Episode 17: Mise en forme
En se réveillant ce matin, on ne peut s’empêcher d’être de bonne humeur, et dans une forme olympique. Déjà, parce que suite à la pluie d’hier soir, il fait un beau temps qui semble idéal pour la randonnée. Le Bed and Breakfast dans lequel nous sommes installés est silencieux, bien tenu et les chambres sont excellentes : nous avons tous les quatre profité d’une bonne nuit de sommeil. Et comme nous sommes en voyage, inutile de faire une grasse matinée : à huit heures pétantes (oui, sans doute les frites d’hier soir qui passent mal) nous nous retrouvons à la table du petit déjeuner.
En se réveillant ce matin, on ne peut s’empêcher d’être de bonne humeur, et dans une forme olympique. Déjà, parce que suite à la pluie d’hier soir, il fait un beau temps qui semble idéal pour la randonnée. Le Bed and Breakfast dans lequel nous sommes installés est silencieux, bien tenu et les chambres sont excellentes : nous avons tous les quatre profité d’une bonne nuit de sommeil. Et comme nous sommes en voyage, inutile de faire une grasse matinée : à huit heures pétantes (oui, sans doute les frites d’hier soir qui passent mal) nous nous retrouvons à la table du petit déjeuner.
On a beau être les premiers, la sympathique tenancière nous
installe et nous propose ni plus ni moins qu’un menu (nous ne sommes pas
habitués à commander à la carte dès le matin, mais pourquoi pas). On y retrouve
tout ce que l’on peut souhaiter : muesli, l’œuf sous toutes ses formes,
des toasts, de la purée de haricots blancs… Le tout en plus de la pléthorique
pile d’en-cas qui sont proposés en buffet : jus de fruits, confitures,
boules de pain, salade de fruits, on ne sait plus où donner de la tête.
Nous ne jouerons pas les
aventuriers culinaires pour aujourd’hui, et commandons pour la plupart d’entre
nous des œufs (sauf Marie évidemment qui n’aime pas ça) brouillés sur des
toasts. Mais nous prenons quand même le temps de nous renseigner (nous sommes
encore là demain) sur cet item du menu : l’Irish breakfast. Et la
description même que la propriétaire nous en fait donnerait l’eau à la bouche à
n’importe quel patient atteint de surcharge pondérale : du bacon, des œufs
frits, du boudin… Demain, c’est promis, on part en voyage pour le gras. En attendant,
nos assiettes débordantes arrivent déjà, et c’est comme une fête qui se mange
entre amis… Les toasts sont parfaits, l’œuf est bien salé et encore brûlant à
cœur : un délice. N’oublions pas que nous allons faire du sport, donc pour
faire bonne mesure, nous mangeons encore des tartines de confiture, des
yaourts, jusqu’à n’en plus pouvoir.
Alors que d’autres touristes
arrivent à leur table avec de pitoyables mines de saut du lit, nous sommes en
forme et opérationnels : sus aux montagnes locales ! Nous montons
nous changer pour la randonnée et préparer les sacs. Prévoyants comme nous
sommes, ça implique pas mal d’affaires mais surtout les K-ways, le sac du
réflex, des biscuits… Et de la place, pour le pique-nique de midi. Nous
arrivons à être à peu près opérationnels pour neuf heures et quart (Michel
semble un peu ronchonnant mais il n’est sans doute pas tout à fait réveillé),
heure à laquelle nous prenons notre Quashquaï pour partir en ville, tout en
faisant attention de ne pas écraser le chat dans l’allée. Julie, qui avait fait
un repérage sur le net, nous emmène tout droit sur le parking du seul
supermarché qui soit en face de l’office de tourisme. Comme souvent, on lui
doit une fière chandelle, car si l’intérieur de l’office est tout en
open-space, moderne et accueillant, on aurait facilement pu passer une
demi-heure à le chercher.
