lundi 7 avril 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 7

7. Et Un, et Deux, et Trois - Zéro!

Nous arrivons à nouveau dans une partie beaucoup plus fréquentée du centre-ville de Dublin, et remontons même une rue piétonne pavée, dont les enseignes colorées sont destinées autant aux promeneurs locaux qu’aux étrangers. Il y a beaucoup de monde ici, des familles avec des poussettes, des bandes de jeunes et plusieurs groupes de musique qui profitent de l’accalmie pour brancher leurs enceintes et jouer sur la rue. On retrouve tout d’abord les inimitables péruviens, qui sont pour ainsi dire dans toutes les rues du monde, mais qui ici font un peu… Déplacés, clairement (el condor pasaaaa). Viennent ensuite des adolescents qui grattouillent leurs instruments, mais ce n’est pas convainquant. 
Il faudra faire une petite centaine de mètres de plus pour avoir un réel attroupement devant un bar. Là, c’est quand même plus structuré, avec guitare, basse et batterie, tout ce qu’il faut pour un vrai morceau de rock à la sauce irlandaise. Nous resterons un peu le temps de prendre l’ambiance et de se sentir bien, dans cette rue aux pavés recouverts de monde, dans un pays qui nous en donne autant pour nos yeux que pour nos oreilles. 

Arrivés au bout de la zone piétonne, nous avons le choix d’entrer dans un parc très, très vert, ou bien de prendre une parallèle pour retourner vers notre appartement, mais aussi vers le Musée Guinness. C’est cette dernière solution que l’on choisit, mais au final nous ne ferons pas cent mètres. Car il aura suffi d’un cinq cent quatre-vingt quinzième pub pour nous faire repenser au fait que non, nous n’avons toujours rien consommé. S’engage alors comme une étrange sélection. On s’assoit à la première terrasse qui vient, et on commence à se détendre les jambes en discutant… Mais pour le coup personne ne viendra, alors que nous n’avons pas toute l’après-midi devant nous. On se dit que le suivant sera le bon, mais c’est trop sombre. Celui d’après est si petit qu’excepté le comptoir, il n’y a pas vraiment de place… Est-ce que l’on va finir par trouver chaussure à notre pied, ou bien est-ce qu’on est trop exigeants ?

Nous entrons dans un bar, sans très honnêtement remarquer  le bandereau « Live Sports » présent au rez-de-chaussée, et descendons immédiatement dans ce qui nous semble être un bien agréable caveau. Il y a du monde, assurément : cent cinquante clients au bas mot, qui assis ou debout accoudés au gigantesque comptoir central, regardent un match de foot sur l’un des neuf ou dix écrans répartis dans la pièce. Ces derniers sont tous de taille respectable, mais n’égalent pas le projecteur qui envoie sur le mur de la scène au fond, l’image du match sur une surface qui fait facilement trois mètres sur deux. C’est à côté que nous trouverons de la place, quatre tabourets hauts et une table à hauteur d’homme.

Enfin ! C’est un plaisir de souffler après tous ces évènements. Marie et Julie se dévouent pour nous chercher des rafraichissements à tous les quatre. Michel et moi attendons patiemment leur retour, l’eau à la bouche. Et finalement, la toute première brune que nous prendrons durant ce périple ne sera pas une Guinness, mais bien une Kilkenny. Un néophyte vous dirait que ça ne change pas grand-chose, mais en Irlande, il se ferait mettre en garde à vue sans avocat. La Kilkenny est plus légère, moins sirupeuse, elle sent plus l’orge que la Guinness. Comme nous avons marché une partie appréciable de l’après-midi, nous avons du mal à ne pas transformer notre première pinte en concours à boire : l’Irlande, c’est aussi le pays de la soif !

Passé le premier moment d’excitation, nous nous intéressons quand même bien à ce qui nous entoure. Déjà, le niveau sonore est assez élevé parce que clairement, la plupart des clients du jour sont des supporters, et que le match doit être à hauteur de leurs attentes. Je regarde d’un œil distrait, jusqu’à ce que mes yeux voient des signaux un peu bizarres dans ce qui passe à l’écran. Et effectivement, à mieux y regarder, ce que je prenais pour du football… Ce n’est pas ça du tout. Mais à ma décharge, ça ne ressemble à rien de connu. Les mecs jouent au pied, puis après quelques dribles prennent le ballon à la main, et le passent comme au rugby. Ensuite, ils essaient de passer le gardien, et soient visent le but, soit marquent un drop : Etrange mix des deux cultures, qui va commencer à nous fasciner. Ce ne sont pas en effet les seules différences. Il y a deux scores pour chaque équipe, et les points n’évoluent pas linéairement… Quant aux règles, pour nous c’est un peu l’anarchie : aux passes en avant du rugby viennent se compléter des placements, un certain nombre de foulées balle au pied… Après un coup d’œil circulaire, la certitude se fait : pour eux, c’est une situation normale !

