jeudi 22 mai 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 19

Episode 19: Un tour chez Ross

Autant le chemin nous a paru d’une langueur terrifiante, autant la route est bouclée en quelques minutes : je conduis sans l’aide du GPS, sans avoir à se poser des questions toutes les deux minutes, ou chercher un embranchement de la taille d’un portail de nain de jardin. Je porte la Go-Pro, tout heureux de montrer la route en vidéo (ça a créé comme un silence quand même… Ou bien tout le monde est crevé, ce qui est possible). Il faut dire que jusqu’à l’entrée de Killarney, on a encore droit à un panneau « 100 » aussi improbable que si on l’avait trouvé au bord du Devil’s Punchball. Mais, hein, rien ne m’empêchera d’essayer… Une fois en ville, le soleil est de mise (ça n’aurait pas pu être deux heures plus tôt pour les photos, non, c’est quand on est dans la circulation et crevés) et il y a soudain beaucoup plus de monde dans la cité, qui s’anime au point de presque créer un bouchon avant notre embranchement.

Heureusement que nos douches électroniques ne sont pas compliquées (si, toutefois, on s’abstient de toucher à tous les boutons), autrement, je crois qu’on aurait entendu nos cris de désespoir à travers les cloisons. C’est l’heure de se reposer. Mais alors que Julie profite d’une eau magnifiquement chaude, je fais un peu le point. Physiquement, ce n’était pas si difficile, et après un quart d’heure allongé sur mon lit, j’ai déjà les fourmis dans les jambes. J’ai déjà décidé qu’après ma douche et un second petit temps de repos, j’irais visiter quelque chose : il n’est encore que seize heures, il y a largement de quoi faire pour remplir l’après-midi. Attention, ça ne m’empêche pas de savourer ce moment de calme, à me plonger épisodiquement dans mon bouquin, ou tout simplement regarder le plafond en repensant à ces paysages qui resteront longtemps gravés dans mes souvenirs.

Je suis presque étonné que Julie soit d’accord avec moi. Elle acquiesce immédiatement, en ajoutant qu’elle non plus n’a pas envie de rester se reposer. Et après, on s’étonne que nous soyons ensemble depuis bientôt une décennie ! N’importe quel individu sain d’esprit profiterait de cette après-midi pour se reposer. En parlant d’eux d’ailleurs, ils sont divisés sur la question. Marie est partante, mais Michel dort déjà et ne donne pas l’impression de vouloir aller ou que ce soit. Nous serons donc trois à partir pour l’expédition au Ross Castle. Dans ma lecture d’hier soir, j’ai survolé un prospectus : le monument est situé à moins de cinq kilomètres de là, et pour y arriver c’est enfantin : il est dans le pur et simple prolongement de notre rue. Bon, nous sommes tous d’accord sur les modalités : ballade calme, pas trop longue, en habits de ville. On ne nous fera pas remettre les chaussures de marche aujourd’hui.

Mais il faut signaler que la route pour atteindre le château est particulièrement originale. Non, pas spécialement dans sa forme… Déjà, il y a la signalisation. Pas de panneau « 100 » (chuis déçu), mais à la place, tous les kilomètres, des avertissements « attention calèches » très imagés. Et ils sont valables, puisque sur le seul trajet aller, j’aurais l’occasion d’en passer au moins trois ou quatre. Tractés par deux chevaux, les lourdes voitures sont pour la plupart décapotées, toutes en structure bois recouverts de stuc. Les cochers, paresseusement assis leur fouet à la main, conduisent les touristes jusqu’au centre-ville à une cadence toute médiévale. Ce doit être même un peu long, sans parler de l’odeur … La route est tapissée de m… de traces de cheval. Nous arrivons à un grand parking, dont je n’arrive toujours pas à savoir à ce jour s’il est payant. Il m’a d’abord semblé que oui, sauf qu’en tournant un peu, nous n’avons trouvé aucune machine qui ne soit réservée au bus… Et les véhicules autour de nous n’ont rien sur le pare-brise. On quitte donc le parking en espérant très fort qu’il n’y aura pas contrôle de police. Les filles disent que je m’inquiète pour rien.

Puis on arrive devant le Ross Castle. Construit au bord du lac de Killarney, ce dernier dégage une impression de force gravée dans le temps. Constitué d’un corps principal avec un énorme donjon rectangulaire surplombé par un toit incliné, il a une position dominante sur tout le reste de la plaine. Il n’est pas difficile de comprendre qu’au XVIème siècle, il contrôlait tout l’accès à la partie sud du Ring of Kerry. Le donjon est côté lac, tandis que les plus épaisses parties du rempart se trouvent à l’opposé. Comme la plupart de ceux qui ont traversé l’histoire, le Ross Castle a été construit puis reconstruit à plusieurs reprises, et c’est particulièrement voyant sur le côté terre, pour lequel le chemin de ronde est posé sur une épaisseur phénoménale de mur, faisant face à la plaine avec des plans inclinés (pour que les boulets rebondissent). Le château est visitable, mais nous arrivons trop tard et nous voulions juste flâner : de toutes façons, il est possible de se promener dans l’enceinte sans ticket d’entrée.