Les filles se chargent de
notre repas de midi, tandis que nous qui sommes censés être responsables du
sens de l’orientation, allons prospecter pour trouver une randonnée. Il y a plusieurs
prospectus, et comme je le craignais, ce n’est pas toujours clair : ni
pour savoir d’où partir, ni pour être certain que ce n’est pas simplement une
route praticable en voiture. Celle qui me tente le plus dans un premier temps
est la Gullimichmich Mountain (ou quelque chose comme ça), qui n’est autre que
le plus haut sommet d’Irlande. Oui, je vise modeste, comme d’habitude. Pourtant
je suis un peu inquiet, parce que le prospectus indique la présence d’un
passage indiqué juste pour les psychopathes ou les alpinistes : un
« Wall of Death » qui nous refroidit un peu. On aurait pu hésiter
longtemps, mais je décide de prendre l’initiative d’aller demander à l’une des
sympathiques conseillères qui s’ennuient assises à leur bureau. En effet, si le
résultat peut être douteux en France, j’ai tellement confiance dans le capital
amical de l’irlandais qu’ici j’aime aller parler aux gens.
Soyons francs, mon
interlocutrice n’a clairement pas fait de randonnée dans les quinze dernières
années. Pourtant, elle connait son sujet et c’est assez impressionnant. Avec
une série de quatre à cinq questions, elle nous a bien cernés (en plus, on a
déjà enfilé nos costumes de randonneurs, donc…). Rapidement, elle me propose
trois parcours bien différents. Le pic des fous, apparemment, est assez
déconseillé : il n’y fait pas toujours beau, c’est très ardu et il semble
que ce soit la destination favorite des hélicoptères de secours du coin. Il y a
donc deux autres cartes, la première étant une ascension de 3 heures au maximum,
la seconde indiquée pour 5-6 heures. Immédiatement, j’ai toute mon attention
portée sur la seconde, quitte à oublier d’écouter l’anglais rapide de la
conseillère, qui me parle du trajet. Pour que ce soit plus sûr, elle me scanne
un bout de carte, me donne le dépliant, me fait presque jurer sur la Bible que
nous serons prudents, puis nous laisse repartir.
Entre temps, les filles sont
venues nous rejoindre, avec les sacs à dos bien garnis : même blessés,
réfugiés au fond d’une grotte, on ne mourra pas de faim avant plusieurs jours.
Du coup, c’est avec un grand sourire aux lèvres que nous partons à
l’aventure : à partir de maintenant, nous pouvons tranquillement profiter
de notre journée au grand air. Enfin, si le temps se maintient à la même
couleur, c’est-à-dire le bleu. La première partie du trajet nous fait longer le
très grand lac (dites Lough, ça fait local) au sud de Killarney, jusqu’à… Une
étable. Sur le plan, ça a l’air facile, mais je vous promet qu’au moment de
tourner, c’est pas les doutes qui manquent. D’autant que la route que nous
empruntons n’a rien à envier par endroits à certaines routes de Guadeloupe
(c’est pas nous qu’on le dit)… C’est minuscule. Le GPS déclare vite forfait, du
style « eh, vous êtes pas en pleine forêt, là ? », aussi on ne
peut s’en remettre qu’à nous-mêmes pour trouver le fameux virage à droite qui
nous emmène au départ de la randonnée.
Sauf qu’on le trouve pas.
Lorsqu’à un moment donné, on retombe sur une route un poil plus grosse (ouais,
une rue quoi), nous savons que nous avons échoué. Tant pis, on va chercher un
virage à gauche, en roulant plus doucement en sens inverse ! La route
paraît encore pire, c’en est à un point ou je klaxonne dans un virage tellement
c’est resserré et qu’il n’y a aucune visibilité. Et puis finalement, au sommet
d’une côte bien raidasse, un chemin de gravier part sur notre gauche. Bien
caché entre deux buissons, il fallait vraiment rouler doucement pour le voir…
Deux kilomètres plus loin, nous sommes au départ de la grande ballade. Enfin,
nous ne sommes pas tout à fait surs. C’est que, la route continue et tourne
vers la droite. Et que la zone pour se garer est… Comment dire… resserrée.
