vendredi 11 juillet 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 31

Episode 31: Shamrock'n Roll

Par chance, j’ai fini par comprendre que comme les affaires des autres étaient toujours sur place, on ne m’avait pas laissé comme un chien sur une aire d’autoroute (yeuuuu). Non, et puis à bien réfléchir, c’est toujours moi qui ai les clefs du Qhashquaï, ça ne vaut pas donc de se faire plus qu’une petite réflexion en passant. Pour vous dire à quel point j’étais concentré dans mon bouquin, l’intégralité de la collection 2013 des modèles de Victoria’s Secret aurait pu me passer sous le nez sans que je remarque quoi que ce soit (mmh, éventuellement j’aurais fini par lever les yeux, mais uniquement par pur instinct). Lorsque Julie vient me secouer après leur retour de promenade, je ne veux plus décoller de mon rocher (oui, un vrai gamin, et alors). Ils ont fait une ballade de l’autre côté de la jetée naturelle à laquelle j’étais adossé, et parcouru pieds nus cette longue bande de sable en s’imprégnant encore de ce splendide paysage. Pour ma part je prends quelques bonnes bouffées d’iode marin avant de reprendre le volant : profitons-en tant qu’on peut, de gros nuages ont fait une apparition remarquée à l’endroit où se tenait le soleil quelques secondes plus tôt.

Retour à Roundstone, à l’heure de l’apéritif (la vraie, pas cinq heures et demie)… Je vous laisse imaginer où nous sommes allés nous installer ! Au Shamrock, il y a plus de monde que la veille mais notre place est libre, comme réservée. Dans un étrange remake de « How I met Your Mother », cette table nous serait à jamais réservée. Et on ne s’en plaindrait pas. Mais dès que nous évoquons le sujet de cette série que nous regardons tous les quatre, se pose la question de qui est censé être quel personnage. Un joyeux bordel s’ensuit en général. Nous commandons nos boissons, l’occasion de constater que la patronne n’est pas présente ce soir, et que la serveuse du jour n’attend pas le temps exactement réglementaire pour faire correctement reposer une Guinness (sacrilège, Michel hésite à aller se tirer sa propre pinte). Moi qui ai commandé du cidre, ai l’occasion unique de constater qu’on peut aussi les avoir en bouteilles (c’est merveilleux). 
Et l’étiquette ne ment pas, à six degrés, c’est un cidre qui tape.

Nous jouons à nouveau, dans une ambiance presque feutrée tout d’abord, car tout le monde a encore en tête les parties d’hier soir. Hasard ou pas, je gagne les deux premières parties de Skull and Roses, et cela me remonte suffisamment le moral pour plus tard. Lors de la seconde tournée de boissons (oui, la pluie, ça donne soif), c’est Julie qui est de corvée pour aller commander au Bar. L’occasion pour elle de se faire draguer par l’un des clients déjà accoudés au marbre. A ses regards un peu désespérés, un vrai chevalier blanc (ou un type jaloux) se serait levé pour lui venir en aide. Mais détrompez-vous, avec Marie et Michel, nous sommes justes effondrés de rire sur notre petite table. Julie a bien du mal à éconduire le prétendant, malgré le fait qu’elle soit évidemment mariée (il n’est pas jaloux) et que je sois juste là (il est peut-être partageur). L’occasion pour ma femme de revenir s’asseoir avec nos boissons et un visage qui a tourné au rouge pivoine, me jetant des éclairs de « plus jamais ça » directement adressés.

Lorsque vient le moment de commander à manger, les filles se laissent clairement tenter par les scampis, comme recommandés hier par la patronne. Pour notre part, je me laisse conseiller le poulet, et puis il faut que je fasse attention à ma ligne si je dois encore être en compétition avec la moitié des irlandais accoudés dans les pubs… Mais ce sont bien les scampis qui gardent notre attention, car lorsqu’ils sont enfin servis, c’est une vraie découverte. Presque (oui, pas tout à fait) les plats les plus gras de tout le voyage. Ces écrevisses sont croquantes et luisantes de graisse, servies avec les inévitables pommes de terre frites… Chaque jour on repousse des limites de gras, en fait, c’est une véritable surenchère que semblent se livrer les différentes régions d’Irlande. Pour les tournées suivantes, par contre (oui, elles étaient prévues) nous attendrons d’avoir un peu joué, car nous attendons avec impatience l’animation « Live Music » qui va être un véritable concert, il y a près d’une trentaine de clients dans le bar, soit 24 de plus que dans le pub de Cashel pour la dernière performance à laquelle nous avons assisté.

Lorsque les musiciens arrivent (en retard, histoire de nous prouver qu’ils sont « des vrais »), la salle contient à peine son excitation : deux personnes au moins changent de place pour voir les artistes. Il faut dire qu’une bonne partie du public potentiel est composée d’adolescents qui disputent une partie très très animée à la table de billard. Impressionner les jeunes filles avec des queues, c’est d’un classique… Pour nous, qui sortons la scopa, c’est enfin l’occasion de contrebalancer notre malchance des derniers jours. Mais pas d’illusions tout de même, nous allons perdre… De beaucoup moins qu’hier et qu’à Killarney. Les filles vont même se croire menacées, c’est vous dire. Pour la suite, nous discuterons et jouerons un peu plus au Skull and Roses, c’est beaucoup plus équilibré. Michel prendra un Irish Coffee en attendant la musique, et nous jouons un peu avec la caméra GoPro, qui je le rappelle aurait été la plus belle surprise du voyage si Marie n’avait été enceinte.

Enfin, la caméra se révèle capricieuse, il y a à l’évidence un problème de batterie qui nous gêne beaucoup : cette dernière se décharge même l’appareil éteint : durant tout le voyage, il ne faudra jamais compter l’utiliser plus d’une vingtaine de minutes entre deux charges… Comme nous ne sommes pas perpétuellement à la recherche d’une prise (on a déjà fort à faire avec nos vessies) il faut bien choisir quoi filmer à l’avance. Et ce soir, nous avons choisi la Live Music. Sauf que voilà, en véritables stars en devenir, les deux jeunes qui font l’animation musicale prennent beaucoup de temps pour accorder leurs instruments. Non, je ne suis pas de mauvaise foi, je sais l’importance de la justesse d’une guitare ou d’un violon. Mais quand même, vingt à trente minutes, c’est beaucoup. A bien y réfléchir d’ailleurs, il doit s’agir d’une formation spécifiquement entraînée à jouer durant les mi-temps des matchs de Hockey ou de Gaelic Football : en passant une grande partie de la soirée à jouer, nous entendrons un total de quatre morceaux.


Il n’empêche que lorsqu’ils jouent pour de vrai (la limite est parfois ténue), la beauté du son est au rendez-vous. Il y a de la qualité, et du bon cidre, tandis que Marie est enfin totalement déboutée au Skull and Roses (elle a mal anticipé Michel, comme nous tous). Pour nous, il est bientôt temps de faire le bilan de cette journée « ascenseur émotionnel », qui aura réservé son lot de diamants dans ce grand marais auquel ressemble parfois le Connemara. On se promet que ce n’est que partie remise, que la prochaine fois que nous viendrons, nous trouverons les chemins de randos, les vrais. Et même qu’il fera beau. Mais comme nous en sommes à rêver, autant aller au B&B : demain, la route reprend ses droits, dans une succession impressionnante de points de passage pour relier Roundstone au Donegal. 
Je ne résiste pourtant pas à l’envie de m’endormir sur mon bouquin, en pleine filature discrète….

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