dimanche 7 septembre 2014

I.R.L.A.N.D.E. Voyage 1, épisode 47

Episode 47: Sea, Bushmills and Sun

Vous pensiez qu'il n'y a que les stars qui se font avoir par le Cloud? Sachez que l'article ci dessous a été écrit deux fois... Merci la "synchronisation en cours"!

Bon c’est vrai qu’arrivés devant le comptoir, c’est un peu le manque d’inspiration : on n’a pas tous les jours l’occasion de prendre un verre avant la première pause du matin… Et encore moins un whisky. Brut en plus, pas dans un café. Seule entorse au comportement des puristes, nous avons droit de commander « on the rocks » (et bien entendu Marie pourra prendre un jus d’orange, ils ne vont pas t’obliger à consommer de l’alcool). Julie tente donc l’Irish Honey, Michel le « Distillery Reserve » et moi le « Old Bushmills » pour que nous puissions bien tâter les différences. Et elles sont presque palpables : même si au goût j’ai toujours une préférence pour l’Irish Honey, on sent bien que c’est une liqueur et pas le vrai whiskey. Pour ce dernier, dur de se prononcer entre le 10 et le 12 ans d’âge. Ayant une affinité avec ce dernier nombre (ah, la science du Douze, c’est presque une religion), mon cœur choisit vite, tandis que le palais reste confus. Nous profitons un certain temps de notre petite tablée dans l’usine, avant de se prendre en photo devant l’un des gigantesques alambics (vide) présents dans la salle.

Juste ensuite, c’est le magasin. Nous y entrons avec une idée très simple en tête : prendre chacun une ou deux bouteilles, et reprendre la route. Mais bon… Vous l’aurez compris depuis le début du récit, il n’est jamais facile de quitter une enseigne qui propose du marketing bien orienté. Voilà pourquoi on va me retrouver cinq minutes plus tard, à me demander de quoi j’aurais l’air avec une parka Bushmills. Ou bien une polaire Bushmills. Un chapeau, non, un bérêt Bushmills. Heureusement que Julie veille au grain, même si elle-même hésitera sur la pertinence de la parka. Mais au final, nous épuiserons plus vite la partie épicerie, en se montrant imaginatifs sur de petits présents à ramener à nos parents (après les habits, ce sont les confitures Bushmills…). C’est-à-dire, en plus de nos « bonus » quoi. Eh oui, on les avait presque oubliées, les surprises de nos allemands, mais elles ne sont pas à négliger : une mini-bouteille d’Irish Honey pour chacun ! C’est vraiment la classe. Mais ce qui nous convainc presque immédiatement, c’est la possibilité de faire dédicacer des bouteilles de douze ans d’âge « Distillery Reserve » qui déjà comme leur nom l’indique, ne sont vendues qu’ici, à Bushmills.

Marie et Michel se sont aussi laissé embarquer par l’histoire des dédicaces, et nous ressortirons de l’usine les bras chargés. Les valises vont devoir faire une cure de rangement pour supporter ces derniers petits ajouts ! Il suffira de ne plus rien acheter ni aujourd’hui ni demain, et tout sera parfait… Je me charge avec Michel de ranger le coffre, tandis que les filles décident de récolter notre repas de midi dans le Spar juste en face. Nous pouvons bientôt quitter la ville, qui fut à la fois l’un des objectifs avoués du voyage, et un extraordinaire lieu à vivre. Pour le reste du programme c’est tout simple, nous longeons la côte vers l’Est, en tentant de repérer les points les plus remarquables. Le road trip dans son sens le plus littéral, quoi ! Nous passons le long du visitor’s center des marches des géants, déjà encombré à cette heure des centaines de touristes massés sur ces bizarres hexagones. Mais notre premier arrêt n’en sera pas si éloigné. La carte indique des ruines fichées sur une colline, mais il faut avouer que je m’arrête plus pour ma vessie que pour toute autre raison. Nous programmons le GPS, et le second arrêt sera pour la grande plage de sable fin, à l’autre bout des falaises de la Giant’s Causeway.

Voilà, ça c’est une plage, pas une bande de sable. Non, tu vois, une plage de cinq-six kilomètres, ponctuée de petites dunes de sables et de stries créées par la marée sur des centaines de mètres de large. On n’y accède pas si facilement d’ailleurs, nous qui sommes en chaussures de ville, puisque le parking n’est pas directement à côté, et que descendre de ce haut plateau sur un sentier ensablé au milieu des hautes herbes se révèle vite un peu casse-gueule. Il y a aussi la menace latente des vaches, à la fois intriguées par notre présence dans l’enclos, et concentrées sur leur tâche sans fin de mâcher et mâcher encore. Cependant, elles n’ont pas ce petit côté nerveux de leurs consœurs auvergnates et nous arrivons sur le bord de mer sans trop de problèmes. Outre le fait de marcher le long de l’écume et de sentir nos pieds s’enfoncer doucement dans ce sable fin, il y a même une raison tout à fait légitime pour laquelle nous sommes descendus jusqu’à hauteurs des rouleaux.  En effet, si nous sommes dans la confidence de la présence d’un futur bébé, nos amis aimeraient bien faire une vidéo qui ferait office d’annonce officielle.

