Par chance, j’ai fini par
comprendre que comme les affaires des autres étaient toujours sur place, on ne
m’avait pas laissé comme un chien sur une aire d’autoroute (yeuuuu). Non, et
puis à bien réfléchir, c’est toujours moi qui ai les clefs du Qhashquaï, ça ne
vaut pas donc de se faire plus qu’une petite réflexion en passant. Pour vous
dire à quel point j’étais concentré dans mon bouquin, l’intégralité de la
collection 2013 des modèles de Victoria’s Secret aurait pu me passer sous le
nez sans que je remarque quoi que ce soit (mmh, éventuellement j’aurais fini
par lever les yeux, mais uniquement par pur instinct). Lorsque Julie vient me
secouer après leur retour de promenade, je ne veux plus décoller de mon rocher
(oui, un vrai gamin, et alors). Ils ont fait une ballade de l’autre côté de la
jetée naturelle à laquelle j’étais adossé, et parcouru pieds nus cette longue
bande de sable en s’imprégnant encore de ce splendide paysage. Pour ma part je
prends quelques bonnes bouffées d’iode marin avant de reprendre le
volant : profitons-en tant qu’on peut, de gros nuages ont fait une
apparition remarquée à l’endroit où se tenait le soleil quelques secondes plus
tôt.
Retour à Roundstone, à l’heure
de l’apéritif (la vraie, pas cinq heures et demie)… Je vous laisse imaginer où
nous sommes allés nous installer ! Au Shamrock, il y a plus de monde que
la veille mais notre place est libre, comme réservée. Dans un étrange remake de
« How I met Your Mother », cette table nous serait à jamais réservée.
Et on ne s’en plaindrait pas. Mais dès que nous évoquons le sujet de cette
série que nous regardons tous les quatre, se pose la question de qui est censé
être quel personnage. Un joyeux bordel s’ensuit en général. Nous commandons nos
boissons, l’occasion de constater que la patronne n’est pas présente ce soir,
et que la serveuse du jour n’attend pas le temps exactement réglementaire pour
faire correctement reposer une Guinness (sacrilège, Michel hésite à aller se
tirer sa propre pinte). Moi qui ai commandé du cidre, ai l’occasion unique de
constater qu’on peut aussi les avoir en bouteilles (c’est merveilleux).
Et
l’étiquette ne ment pas, à six degrés, c’est un cidre qui tape.
Nous jouons à nouveau, dans
une ambiance presque feutrée tout d’abord, car tout le monde a encore en tête
les parties d’hier soir. Hasard ou pas, je gagne les deux premières parties de
Skull and Roses, et cela me remonte suffisamment le moral pour plus tard. Lors
de la seconde tournée de boissons (oui, la pluie, ça donne soif), c’est Julie
qui est de corvée pour aller commander au Bar. L’occasion pour elle de se faire
draguer par l’un des clients déjà accoudés au marbre. A ses regards un peu
désespérés, un vrai chevalier blanc (ou un type jaloux) se serait levé pour lui
venir en aide. Mais détrompez-vous, avec Marie et Michel, nous sommes justes
effondrés de rire sur notre petite table. Julie a bien du mal à éconduire le
prétendant, malgré le fait qu’elle soit évidemment mariée (il n’est pas jaloux)
et que je sois juste là (il est peut-être partageur). L’occasion pour ma femme
de revenir s’asseoir avec nos boissons et un visage qui a tourné au rouge
pivoine, me jetant des éclairs de « plus jamais ça » directement
adressés.