Après avoir examiné le premier rempart (il n’en reste que quelques pans), nous montons dans la cour intérieure qui est surélevée par rapport au niveau du lac, et qui est très bien conservée. Quatre canons, qui attendent d’éventuels envahisseurs à stopper, gardent les remparts de toute leur masses noires. Pour Julie et moi, c’est une bonne aubaine : jusqu’à maintenant, dans la majorité de nos voyages, nous avons toujours trouvé un canon à côté duquel poser. C’est devenu non seulement une recherche originale, mais aussi une collection de photos de nous, appuyés sur des canons tout autour du monde. Bon choix que le Ross Castle, donc : les pièces d’artillerie sont dans un état remarquable. Nous ne resterons pas longtemps dans la cour, préférant longer le donjon, et descendre une volée de marches. Là, sur un gravier fin, deux quais partant du château vont s’enfoncer doucement dans l’eau, de façon à prendre le bateau sur un tableau idyllique : les petites îles boisées sont reflétées dans le lac calme, les montagnes à quelques milles de là font comme une toile grandiose, et des rais de lumière à travers les nuages donnent un air surréaliste.

Bon, je suis désolé de vous décevoir, mais le Ross Castle, ce n’est pas la place forte qu’on imagine. Non, moi je dirais que c’est plutôt le château de la loose. La faute à… Une malédiction. Si, si. Attends, tu crois que je me fiche de toi ? Je ne sais plus qui avait eu une vision, faisant la prophétie que le jour ou des envahisseurs viendraient du lac, la place forte serait perdue. Peu importe que les murs soient épais, que la zone de débarquement était exposée, que peu importe le nombre d’envahisseurs, la taille de la porte des remparts était suffisamment fine pour qu’ils doivent tous rentrer à la queue-leu-leu. Et pire : la prophétie s’est réalisée. Elle s’est réalisée parce que ces imbéciles y ont tellement cru que le jour ou une trentaine d’ennemis se sont pointés en barque pour prendre le château par surprise, les défenseurs ont eu une frousse tellement immense qu’ils se sont tous carapatés. Tu parles d’une histoire glorieuse, hein !

Nous passons une bonne quinzaine de minutes à côté de l’eau. Le site est splendide, plusieurs bateaux mouches viennent faire étape sur l’un des pontons de bois accolés aux quais en pierre de taille. Et ces montagnes… Nous essayons en vain d’apercevoir celle que nous avons grimpé aujourd’hui, mais nous n’en verrons rien, elle est cachée par les arbres. Des canards viennent paresseusement quémander leur dû auprès des quelques autres familles qui flânent autour de l’eau, et sur un petit repli gazonné… Quelques enfants jouent là avec les volatiles dans un silence tout relatif. Quel bel endroit ! Il y a un calme ceint d’une sorte de respect pour la vieille pierre, aussi ridicule soit son histoire. Tout de même, une garnison a occupé le château jusque dans les années 50…

Ah, si seulement il nous restait des jambes ! Un chemin peu couru s’enfonce dans la forêt à droite du monument, avec cette promesse voilée de suivre les délicats et dentelés bords du lac… Mais ce dernier fait des kilomètres, et même si ce chemin est sablé, couvert par les arbres qui font comme une arche au-dessus de lui, nous avons déjà donné assez pour la journée ! Nous promettons de nous venger dans les heures à venir en faisant un significatif tour du centre-ville dès que nous aurons rejoint Michel au B&B. Le trajet de retour sera pour sa part plus long que l’aller, la faute à ces maudites calèches qui encombrent la route dans les deux sens, empêchant les touristes à moteur de rouler à plus de 10km/h, une vitesse il est vrai tout à fait hallucinante. Cela donnera d’ailleurs lieu à une scène sortant de l’ordinaire. A notre dernier feu rouge, juste avant notre carrefour, il aura fallu patienter plusieurs minutes (le passage est éternel) avec deux chevaux piaffant juste derrière le coffre : tout regard dans les rétroviseurs, et c’est une vue directe sur les naseaux de la bête !


Nous rejoignons Michel, qui s’était à peine réveillé, avant de partir pour le centre-ville. Et là j’aime autant vous dire que nous retrouvons la civilisation : le Ring of Kerry étant un lieu très couru en cette saison, nous nous attendions à voir un peu plus de monde aujourd’hui. Mais où étaient-ils ? Je ne peux pas répondre, mais ce soir-là, ils étaient à Killarney… Les trois rues piétonnes sont littéralement prises d’assaut. Nous, on l’a joué intelligente : il est encore tôt, nous avons donc le temps de flâner dans les rues tout en repérant notre futur restaurant. Cette fois c’est certain, il fera de la cuisine Irlandaise, il aura des musiciens et ce sera peut-être un bar en fin de soirée ! 

Plus engageant encore, nous trouvons cette perle rare dans le Routard : on sait même où aller !

1 commentaire:

  1. Ahah!! La perle rare ;) allez, faisons dans le pathos, c'est ton récit qui est une perle !!

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