Mais ce qui s’annonçait comme une idée à la fois originale et spontanée ne va pas s’avérer si facile. Il y a déjà le problème du son : il a beau faire un temps magnifique, les embruns produisent un son assez remarquable, tandis qu’un petit vent nous ébouriffe. Voilà pourquoi, en tant que réalisateur officiel de cette vidéo (oui, on est très vite promu sur ce genre de petit tournage), j’ai un peu peur que le message final ressemble à « bonjour à tous ! Nous cheouchroufhchchroufhcrhchrhcherchouf bébé chroucfofourouchouchouf », ce qui avouons-le, atteint le but recherché mais manque de style. Il y aura aussi quelques prises car s’il est facile de s’imaginer parler à la caméra, une fois que « ça tourne », les mots ne viennent pas forcément dans le bon ordre. Dans tous les cas, ils ont su garder une relative spontanéité, et délivrer leur beau message… J’avoue que même si le texte n’était pas de moi (« on a fait un gosse » n’a pas été retenu dans la sélection finale), c’était émouvant, simple et plein de petites licornes chevauchant leur arc en ciel. On profite encore un peu du bruit absolument unique de ces vagues venant se briser sur le sable avant de remonter prendre la voiture.

Le prochain arrêt est à nouveau tout proche, mais notre ami le GPS a failli nous le faire rater (« eh c’était à gauche »). Et puis, j’ai d’abord cru qu’il se fichait de moi. Cette route minuscule, qui zigzague dans les rues d’un minuscule hameau, est censée nous amener au port de Ballintoy ? Eh bien… Oui, mais ce n’est pas aussi simple. Le village est au sommet d’une falaise érodée par les millénaires, et le versant plonge doucement vers l’eau, avec la route qui s’y accroche avec des virages assez désespérés. Tout en bas, niché dans la pierre et dans une formation naturelle extraordinaire, le minuscule port de Ballintoy nous accueille avec sa demi-douzaine de bateaux. De petits caboteurs de pêche, peints de couleurs vives et se balançant doucement sur leur amarre. Il y a de la place pour se garer (et même deux bus, ce qui veut dire qu’on aurait pu les croiser sur la route : allumage de cierge garanti), aussi nous décidons de faire un petit tour de ce paradis défiant la mer.

Il faut dire qu’ici, tout est un savant mélange entre la main de l’homme qui a façonné la digue et aplani le port, et la nature, puissante et sauvage, qui a créé cette pointe de roches extraordinaire qui protège cette petite crique. Les vagues viennent s’écraser dans de bruyants et splendides ressacs sur les blocs de basalte… Ces derniers hésitant entre la forme classique des pierres de Bretagne, érodés mais puissants, et celle de la Giant’s Causeway (qui n’est qu’à une trentaine de kilomètres par la mer) avec ses facettes géométriques. Une fois encore, la beauté de la scène est saisissante, rehaussée si c’était encore possible, par quelques détails humains qui apposent une touche mélodique à l’ensemble, comme ces lampadaires qui viennent relier ciel et terre sur les clichés. Nous resterons quelques temps, à tenter de capturer les gerbes d’eau salée s’en allant vers le ciel alors que meurent les vagues pour se reformer quelques secondes plus tard. Tout est là, le vent de mer, les sons de bouillonnement de l’eau, les embruns et même ces petites touffes d’herbe qui envers et contre tout, s’acharnent à vouloir prospérer ici, dans ce maelström de la côte irlandaise.


Le temps passe trop vite, et il faut déjà remonter la pente abrupte. Après deux « je vous salue Marie » nous nous engageons sur la route, et par chance n’aurons pas à croiser plus qu’une autre voiture de location. Nous voici revenus sur la nationale pour un autre saut de puce et une autre aventure. En effet, il y a à quelques kilomètres de là un roc avancé sur la mer, relié au continent par un pont de corde. Carrick a rede, comme l’ont appelé les locaux, a tout l’air d’être un sympathique petit coin de paradis entre les vagues et les oiseaux nichés à flanc de falaise. Malheureusement, il semble que nous soyons rejoint dans notre quête par une bonne partie des visiteurs de ce beau pays. Nous n’en avons pas croisé tant que cela jusqu’ici, aussi c’est la vraie surprise lorsque nous arrivons dans un parking géré façon parc d’attraction : des guides nous amènent jusqu’à notre place, il y a des bus, un service d’ordre… Immédiatement nous sommes refroidis. 

Même si nous enfilons nos chaussures de marche, le pressentiment est très clair, parce qu’il ne peut y avoir autant de familles au même endroit sans qu’il soit un peu… dénaturé. Nous profitons quand même de leurs sanitaires, avant de s’avancer vers le site. Et finalement, ce sont deux facteurs qui vont nous faire reculer. Le prix d’abord, parce que 5,6£ par personne, c’est beaucoup pour un pont de corde et un rocher. L’affluence ensuite : on est effectivement plus dans une ambiance de parc d’attraction… Pour vous dire, il y a même des panneaux de signalisation d’attente. Et il y en a pour minimum 20 à 30 minutes ! Donc non. A titre de consolation, une grande table d’observation des oiseaux nous apprend que notre pingouin volant de Downpatrick’s Head était un Guillemot. Maintenant, il est midi, nous allons repartir et nos estomacs grondent !

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