lundi 28 juillet 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 36

Episode 36: Deux tour Eiffel dans le Donegal

Au petit matin, il est temps d’oublier les contrariétés d’hier soir. Le bruit stressant est loin derrière nous, et puisque nous ne passons qu’une nuit dans le Donegal, peu importe que cela se reproduise. Il y a une petite méprise ce matin, nous attendions nos amis devant leur porte à l’heure dite, tandis qu’eux étaient descendus directement à la table du petit déjeuner. Il faut dire que cette dernière est bien accueillante : elle déborde de diverses pâtisseries, de plusieurs variétés de pain… Et puis le full Irish qui nous est servis à moi et Michel est simplement splendide. Mention spéciale aux boudins noirs et blancs qui sont très chargés en blé et absolument délicieux. Nous prenons notre temps comme les autres matins pour toucher à tout ce qui nous intéresse (et la liste est longue, même si je ne suis pas le seul à faire un petit trop plein suite à tous ces repas plutôt lourds).

Nous ne prenons pas trop notre temps ensuite, car nous repartons sur la route aujourd’hui. Nous sommes bien rôdés à présent, les valises sont prêtes en deux minutes, on sait tout de suite quoi déballer, et l’organisation est parfaite. En quelques gestes bien réglés, nous avons payé le B&B (pas donné mais qui valait le coup), rangé les deux sacs dans la voiture, sélectionné le nécessaire à l’avant, et sommes prêts à partir après avoir programmé l’ami GPS. Nous allons faire un premier arrêt au supermarché aperçu la veille au soir, afin de rassembler de quoi pique-niquer ce midi. Quant à moi, je retire de l’argent, enfin j’essaie : deux de nos trois cartes de crédit du couple ne passent pas. De quoi avoir la sueur qui coule le long du dos, avec le fameux questionnement… Pourra-t-on tenir jusqu’au bout ? Eh bien sans doute, oui. Pour la suite, la route traverse Donegal (et…. C’est déjà fini), et continue le long de la côte sur quelques kilomètres avant de s’enfoncer dans une vallée bien paumée, avec juste quelques fermes de part et d’autres.

A quelques hectomètres de notre premier arrêt, la route se met à monter. Sérieusement. Attention, pas une simple grimpette, non, une montée impressionnante. Je n’aurais pas envie de passer là en vélo, ni de devoir faire un démarrage en côte. Même le Quashqaï se plaint, c’est vous dire. Tout cela pour arriver sur un petit parking prévu pour une trentaine de véhicules, et sur lequel sont garés en tout et pour tout, une berline et un camping-car : nous allons être sacrément tranquilles ! Pas de touristes ici ! Enfin, c’était l’impression générale, parce que dès le moment où nous enfilons nos chaussures de marche, on se croirait à Palavas les flots. « Mamaaaaaaaaan, iléou mon chapeauuuuu ? – Mais rho, je sais pas chéri. – Papaaaaaaaaaa ? » Urgh. Des enfants. Plein d’enfants. Dans le camping-car, français. Fuyons ! Nous démarrons par une montée sur la route goudronnée à un pas cadencé et de belles foulées… Les touristes (nous on ne compte pas) nous suivent et nous préférons leur prendre le plus de temps possible pour ne pas les avoir sur nos talons.

Lorsque la route bascule dans un virage à droite, et qu’elle semble atteindre peu à peu le sommet du lieu, nous comprenons combien nous avons fait un bon choix. Nous sommes aux Slieve League, les plus hautes falaises de toutes l’Irlande : 660 mètres. Mais pour le moment, d’où nous sommes, ce sont plus des collines dont la pente sud se perd sur un fond d’océan. C’est splendide, avec un relief magnifiquement prononcé, des dévers de l’herbe verte et un véritable show offert par les moutons à tête noire qui broutent de façon imperturbable le long du chemin. Et plus nous continuons, plus l’altitude se fait remarquer. On comprend d’abord la distance qui nous sépare de la mer, plus de deux cent mètres d’altitude. Puis on aperçoit, au loin d’abord, quelques flancs de roches sombres qui plongent dans les eaux sombres. Et nos regards ne sont pas encore concentrés au bon endroit. Sur notre droite, apparition soudaine après un nouveau virage de la route, c’est la révélation. On ne peut dire rien d’autre qu’un « oh » devant l’énormité du paysage. 

Ce sont de véritables petites montagnes qui surplombent les flots, des falaises presque à pic, surplombées d’un chemin côtier et de quelques marcheurs qui vu d’en bas, paraissent microscopiques : cela donne une idée de l’échelle. C’est à couper le souffle. La roche, tantôt noire et sombre, tantôt granitique voire carrément rosée, passe d’une teinte à l’autre le long de ces pentes vertigineuses pour aller se perdre dans l’océan agité. Il y a du vent ici ce matin, aussi l’écume vient-elle rajouter de nouvelles lignes de perspectives à ce tableau inoubliable. La côte fait un repli à notre droite, et le départ du chemin monte peu à peu jusqu’aux sommets des falaises à partir de là où nous sommes. C’est presque intimidant ! En contrebas, par contre, sous cette muraille indescriptible de terre et de roche bouleversés, une petite plage offre son sable jauni à l’assaut des vagues. On discerne aussi une grotte naturelle, abri millénaire inaccessible, qui me fait aussitôt penser que si je deviens pirate un jour, c’est ici que je viendrai cacher mon butin.