On va pousser un peu plus
loin, si ça se trouve il y a un parking, et un panneau de randonnée ! Mais
non en fait, la « route » arrive dans un lotissement de quatre-cinq
maisons. Non seulement on se fait aboyer dessus, mais je n’ai absolument pas le
choix, il faut que je rentre chez quelqu’un pour avoir la place de faire
demi-tour (Julie sort courageusement pour diriger la manœuvre). Retour, donc, à
ce petit virage. Quashquaï aidant, je m’aventure dans les hautes herbes sans
trop de risques. Le temps de sortir, mettre les chaussures de marche, et nous
sommes prêts pour l’ascension ! Le chemin est assez facile à suivre passé
les deux premiers buissons : ça monte, sec et presque en ligne droite, le
long d’un ruisseau qui serpente sur ce long versant couvert de buissons
impénétrables. Le temps s’est un peu couvert, aussi le sentier fraie-t-il son
passage dans des dizaines de nuances de vert foncé, entre de gros épineux et
des touffes de blé, de hautes herbes posées sur de la mousse et ces petits
buissons bas qui ressemblent à un panier presque déjà tressé. Pour nous quatre,
nous prenons régulièrement des photos : il faut dire que les pauses sont
les bienvenues pour souffler un bon coup… Cette montée, elle décrasse salement
les poumons.
A suivre ce ruisseau, on tombe
sur différents tableaux vraiment sublimes, où l’eau se faufile entre des piles
de rochers dénudés, où le chemin traverse le cours sur de grandes pierres
plates posées dans un gravier blanc… Et si les gros plans ne vous intéressent
pas, il y a la vue grandiose qui se découvre au fur et à mesure que l’on prend
de l’altitude : on voit clairement la grande Killarney, étendue le long
des axes routiers et accolée au lac. On ne voit pas encore la pleine surface
que prend ce dernier, que lesquelles des dizaines de petites îlots couverts de
grands arbres forment de là où nous trouvons comme un tapis de mousse dans une
grande flaque. Le vent aussi rentre peu à peu dans la partie, mais ça ne nous
décourage pas outre mesure, il fait bon avoir un peu d’air dans une montée
pareille. Contrairement aux magnifiques chemins balisés d’Alsace, zigzaguant
jusqu’aux sommets, étendant leurs virages à flanc de coteaux, ici… Eh bien ils
ne se sont pas beaucoup posé la question : tout droit, c’est très bien
aussi.
Au cours de notre ascension, j’ai
vite l’œil attiré par de subtils mouvements. Et à mieux y regarder, il y a
plusieurs moutons disséminés dans cette longue pente. Pour la plupart, ils
n’ont absolument rien à faire de notre présence sur place. Deux ou trois nous
regardent passer avec la curiosité qu’on peut apporter à un objet décoratif,
mais généralement ils se sont contentés de continuer à brouter sans
discontinuer. Certains sont mêmes posés sur leur garde-manger. Couchés dans les
hautes herbes sur un promontoire, ils admirent la vue le temps de mastiquer,
puis replongent la tête dans l’herbe : même pas besoin de se déplacer !
Sans doute la version geek chez le mouton. Après une énième pause pour
souffler, nous repassons une dernière fois au-dessus de notre ruisseau. Le
sentier s’éloigne autour de la montagne, qui est plus haute qu’il n’y paraît
vue du parking, tout en montant régulièrement. Devant un petit crachin passager
et surtout la morsure du vent, nous sortons nos K-ways qui vont nous protéger
de l’angine efficacement.
Mais alors que l’on remet les sacs à dos, prêts à
repartir, un constat terrifiant s’impose : nous sommes suivis. Pire, pour
de bons marcheurs.
Nous sommes rattrapés.
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