Lorsque vient le moment de
commander à manger, les filles se laissent clairement tenter par les scampis,
comme recommandés hier par la patronne. Pour notre part, je me laisse
conseiller le poulet, et puis il faut que je fasse attention à ma ligne si je
dois encore être en compétition avec la moitié des irlandais accoudés dans les
pubs… Mais ce sont bien les scampis qui gardent notre attention, car lorsqu’ils
sont enfin servis, c’est une vraie découverte. Presque (oui, pas tout à fait)
les plats les plus gras de tout le voyage. Ces écrevisses sont croquantes et
luisantes de graisse, servies avec les inévitables pommes de terre frites…
Chaque jour on repousse des limites de gras, en fait, c’est une véritable
surenchère que semblent se livrer les différentes régions d’Irlande. Pour les
tournées suivantes, par contre (oui, elles étaient prévues) nous attendrons
d’avoir un peu joué, car nous attendons avec impatience l’animation « Live
Music » qui va être un véritable concert, il y a près d’une trentaine de
clients dans le bar, soit 24 de plus que dans le pub de Cashel pour la dernière
performance à laquelle nous avons assisté.
Lorsque les musiciens arrivent
(en retard, histoire de nous prouver qu’ils sont « des vrais »), la
salle contient à peine son excitation : deux personnes au moins changent
de place pour voir les artistes. Il faut dire qu’une bonne partie du public potentiel
est composée d’adolescents qui disputent une partie très très animée à la table
de billard. Impressionner les jeunes filles avec des queues, c’est d’un
classique… Pour nous, qui sortons la scopa, c’est enfin l’occasion de
contrebalancer notre malchance des derniers jours. Mais pas d’illusions tout de
même, nous allons perdre… De beaucoup moins qu’hier et qu’à Killarney. Les
filles vont même se croire menacées, c’est vous dire. Pour la suite, nous
discuterons et jouerons un peu plus au Skull and Roses, c’est beaucoup plus
équilibré. Michel prendra un Irish Coffee en attendant la musique, et nous
jouons un peu avec la caméra GoPro, qui je le rappelle aurait été la plus belle
surprise du voyage si Marie n’avait été enceinte.
Enfin, la caméra se révèle
capricieuse, il y a à l’évidence un problème de batterie qui nous gêne
beaucoup : cette dernière se décharge même l’appareil éteint : durant
tout le voyage, il ne faudra jamais compter l’utiliser plus d’une vingtaine de
minutes entre deux charges… Comme nous ne sommes pas perpétuellement à la
recherche d’une prise (on a déjà fort à faire avec nos vessies) il faut bien
choisir quoi filmer à l’avance. Et ce soir, nous avons choisi la Live Music.
Sauf que voilà, en véritables stars en devenir, les deux jeunes qui font
l’animation musicale prennent beaucoup de temps pour accorder leurs
instruments. Non, je ne suis pas de mauvaise foi, je sais l’importance de la
justesse d’une guitare ou d’un violon. Mais quand même, vingt à trente minutes,
c’est beaucoup. A bien y réfléchir d’ailleurs, il doit s’agir d’une formation
spécifiquement entraînée à jouer durant les mi-temps des matchs de Hockey ou de
Gaelic Football : en passant une grande partie de la soirée à jouer, nous
entendrons un total de quatre morceaux.
Il n’empêche que lorsqu’ils
jouent pour de vrai (la limite est parfois ténue), la beauté du son est au
rendez-vous. Il y a de la qualité, et du bon cidre, tandis que Marie est enfin
totalement déboutée au Skull and Roses (elle a mal anticipé Michel, comme nous
tous). Pour nous, il est bientôt temps de faire le bilan de cette journée
« ascenseur émotionnel », qui aura réservé son lot de diamants dans
ce grand marais auquel ressemble parfois le Connemara. On se promet que ce
n’est que partie remise, que la prochaine fois que nous viendrons, nous
trouverons les chemins de randos, les vrais. Et même qu’il fera beau. Mais
comme nous en sommes à rêver, autant aller au B&B : demain, la route
reprend ses droits, dans une succession impressionnante de points de passage pour
relier Roundstone au Donegal.
Je ne résiste pourtant pas à l’envie de
m’endormir sur mon bouquin, en pleine filature discrète….
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