Nous restons là un moment, devant une barrière de bois qui protège les visiteurs de tomber d’un espèce de promontoire. Marie nous avoue un petit coup de mou (petit déjeuner salé ou bien la faute au voyageur clandestin de l’équipe…), alors nous n’allons pas gravir la pente bien longtemps. Déjà que nous étions venus pour quelques clichés d’une belle vue ! Des clichés nous en avons, des souvenirs aussi, mais il y a encore cette irrépressible envie de voir de plus haut, d’aller s’aventurer un tout petit peu plus loin. La montée est ardue, même si nous ne prolongeons pas le plaisir. On s’arrête à mi-hauteur pour aller prendre quelques clichés hors du chemin. Assis sur des rochers au bord du précipice, seuls avec l’immensité qui nous tend les bras, le lieu est poétiquement splendide. Il y aura quelques vannes (dont cette photo en perspective qui donne l’impression que Julie balance Michel du haut de la pente), mais aussi quelques réflexions plus philosophiques comme par exemple la comparaison complètement délirante de la hauteur de Slieve League en face de quelques unités connues. La tour Eiffel s’y prête bien, parce qu’avec ses 330 mètres d’altitude, elle atteint tout pile la moitié de la falaise. Oui, juste la moitié. On a donc deux tour Eiffel virtuellement superposées sous les yeux. Et on n’arrive toujours pas à y croire.

Une fois tous les clichés et les effets (je joue au polarisant) réalisés sur les moindres détails des falaises ou sur l’ensemble du panorama, nous redescendons voir Marie, et pour quitter le lieu, de plus en plus peuplé. Il y a bien une petite dizaine de touristes supplémentaires qui sont venus s’ajouter entre le chemin du promontoire et celui sur le bord de la falaise. Et puis aussi le marchand de glaces a ouvert. Nous étions passés à côté en rigolant, au début. Mais ça, c’était avant, n’est-ce pas ? Parce que là, il a beau n’être que dix heures et demie du matin, nous n’arrivons pas à supporter la vue de ce sympathique vendeur de cornets qui nous interpelle. Et puis quoi, on ne vit qu’une fois, non ? Alors malgré l’horaire, nous commandons chacune la nôtre. Julie prendra framboise, je me lance sur le rhum raisin (il y a pas d’heure, on vous dit) absolument délicieux, en me disant que j’aurais sans doute droit au parfum le plus exotique. Eh… Non. Si Marie choisit le chocolat, Michel part sur une glace au parfum chewing-gum ( !?), d’un bleu absolument schtroumpfesque.
Nous rigolons beaucoup avec nos glaces, en se prenant avec, en polaire, en face de la mer de ce matin venteux au nord de l’Irlande. Si ce n’est pas un pur moment de bonheur tous les quatre, je botte en touche ! 

Le vendeur quant à lui, peut nous remercier : nombreux sont les gens à hésiter en passant à côté de sa petite remorque. Et il leur suffit de nous voir pour craquer et franchir le rubicond. Nous revenons doucement à la voiture, par la même route goudronnée qu’à l’aller. C’est une vraie redécouverte, car sur tout le premier quart, le chemin ne présente pas du tout la même vue à l’aller qu’au retour. Ni tout à fait la même ambiance. On voudrait rester, mais nous avons prévu une difficulté montagnarde aujourd’hui : le Mont Errigal. Et pour cela, il faut déjà le rejoindre ! Nous redescendons la route sinueuse, pour s’enfoncer dans une campagne ponctuée de nombreux bras de mer, d’improbables routes à « 100 », et d’une montagne qui ne semble jamais arriver.


Errigal se fait attendre. Le plus haut sommet du comté n’a jamais le même profil selon d’où on le regarde, et il change même de couleur, prenant une teinte rosée au matin. Pour notre part, on l’aperçoit de loin au détour d’une vue dégagée dans un virage sur une colline, mais ensuite plus rien durant plus d’une demi-heure. Il y  aura plusieurs vérifications au GSP durant tout le trajet, avant d’en tirer les conséquences : avec ces chemins entre villages, ces détours le long de la mer (mais… les baleines, quoi !), nous avançons à une allure d’escargot. Me fait que Julie en particulier ait faim n’arrange pas l’ambiance, aussi sommes-nous bien heureux de le voir une bonne fois pour toutes grossir devant nous lorsque nous nous rapprochons. Puis, un peu circonspects : on va pouvoir grimper ça ?! Même en tournant autour avec la voiture, ce qui nous fait gagner un peu d’altitude, jusqu’au parking, nous avons les yeux rivés sur Errigal. Vraiment, nous allons pouvoir grimper ça ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire