samedi 5 avril 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 6

6. Oh, des souvenirs!

En suivant le boulevard de l’université, nous arrivons aux abords de Temple Bar, quartier emblématique de Dublin, contenant la plus grande partie des alcooliques et des touristes de la ville dès la nuit tombée. On l’aura compris, nous reviendrons le soir venu, car pour l’instant les pubs, fussent-ils à quatre étages (Julie nous en parle depuis un certain temps) ne sont pas beaucoup animés le dimanche un peu après 16 heures. Nous traversons donc le pont sur le fleuve (dont je n’ai pas retenu le nom), imposant et au fort débit (le fleuve, pas le pont, essayez de suivre deux minutes). Pourtant, nous n’avons d’yeux que sur la berge d’en face. Déjà parce que sur les voies suivant le cours d’eau, les façades sont colorées au possible, et que le soleil venu profiter d’une trouée les éclaire avec une belle lumière. Ensuite parce que là-bas, en suivant cette grande avenue, se dresse The Spire.

Pour fêter l’an 2000, l’Irlande s’est dotée de la plus haute sculpture d’Europe (continentale comprise, n’est-ce pas messieurs les concepteurs de GPS). Cent vingt mètres d’aluminium, en forme d’une seule pointe d’aiguille pointée vers le ciel, et très légèrement inclinée. C’est monumental, même si à regarder la pointe, il y a une notion de légèreté impressionnante : on se demande comment une si petite structure peut monter aussi haut. Naturellement passé le pont, on a l’impression d’être juste à côté et puis en fait pas du tout…

En s’en rapprochant, nous enlevons nos coupe-vent, il fait beau à nouveau. Nous avons vite compris que dans ce pays, il faudrait qu’on soit rodé au geste de pliage-dépliage : dans certaines régions, c’est une question de minutes entre un soleil qui tape dur et une pluie venteuse et froide. Après avoir admiré les briques d’époque et les gravures de bronze qui décorent l’ancienne poste, nous nous approchons de la fameuse sculpture. 
The Spire, c’est vite ennuyeux d’un point de vue photographique. De loin, c’est sur un boulevard touristique, il y a donc systématiquement un bus (voire un bus à impériale) capable de vous gâcher le cliché… Et puis de près bien sûr, même en grand angle pas moyen de rentrer la flèche toute entière dans le cadre. Il nous faudra bien quelques minutes pour trouver la bonne approche, et quelques autres pour profiter du feu vert et aller jusqu’au pied de la structure. Et vous savez quoi ? Ce n’est pas vraiment au pied que l’on peut le mieux profiter de cette sculpture du millénium : d’en bas, cela ressemble juste à un cylindre d’aluminium poli de trois mètres de diamètre. Il faut vraiment se décrocher le cou alors pour en apprécier la hauteur.

L’avenue en question, qui fait deux fois deux voies avec The Spire au centre sur un terre-plein qui se prolonge sur des kilomètres, n’est autre que les Champs Elysées locaux. Les boutiques de luxe se battent le mètre de pavé sous de hautes façades de la fin du 19ième siècle. Ce n’est pas vraiment Haussmannien, mais presque… Nous remontons la route sur quelques centaines de mètres, profitant de l’animation de Dublin un dimanche après-midi. Il y a beaucoup de monde sur les trottoirs, dans les bus cabriolets et bariolés dans lesquels s’entassent les touristes au premiers rayons de soleil, mais aussi dans les boutiques. De vêtements, de chaussures, dans les Mc Donald (après tout, s’il y a Mac devant, c’est que c’est Irlandais, non ?), et dans les magasins de souvenirs. Enseignes que d’ailleurs nous nous efforçons de snober : ce n’est pas vraiment notre genre de ramener la parfaite panoplie de l’objet kitch, qu’il s’agisse d’une boule à neige, d’une cuillère avec des armoiries ou d’un porte-clés avec notre nom dessus.

Oui, enfin, quand même. On voit bien qu’il s’agit d’une chaîne de magasins de souvenirs, qu’ils sont très organisés, méthodiques. Et par malheur, nous nous apercevons également qu’eux sont malins lorsqu’il s’agit de marketing. Qu’ils ont réalisé que les porte-clés, ça ne nous intéressait pas… Mais qu’une pinte estampillée Guinness, oui. Et ça, ça change tout. Revenus presque à hauteur de The Spire, nous craquons d’une envie commune et entrons donc dans ce que nous pensons être le pire des attrape touristes. Flute alors, on se laisse complètement submerger par l’émotion.

Comprenant que le visiteur est un alcoolique en puissance, tout est fait ici pour le mettre dans les meilleures dispositions. Guinness, qui est LA marque emblématique de la ville (que dis-je, de toute l’Ile !) a bien joué son coup. Des tasses, des pintes, des pulls, des polos, des chemises, des bérets, des cannes de marche, tout est disponible à l’effigie de la bière sombre. C’est un festival de la marque, déclinée en plus dans des sous-produits : du chocolat, du thé, des biscuits, des préservatifs… Et si cela ne suffisait pas, il y en a aussi avec Irish Whiskey dessus. Plusieurs allées (oui en fait, si la devanture fait croire à une boutique de 25m², derrière ça fait la longueur d’un terrain de football) sont consacrées aux habits, et là encore un soin tout particulier est à noter dans l’offre. Nous sommes irrémédiablement attirés. Et ce ne sont pas juste les motifs, c’est assez bien taillé, la qualité est là.