C’est plaisant à regarder, par contre : le public du bar nous met dans l’ambiance. Il semble qu’ils soient pour l’équipe gagnante alors dès qu’un de leurs attaquants/demi de mêlée passe la moitié de terrain, c’est l’effervescence. N’y tenant plus, je vais interroger nos voisins de table et leur demander comment interpréter cette anarchie sportive, si tant est qu’il y ait une logique. Ce n’est qu’alors que nous allons être initiés au Gaelic Football (Chaotic Football devait être réservé). Les drops sont comptabilisés pour un point sur un score à part, et les buts pour trois points sur leur propre tableau. Il y a des règles de hors-jeu, et, euh, j’avoue que l’Irlandais que j’ai interrogé était très sympathique, qu’il a tenté de m’enseigner une bonne partie des ficelles pour comprendre le Gaelic Football… 
Mais qu’avec le brouhaha ambiant, son accent, et le fait que la moitié des termes  techniques m’étaient inconnus, je n’ai retenu que l’essentiel : c’est un match de ligue majeure, qui oppose les comtés de Donegal et de Dublin. Inutile de préciser aussi que ce n’est joué qu’en Irlande, je ne vois pas les commentateurs du monde entier essayer de comprendre ce genre de règles, il faut être ici pour les assimiler (et si possible avec plusieurs pintes). Ca a l’air physique tout du moins, lorsqu’on voit la carrure des joueurs, équilibrée entre le joueur de foot élancé et racé et le rugbyman massif taillé pour la charge en puissance. Les échanges sur le terrain, sont d’ailleurs… Virils.  

Nous finissons par partir alors que le match n’est pas terminé (encore, si on avait su combien il y avait de mi-temps…), mais c’est pour la bonne cause : l’heure tourne, et si nous ne voulons pas visiter le Musée Guinness en courant, il faut partir. Confiant dans ma lecture de la carte touristique, je trouve un raccourci (et il nous fait vraiment gagner du temps, j’en suis surpris moi-même), qui nous fait passer d’ailleurs devant un marché couvert absolument superbe, tout en briques oranges, et donc le toit vitré strié de poutres métalliques laisse passer la lumière jusqu’aux étals colorés.

Puisque nous passons devant notre appartement quoi qu’il arrive, autant déposer quelques affaires pour aller au musée avec le strict nécessaire. On ne s’embêtera donc pas d’un sac à dos, même si avec Julie, la décision ne fait pas consensus (je n’aime pas laisser des affaires de valeur dans une chambre d’hôtel).

Toutefois, nous arrivons à rester efficaces : aucun d’entre nous n’ira se perdre sur le fauteuil-dont-on-ne-se-relève-pas, ni d’ailleurs sur le trône-dont-la-chasse-ne-se-termine-jamais.  Un miracle de logistique, nous connaissant ! Pour changer (et ça restera récurent pour tout le voyage), nous irons à pied : encore une belle occasion de prendre la mesure de la capitale, la vraie, par ses artères plus populaires que le centre-ville taille pour la fête. Ici, c’est le royaume des petites boutiques, des quincailleries et des supérettes (on ne compte plus les Spar). Une église monumentale érigée toute en briques jaunes de l’époque industrielle nous fait de l’œil, mais c’est une religion de malt et de houblon qui nous attend un peu plus loin, alors désolé Jésus, mais nous avons nos priorités…

Enfin, nous entrons dans ce qu’il convient d’appeler les contreforts de l’usine. Tous les bâtiments alentours crient la révolution industrielle et le début du vingtième siècle. C’est rouge, carré, renforcé d’acier apparent aux gros rivets, et ça n’a pas peur de s’élever haut vers le ciel. Les rues sont pavées une fois encore, mais c’est un quartier ancien, avec une chaussée bombée en son centre, qui ferait croire, à un détour, qu’un attelage va passer avec son cocher… Parce que c’est le cas, en fait. On n’est pas les seuls à y voir une tribune historique, et des calèches sont disponibles pour amener les touristes jusqu’à l’entrée du Musée Guinness, laquelle se trouve loin dans ce dédale de grands pans d’usine reliés par des conduites sous pression, des tours de récupération de gaz… Heureusement c’est bien fléché, par des panneaux qui occupent parfois toute une façade.


Et soudain nous y sommes, à l’entrée de ce temple, de ce refuge, de cette cathédrale de la bière brune. Chacun d’entre nous avait ses attentes sur ce lieu mythique de la production d’une des bières les plus connues au monde. Nous voulions être surpris, gâtés, goûter, sentir, flâner, comprendre. Ce que nous ne savions pas encore, c’est que tous ces espoirs allaient être comblés, et plutôt cent fois qu’une…

1 commentaire:

  1. On se retrouve très bien dans l'ambiance! Je pense que chacun arrive très bien à imaginer l'ambiance de Dublin, ainsi que les différences entre les quartiers traversés. N'empêche que la séquence de Gaellic Football, c'était quelque chose ;-)

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