jeudi 30 août 2012

De train en train...

2005: Je travaille l'été durant dans une usine d'injection plastique, et je suis aux horaires du matin. L'équipe démarre le travail à 6h, sur le site de Saint-Louis. Le train que je prends depuis Mulhouse est le premier du matin, et je me lève vers 4h15. Le défi, c'est de rester éveillé dans le TER, dont les compartiments avant ne sont souvent pas éclairés... Une seule solution pour éviter de rater la gare et se réveiller penaud à Bâle: rester debout! Lorsque même dans ces trajets j'avais l'esprit ailleurs: j'avais l'aéroport pour point de repère: éclairé comme en plein jour, il était le signal d'arrivée idéal.

2006: De retour pour un mois et demi à l'usine, je me laisse régulièrement aller au retour du travail, tandis que l'été est exceptionnellement chaud. Le train qui me ramène de Saint-Louis fait tous les arrêts: autant mes efforts du matin sont concentrés, autant mon attention se relâche le soir venu. Le contrôleur m'aura réveillé une à deux fois en gare de Mulhouse.

2009: En stage à l'ISL, le jeu consiste à arriver à la gare, en vélo, dans la minute qui précède le départ du TER rapide. Comme ce dernier est régulièrement en retard, je finis par décaler également cette minute d'avance. Je finis par le rater plus que de raison, pour prendre celui qui fait tous les arrêts. Je suis suffisamment alerte pour lire... Mais cela peut-il durer?

2010: Depuis Colmar, le trajet s'est allongé, comporte une étape. 20 minutes pour relier Mulhouse, 10 de plus pour Saint-Louis, parfois plus. Je lis toujours, mais la plupart du temps, je profite de la présence de collègues, avec lesquels s'ensuivent de passionnantes discussions. Le soir, lorsque ce ne sont pas les sports de chacun qui font les sujets, ce sont les ragots de l'institut et la politique de la recherche dans les années à venir.

2011: De plus en plus de musique le matin, moins d'entrain pour les livres... Les discussions du matin se transforment en saluts, suivis par de courtes siestes angoissés. Un collègue assis à côté de moi en profite un jour pour me faire la blague, et s'évade dans mon sommeil avant l'arrivée en gare de Saint-Louis. Je me réveille alors que le train est à l'arrêt, ai tout juste le temps de me ruer dehors, furieux et sous l'oeil amusé du chef de quai.

2012: C'est la débauche du sommeil. Le corps, merveille d'adaptation, s'est conditionné au trajet qu'il connait par coeur. Aux premiers tours de roues, mes yeux se font lourds et se ferment: je rêve, mon casque vissé sur les oreilles, souvent avant la fin du quai. Le ralentissement à Mulhouse me fait lever une paupière, parfois, mais c'est le plus souvent un nouveau passager sur ma banquette qui me fait sursauter. J'émerge peu avant l'arrivée à destination, généralement au milieu de rêves profonds. Ce n'est pas le sommeil complexé que j'ai pu observer, pour lequel la tête ballotte avant de se crisper en position droite. Non, c'est une sieste d'aise, la bouche ouverte et la respiration profonde. Il m'est arrivé de me réveiller en m'entendant ronfler. Quant à la vue, elle sait reconnaître tous les points du trajet, de jour comme de nuit, et coordonner l'urgence d'un réveil (la vue de l'Hyper U de Colmar) avec une fausse alerte classique (les entrepôts de Rouffach).

Nous sommes des dizaines, que dis-je des centaines à ainsi finir nos nuits dans le train. Et si je souriais durant quelques mois devant les filets de bave de certains, je suis dans les plus prompts à m'envoler dans les bras de Morphée.
Je vous plains, conducteurs!

2 commentaires:

  1. En cas de grève SNCF, les conducteurs te merdent !
    Mais dans tous les cas, il y a ceux qui rigolent en pensant à tous les autres: les télétravailleurs ;)

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  2. Aaaah, le fameux filet de bave... Très sympa ce petit texte n'empêche ! :)

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