Je crois qu’à ce stade il faut remercier nos femmes. Elles, qui ont gardé les yeux grand ouverts alors que Michel et moi, portés par une envolée lyrique, étions prêts à acheter une panoplie complète, bérets en tweed, gilet Guinness doublé en mouton véritable et caleçons « I’ll show you Ireland »… Au contraire, elles sauront nous canaliser vers des objets tout aussi mythiques que nous n’aurons pas honte de porter et montrer lorsque nous serons revenus (et puis il faut penser à nos valises qui sont déjà presque pleines sans compter le futur whisky). Je repartirais avec un polo, Michel un T-shirt, Marie un sac « mouton » et Julie avec le second Mug Guinness, afin que nous puissions passer nos petits déjeuners à penser à la bière épaisse et noire juste après nos tartines. Mmmh….

Lorsque nous sortons enfin, nous sommes pris de remords. Ca ne fait que quelques heures que nous déambulons sur place, et nous avons déjà acheté tous nos souvenirs ? On serait pas un peu débiles des fois (c’est pas le débat, mais il est toujours utile de se poser la question de temps en temps) ? Bon voilà, on se promet que ça ne se reproduira pas, que nous devons rester vigilants, rester en groupe… Et puis, à compter du lendemain, nous serons dans le reste du pays, hein ! Si ça se trouve, ils ne sont même pas civilisés là-bas, à se chauffer au coin du feu avec des briques de tourbe et pêcher le saumon toute la journée avant d’aller au pub. On aura sans doute pas l’occasion d’en acheter ailleurs, des souvenirs, donc on a bien fait d’en profiter (débiles, peut-être pas, mais naïfs je crois qu’on peut signer).

Nous quittons la grande avenue pour nous engager dans une perpendiculaire tout aussi commerçante, mais avec des enseignes qui tirent moins dans le luxe. Tout de suite, on sent les échoppes plus populaires. Deux cent mètres plus loin, on est carrément hors de vue des touristes à la ronde. Nous passons d’ailleurs sous un pont à quatre voies, qui abrite de l’autre côté de l’asphalte, des pubs loin d’être décorés, à l’allure louche et aux vitres fumées : changement d’ambiance à l’horizon ! Tous les quatre, nous hésitons sur la route à suivre… Mais nous avons encore des jambes, la femme enceinte n’est pas fatiguée, aussi nous descendons le long du fleuve sur plusieurs centaines de mètres. A présent, nous sommes dans un quartier qui assume une modernité architecturale liée à l’essor économique de l’Irlande d’avant la crise : de belles tours de verre, de grands hangars sur les quais transformés en lofts et en bureaux d’architectes en tout-ouvert…

L’alternance de l’ancien avec les poutres aux rivets apparents, et du neuf avec les briques et le verre fumé donnent un style très agréable à regarder. Le quartier doit pulluler de travailleurs en semaine, même s’il est désert (on est dimanche). Au loin se dresse le Convention Center, ou Julie a déjà présenté ses travaux, sorte de cylindre en plan incliné vers le fleuve, à la façade transparente posée sur des fondations de pierre blanche. Mais nous n’irons pas jusque là-bas, malgré la présence d’une frégate d’époque, avec ses trois mats faisant contraste sur la modernité alentours. A la place, nous traversons un pont piétonnier moderne, à l’image technologique du quartier que nous quittons.

C’est l’occasion pour faire des panoramas, faire quelques clichés à quatre entre deux petites averses, mais aussi de regarder le plan pour convenir de la suite. A l’unanimité, nous en avons pas mal dans les jambes pour un premier jour (il ne faut pas oublier que même si nous avons dormi sur le chemin, on a quand même fait 2000 bornes), et il faut en garder pour quelques incontournables que nous voulons encore visiter. On décide du coup d’aller flâner quelques temps dans le quartier de l’université, et pourquoi pas de boire un coup. C’est l’occasion, lors de la suite de cette balade, de passer dans des zones d’habitations différentes du reste du centre. Des maisons basses, en brique rouge façon Angleterre, chacune avec son petit jardinet. On s’y verrait plutôt bien, d’autant que le reste de la ville est tout spécialement accueillant.

Il y a aussi notre enseigne préférée de la ville. Pour couper vers une artère commerçante, nous prenons par un axe à priori peu touristique. Un grand hôtel y a élu résidence, mais ce n’est pas ce dernier qui va attirer nos attentions, ni nos esprits pervers. Au contraire, c’est bel et bien le magasin « Multi-Bite », notre propre icone du quartier qui se dresse fièrement sur le boulevard. C’est fermé comme nous sommes un dimanche, aussi nous ne saurons jamais ce qu’ils vendent chez "Multi Bite".


Mais bizarrement, nous avons une petite idée. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire