photographier les étoiles avec le trépied et le réflex
configuré en longue exposition. Dommage pour eux, il y aura suffisamment de nuages
et de lumière portée pour annuler les effets de la mer et de cette nature à
portée de main. Nouvelle chance demain ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire